Vous nous quittez, un jour mémorable pour tous les tunisiens où ces derniers fêtent l’anniversaire de leur République.Cette deuxième République naissante, pour laquelle vous vous êtes investi.
Déjà, sous la conduite éclairée du leader Habib Bourguiba, vous avez contribué à l’édification de la première. J’ai eu à tracer votre chemin marqué dans le marbre de l’Histoire de la Tunisie, lors de votre rencontre à Paris,avec Ghannouchi. Nul n’oubliera qu’à cette occasion,vous avez sauvé le pays de la division, de la haine et des règlements de compte. Vous avez eu le courage de le faire, malgré toutes les oppositions parce que vous voulez être le continuateur de Bourguiba dans la construction d’un Etat moderne géré par le droit et le devoir.
Appuyé par une grande majorité de tunisiens, votre dernière initiative pour amender l’héritage, verra le jour malgré les réticences de certains. Sur le plan intérieur, vous avez été le maitre d’œuvre du consensus parce que vous voulez aller de l’avant vers le progrès. Votre objectif étant de réunir toutes les bonnes volontés sans distinction d’âge, ni de religion, ni d’idéologie, au service du pays. Sur le plan extérieur, vous avez réveillé la diplomatie de sa torpeur, en la réinscrivant dans l’échiquier des grands quivousont exprimé leur respect et leur admiration.
Quant à moi les larmes aux yeux, je ne pourrais pas oublier cet accueil chaleureux et paternel que vous m’avez réservé, en me recevant au Palais de Carthage. Vous êtes venu à ma rencontre avec ce sourire dont vous avez le secret et le charme, me disant « Je t’accueille dans le bureau de Bourguiba.Qu’est-ce- que tu me veux de plus ? » Puis parcourant avec moi le bureau, vos commentaires fusaient sur l’histoire. Des allusions et des amertumes,débitées en vrac, teintées parfois, d’anecdotes comme celle de « rejeb, ton horoscope, c’est avec des « Mohamed », que tu dois le lire. En effet de Mohamed Sayah dont tu as été le fidèle collaborateur, tu es actuellement avec Mohamed Ennaceur, avec qui tu suivras la même attitude, tu vois je suis de près ta carrière. En plus,je lis tes articles qui font la une dans la rubrique « Opinion » du journal La Presse, lorsqu’ils veulent bien me les transmettre. » Et il ajoute, « ils oublient que j’étais Ministre de l’Intérieur. »
Assis en face de lui, je lui traçais ce qui me semblait important pour le pays. En lui présentant mon recueil d’articles en arabe, intitulé تونسنا الى أين المسار)(« Notre Tunisie quelle est la voie à suivre ! » Il le prit en souriant, me disant « Rejeb, toi tu ne connaispas la voie, mais moi je ladessine par étapes et par petites touches à la bourguibienne ! » Puis parlant du passé, du présent et de l’avenir et tirant les leçons de son expérience, il me résume tout cela en quatre points fondamentauxsur lesquels il attire mon intention. Je les ai identifiés, à ma manière, comme suit :« il n’y a plus d’hommes politiques en Tunisie; l’accord avec Ennahdha,a sauvé le paysd’une guerre fratricide; ceux à qui on donne pleineconfiance finiront, un jour, par trahir; nul ne peut gouverner un pays tout seul, il est toujours amené à composer. »Ces conclusions sont à méditer avec le temps ! Puis parlant de sa succession, en fin politique il me cite souvent l’attitude du Président Bourguiba pour qui il voue une admiration sans limite.
Revenant sur la maladie de Sayah « je voulais venir lui rendre visite à l’hôpital, me dit-il, mais il parait qu’il est inconscient. » Je lui confirme ses dires. En prenant congé de lui après quarante minutes de discussion à bâtons rompus et de bonheur, j’ai osé lui poser une question sur « Nidaa et ses divisions ». Il me réplique « je suis en train de rapiécer l’existant !» « Tu passeras le bonjour à LilyaSayah et tu lui diras que je suis toujours prêt à l’aider. Quand à toi, tu reviendras me voir quand tu veux. Avant de me quitter, je vais te faire une confidence : je vais nommer un jeune Premier Ministre dont tu apprécieras sûrement le choix ! » C’était un mois avant la nomination de Youssef Chahed !
J’ai traversé la cour du Palais abasourdi de la qualité de son accueil et de l’immense honneur qu’il m’a fait de discuter avec lui. J’ai contacté la femme de Sayah pour lui transmettre les salutations du Président et, à ma surprise, elle m’annonce qu’elle vient juste de recevoir un bouquet de fleurs de la Présidence. Quel geste auguste d’un seigneur! La Tunisie a perdu en Si Béji Caïd Essebsi, un homme de cœur et de raison !Il a voué sa vie, sans relâche, au service d’autrui. J’ai toujours répondu à tous ceux qui voulaient l’égratigner et je le défendrais si besoin est, par ma plume! Il a été un modèle dans son genre et une icône irremplaçable. Que Dieu lui accorde sa miséricorde et l’accueille dans son Paradis éternel.
Quand au nouveau Président Si Mohamed Ennaceur que Dieu le guide sur la voie de son prédécesseur dans la construction d’un pays démocratique viable et agréablement vivable.Il a l’expérience nécessaire et les capacités requises d’un homme d’Etat.Souhaitons-luibon vent pour conduire la « barque Tunisie » à bon port !R.H.
*Dr d’Etat en économie, Dr en statistique, Diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris, suivi d sessions à Harvard, IAE de Paris, …, Diplômé de l’Institut de Défense Nationale (4ième promotion), chef de cabinet du feu Mohamed Sayah…Titulaire de plusieurs décorations (ordre de l’indépendance, ordre de la République,…)