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La première femme tunisienne médecin, pédiatre puis gynécologue, du monde arabo-musulman, Tawhida Ben Cheikh a contribué de façon importante à transformer l’image et le rôle de la femme et à faire de la science une opportunité pour le développement durable, la paix et le changement en Tunisie à une époque bien particulière de son histoire. Elle fut une partisane active et importante dans la mise en place de la planification familiale et du premier journal féministe tunisien en langue française, Leïla.
Née en 1909 dans une fratrie de quatre enfants de la grande bourgeoisie terrienne installée à Ras Jebel dans le Nord-Est, la jeune Tawhida perd son père alors qu’elle est encore toute jeune. C’est sa mère qui luttera contre les résistances familiales pour qu’elle étudie, nièce de Tahar Ben Ammar (homme politique influent ayant conduit en 1956 les négociations pour l’indépendance de la Tunisie pour en signer le protocole d’accord avec la France le 20 mars 1956) , elle reçoit une bonne éducation, d’abord chez les sœurs de la rue du Pacha puis au lycée Armand-Fallières de Tunis. Élève brillante, elle devient en 1928 la première femme musulmane à obtenir le baccalauréat en Tunisie.
Remarquée pour son intelligence et son aptitude aux études, Tawhida bénéficie du soutien du docteur Burnet, médecin français, et de sa femme, qui l’aident à s’inscrire à la faculté de médecine de Paris. Mais c’est sa mère, Halouma Ben Ammar, qui parvient, non sans mal, à arracher l’accord de la famille paternelle pour ce voyage. Partie en 1929, Tawhida obtient son diplôme en 1936. Et rentre à Tunis, première femme musulmane du monde arabe à devenir médecin.
A Tunis, Tawhida Ben Cheikh pratique dans une clinique privée dédiée aux soins des femmes et des nouveaux-nés. Dans une Tunisie sous protectorat, les hôpitaux publics sont gérés par les autorités françaises et la jeune femme ne peut pas y exercer. Dans un premier temps, Tawhida pratique la médecine générale et la pédiatrie, avant de se spécialiser dans les questions féminines et la gynécologie.
Pendant la Seconde Guerre mondiale et ensuite, et comme bon nombre d’intellectuels et de militant(e)s de son temps, Tawhida Ben Cheikh s’engagea sous le signe du combat pour l’accès à la santé de la femme et le soutien aux démunis. Elle fonda un certain nombre de sociétés de bien-être, notamment la Société de l’aide sociale (jami3iyat al-Is3af al-Ijtima3i), l’Orphelinat Accueil (Dar al-Aytam) et Femmes Accueil (Dar al-Mar2a) en 1950. Elle fonda également la Société Qammata pour les soins de l’enfant et l’éducation maternelle visant à renforcer la conscience et la formation des mères de familles pauvres et démunies d’obtenir de meilleurs soins de santé. En 1963, Tawhida crée un service de planning familial à l’hôpital Charles-Nicolle. En 1968, elle ouvre une clinique de contrôle des naissances à Tunis avant de devenir directrice du Conseil national de la planification familiale en 1970.
À ce parcours militant et humanitaire s’ajoute son rôle en tant que vice-présidente de la Croix-Rouge tunisienne.
Et c’est en 2012 que la Poste tunisienne a rendu hommage à cette battante en lui consacrant un timbre à son effigie puis en lui dédiant le billet de 10 dt. Google a, lui aussi, tenu à lui rendre hommage à l’occasion du « Women’s History Month » (Mois des femmes dans l’Histoire)
En 1937, Tawhida prend la tête de la revue Leïla. Première revue féminine en Tunisie, fondée l’année précédente, Leïla se veut « une revue mensuelle illustrée pour l’évolution et l’émancipation de la femme musulmane nord-africaine ». De fait, le mensuel publie certains articles précurseurs sur l’émancipation des femmes et leur rôle dans la société tunisienne.
Vie privée Elle est la mère du vétérinaire Faycel Benzina, du dentiste Omar Benzina et de l’archéologue Zeïneb Benzina.
C’est en 2010 qu’elle nous a quitté à l’âge de 101 ans, laissant derrière elle des valeurs et des principes très enrichissants représentant ainsi un exemple à suivre pour les descendances à venir. À l’initiative de la maire de Montreuil, Dominique Voynet, un centre de santé Tawhida-Ben Cheïkh est créé en mars 2017. La Banque centrale de Tunisie émet un nouveau billet de dix dinars à son effigie le 27 mars 2020.