- société
Par Pr. Chokri Mamoghli
Les tunisiens et la triche ont une longue histoire commune. Ils rappellent ces vieux couples qui passent leur temps à se chamailler, à se lancer des vérités mais qui ne peuvent se séparer. Une grande partie de nos concitoyens, passe son temps à tricher. Ils trichent à l’école, ils trichent au bac, ils trichent pour l’orientation universitaire, ils trichent pour le CAPES, ils trichent pour le permis de conduire, ils trichent pour payer l’impôt, ils trichent pour l’obtention d’une bourse à l’étranger, ils trichent pour l’obtention d’un crédit, ils trichent pour l’obtention d’une autorisation de bâtir…Cette longue litanie peut se prolonger sur des pages et des pages.
Les tunisiens qui ont assumé ou qui assument des responsabilités vivent souvent des situations surréalistes. Lorsqu’ils appliquent avec honnêteté et transparence la réglementation, ils sont souvent, diplomatiquement, rappelés à l’ordre. Ils sont qualifiés d’abord de rigides, on leur demande ensuite d’arrondir les ongles, et lorsque le comportement perdure il y toujours un « coup de fil » qui sent la menace. On leur envoie le message « Sayes Rouhek ». Sous-entendu, mettez vous au pas, cédez ou bien vous allez nuire à votre carrière. Nous sommes dans un pays de schizophrènes.
Tous les tunisiens savent cela et abordent toutes les démarches qu’ils entreprennent avec suspicion. Ils n’ont pas confiance. Ils doutent. Ils sont persuadés qu’il y a toujours quelque part une embrouille. Ils ont raison de ce point de vue mais ils oublient qu’à un moment ou à un autre ils sont sources de l’embrouille. L’administration aborde les usagers également, dans cet état d’esprit. Nous sommes tous coupables jusqu’à preuve du contraire.
C’est dans ce « décor » que se tiennent les élections et s’organisent les parrainages des candidats. Les accusations de triches, les méthodes et les techniques de triches, l’ampleur de la triche, les parties qui trichent, les saisines des procureurs de la République pour triches, huit candidat sont parait-il convoqués, font l’objet d’analyses, d’exposés, de dénonciations et cela au dépens de la confrontation des programmes.
Les candidats (faut-ils appeler ces voyous ainsi?) qui trichent volontairement, me rappellent ces élèves qui passent leur temps à préparer des fausses-copies, des anti-sèches microscopiques, illisibles pour le commun des mortels. Etant élève leurs efforts m’ont toujours épaté. Etre capables de préparer de tels chef-d’oeuvres relevait pour moi, simple mortel, de l’exploit. Je me contentais en effet, bêtement d’apprendre mes leçons. je me posais cependant la question de savoir s’il ne valait pas mieux pour eux, de travailler un peu pour arriver à un résultat au moins aussi bon sans dépenser toute cette énergie? Les techniques de triches ont beaucoup évolué depuis, wifi, blue-tooth, mini-kits etc. Ceci est une autre histoire.
Tout ceci m’amène à m’adresser à tous ces tricheurs, à tous ces intrus, à cette canaille politicienne (je ne peux pas les nommer), messieurs, une élection présidentielle dans un pays démocratique ou même pré-démocratique, n’est ni un devoir sur table, ni un examen de code de la route. Il n’y a pas de fausse-copie possible, il n’y a pas de pistons, il n’y a pas de fuite, le fric ne sert à rien ou à pas grand chose. Dépensez votre énergie au travail, faites des efforts réels même si c’est déjà trop tard. Arrêtez votre arrogance, votre cynisme, votre mépris pour le peuple. Le plus humble, le plus pauvre des tunisiens, est mille fois plus respectable que vous.