Dr. Feryel OUERGHI
Maître de Conférences en Sciences Economiques –
Depuis le début de la mondialisation économique dès les années 1990, une série de crises financières n’a pas cessé de secouer le monde, à des intervalles de temps plus au moins variables. Les causes de ces crises sont diverses mais le résultat est le même : une profonde récession économique. La dernière crise est celle des subprimes en 2007-2008, qui a débuté avec un éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis pour toucher rapidement le système bancaire et financier mondial.
Avec l’apparition et la forte propagation du coronavirus, et la chute des prix sur les grandes places financières dans le monde, plusieurs économistes et analystes financiers commencent à se poser la question d’un éventuel déclenchement d’une crise financière mondial à l’instar de celle de 2007-2008.
L’impact du coronavirus est à la fois économique et financier. Alors que plusieurs pays se trouvent au ralenti : arrêt des usines, paralysie de l’activité touristique, de transport et une baisse de la demande avec des consommateurs obligés de rester chez eux, un mouvement de panique frappe les places financières mondiales, avec une chute libre des indices boursiers qui ont connu une perte entre 35% et 40%. En seule la journée de 12 mars 2020, l’indice de CAC 40 a connu la pire baisse de l’histoire, de 12.28%, plus grave que le krach de 2008 (9.04%) et même de 1987 (9.64%). La journée était également dure sur Wall Street, qui n’a pas connu de tels écroulements depuis 1987, avec une baisse de Dow Jones de 9,99 % et de Nasdaq de 9,43 %. La Bourse de Sao Paulo a perdu 14,78 %. Le principal indice européen, le STOXX 600, a perdu plus de 10 % sur la journée, une chute plus aigüe que celle connue lors du vote du Brexit, en 2016.
Ce krach boursier a des conséquences négatives sur l’économie réelle, puisque les entreprises cotées en bourse perdent de la valeur et donc de l’argent, elles vont arrêter d’investir, avec des conséquences directes négatives sur l’emploi et sur les salaires. De ce fait le chômage augmente et la consommation baisse, plongeant encore l’économie dans la stagnation.
Le système bancaire risque aussi d’être touché avec ce qu’on appelle le ‘’crédit run’’ ou la course aux dépôts. Les entreprises qui manquent de liquidités vont retirer leur économies, créant des besoins de liquidité chez les banques, qui à leurs tours vont recourir à la banque centrale.
A ce krach boursier s’ajoute la guerre des prix du pétrole déclenchée par l’Arabie Saoudite contre la Russie pour avoir refusé la réduction de sa production pour lutter contre l’impact négatif du coronavirus sur la demande.
Le lundi 9 mars, le prix du baril du pétrole a connu la plus importante baisse journalière depuis la guerre du Golfe de 1990-1991 : une chute de 30% !
Le coronavirus n’a fait qu’aggraver la situation, car depuis la fin de l’année 2019, la demande mondiale du pétrole commence à baisser devant la croissance des énergies renouvelables. L’Arabie Saoudite voulait contrer cette baisse de la demande par une baisse de l’offre, en voulant obtenir un accord de la baisse de la production avec la Russie afin de garder les prix dans des niveaux acceptables. Par crainte de perdre une part du marché, la Russie a refusé, poussant ainsi l’Arabie Saoudite à inonder le marché à des prix bas. L’impact de cette baisse des prix sera néfaste sur les entreprises pétrolières dans les pays producteurs du pétrole, notamment les Etats-Unis.
Face à cette paralysie de l’économie mondiale et cette instabilité financière, impactant à son tour l’économie, l’intervention de l’Etat est nécessaire afin d’empêcher le pays de sombrer dans la récession, à l’instar de l’intervention de la Réserve Fédérale qui a baissé le taux d’intérêt de 1 point. La banque centrale américaine a appelé les établissements de crédit à puiser dans leurs liquidités mis en réserve pour accroître leurs prêts aux entreprises et aux ménages. « Le virus a un impact profond sur les gens, aux Etats-Unis et dans le monde entier …. Nous allons vraiment utiliser nos outils pour faire ce que nous devons faire», a déclaré le président de la Fed, Jerome Powell.
D’autres pays, telle que l’Allemagne qui, pourtant attachée à la discipline budgétaire, promet de soutenir « sans limite » le financement de l’économie réelle.
En espérant stopper la crise, les Etats interviennent à travers différents moyens afin de booster leurs économies, ou serait-il une autre fois une des limites de la mondialisation ?
« Cette crise du coronavirus n’est qu’un élément supplémentaire pour expliquer le demi-tour dans la mondialisation auquel nous allons probablement assister », relève Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI.