Monia Dahmani directrice adjointe à l’école Voltaire (Ecole homologuée du Caire) a choisi l’Egypte comme port d’attache, mais est restée intimement liée à la Tunisie, son pays d’origine …
Femmes Maghrébines : Racontez-nous votre parcours ?
Monia Dahmani : J’ai suivi un parcours atypique entre Tunis- Paris et La Marsa avec une succession d’écoles publiques entre Tunis et Paris puis le Lycée Français de La Marsa (Caillou). Parallèlement dès 11 ans, j’ai commencé à aller au Caire pour voir ma tante et mes cousins J’ai eu un coup de foudre quasi mystique pour cette ville et décidé qu’elle serait mon point d’attache. J’y ai effectué plusieurs types de métiers dans des secteurs divers : Commerce de luxe, finance. A la naissance de mon premier enfant, on m’a proposé d’effectuer un remplacement en maternelle.
C’est au contact des élèves en difficultés que j’ai décidé de me spécialiser et suivi une formation locale faite en coopération avec l’IUFM de Paris. En 2007, j’ai participé à la fondation de l’école Voltaire, à cursus français, qui a rapidement été homologuée. J’ai été recrutée en tant qu’enseignante puis pris la direction de l’école. L’année suivante nous avons fait un appel à un directeur expérimenté. Je suis son adjointe depuis. L’école a commencé avec 3 classes et 50 élèves, nous sommes aujourd’hui à 36 classes et 800 élèves avec une très bonne réputation.
– Femmes Maghrébines : Comment êtes-vous arrivée au poste que vous occupez aujourd’hui ?
M.D : Le fait d’avoir été exposée aux différents types d’écoles : Publique en France, mission en Tunisie et privée en Egypte ont été un atout. La confiance de 2 grandes dames : Mme Mona Nazeef (fondatrice de l’école) et Mme Afaf Awad (Presidente des écoles du Smart Village : Voltaire et Kipling (Cambridge) ont également été déterminantes. Je considère les 800 élèves de l’école comme mes propres enfants, même ceux qui ne sont plus sous ma tutelle.
– Femmes Maghrébines : Avez-vous fait face à des obstacles durant votre ascension à ce poste et comment les avez-vous contournés ?
M.D : Toute forme d’ascension et de succès et forcement accompagnées de son lot de rivalités et coups bas. Ce fut déstabilisant dans un premier temps, surtout lorsqu’elles venaient de personnes proches et notamment de compatriotes qui me reprochaient de ne pas faire de favoritisme lors des dossiers d’acceptation que ce soit pour des dossiers d’inscriptions ou des recrutements. J’ai appris avec le temps à les ignorer et à n’agir qu’avec mes propres convictions.
– F.M : Il existe certainement des différences culturelles entre la Tunisie et l’Egypte, l’intégration dans la société égyptienne était-elle difficile ?
M.D : Elle a été plus difficile que je ne le pensais lorsque je suis arrivée en 97. La société égyptienne est beaucoup plus conservatrice que la société tunisienne. Le regard des égyptiens était également plus caricatural vis avis de nous. Les chaines paraboles ont contribué à changer cette vision. Lors de mon mariage à chaque étape et jusqu’au bureau d’état civil, on a rappelé à mon mari le type de risques auxquels il s’exposait en épousant ‘’un étrangère.’’
– F.M : Vous êtes la maman de trois enfants et votre travail est prenant, comment avez-vous pu concilier famille et travail ?
M.D : J’ai accepté mon premier poste de remplaçante car il était le plus compatible avec mon statut de maman. Mes 3 enfants sont scolarisés dans mon école, mais je finis rarement à la même heure qu’eux et je travaille souvent pendant leurs vacances scolaires. Du coup ça rallonge souvent leurs propres journées. Quand nous sommes à l’école, je mets également un point d’honneur à ce qu’ils soient des élèves comme les autres et je deviens Mme Monia et non plus maman… un dilemme pas toujours facile à gérer. C’est un package qui présente certains avantages pour eux mais aussi des inconvénients.
– F.M : Quels messages et quels conseils donneriez-vous aux Tunisiennes qui vivent à l’étranger et qui aspirent à des postes importants ?
M.D : Un des atouts de la femme tunisienne et d’être à cheval entre une culture orientale et occidentale. Cette singularité doit être mise en avant et exploitée. L’émancipation accordée par Bourguiba en fait une femme indépendante qui n’a rien à prouver à ses congénères masculins. Soyez vous-même et tout vous réussira.