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Abréger ou Offenser…?

  • Abréger ou Offenser…?
« Faire du neuf avec du vieux »,  réécrire une oeuvre qui n’est pas la nôtre, s’approprier le droit de la juger et d’en corriger le contenu,  est ce éthiquement correcte en littérature?
L‘actualité brûlante de ces dernières semaines, bien loin du tapis rouge de Cannes et des caprices météorologiques de ce mois de mai tunisien, se focalise sur le contenu de certaines œuvres classiques définie comme offensant et peu étique.
Un contenu vieux de centaines d’années qui semble offenser les jeunes du 21e siècle. 
Un droit de repentir et de retrait qui se voit attribuer en héritage aux fervents défenseurs des bonnes mœurs et aux grands gardiens de l’offense.
Ayant eu à lire durant mes années de jeunesse, un nombre considérable mais modeste d’œuvres littéraires, classiques et autres, je me trouve un peu…beaucoup dans une situation embarrassante à vouloir ou devoir  prendre position:
Réécrire avant ou Lire comme avant …
Forcée par les parents, poussée par les professeurs et induite en erreur par une curiosité ardente, je dois avouer que ces œuvres et leurs personnages ont été de loin ma plus grande planche de salue durant ce que ma mère appelle encore « Ton adolescence rebelle ».
Au fil des nuits et durant les  longues journées d’été,  je les écoutais, ces fameux personnages, raconter leurs aventures, décrire leurs amours et se repentir de leurs trahisons.  Je vivais leurs séjours dans les mines, dans les mers et à Alger.
Je me souviens encore du son de certaines  lettres, de la voix de certains auteurs  et de l’effet de quelques baisers…
Forcée mais curieuse!!
j’ai vécu dans la peau des misérables, rencontré les Dames de l’époque, connu des amoureux au temps du Choléra, des frères russes et un enfant né à Aracataca.
Ma pudeur ayant quelquefois été offensée, ralentissait timidement mon rythme de lecture.
Certes mon innocence titillée a cru freiner  mon imagination, qui de force  a éclaté en mille et une autre.
L’offense subie par les livres… J’ai lu le racisme, j’ai frôlé dans ma la perte des valeurs, vu la prostitution, la guerre, j’ai été pianiste, GEISHA, blonde, rousse, Madame Bovary, reine, courtisane, peintre mexicain, Jean Valjean et parfois même salaud. 
Offensée, je l’ai certainement été et à plusieurs reprises,  mais c’est grâce à ces offenses que j’ai pu devenir ce que je suis maintenant. 
Offensés nous le sommes chaque jour, je le suis chaque jour! 
Le cri des armes m’offense, la douleur des enfants m’offense, les 20000 dinars demandés aux pèlerins m’offensent!!
Offensée bien sur que je le suis, par la censure au nom des bonnes pratiques, de la morale et du politiquement correcte, offensée par l’abus fait aux enfants, par les conditions dans les mines de diamants, offensée encore, toujours et à jamais,  par la position des arabes à l’encontre de la libération de la Palestine.  
Mais je n’aimerai certainement pas qu’un de ces jours, six pieds sous terre on vienne m’annoncer le malmenage de mon oeuvre aussi peu classique soit-elle.
Et là Puis-je  vous demander d’excuser mon abus du JE et permettez moi la transition vers un autre jeu, celui des mots, d’avis et d’abréviation des paroles  de Tom Hanks , qui en pleine promotion de son tout premier roman «The Making of Another Major Motion Picture Masterpiece»,  s’insurge contre la réécriture des classiques aux contenus jugés offensants. L’acteur américain affirme que rendre politiquement correct un ouvrage ancien s’inscrit dans une logique infantilisante.
«Je ne lirais aucun livre, qu’importe le registre, qui porterait la mention  »Abrégé en raison des sensibilités modernes »»
                                                                                       
                                                                                          Par Nesrine Ben Khedija 

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