- société
Par Jihène Sayari.
C’était un dimanche, je m’en rappelle très bien. À Béja il régnait un calme typique du dernier jour de la semaine . Un silence ennuyeux mais grandement apprécié, jusqu’à ce qu’il soit brusquement déchiré par les bruits assourdissants des sirènes des pompiers. Non pas une, mais des sirènes, résonnant dans chaque coin du centre-ville. Au début, j’ai espéré que cela cesserait rapidement, mais face à l’intensité croissante du son, l’espoir s’est évaporé peu à peu. Nous ne comprenions pas grand-chose jusqu’à ce que l’écho de l’accident tragique d’Amdoun nous parvienne. Un bus transportant des jeunes en excursion avait eu un accident, une véritable tragédie. Le nombre de morts, ou s’il y en avait, restait inconnu, mais une énergie bizarre flottait dans l’air ce jour-là. L’air sentait la mort ! Le ciel s’était vêtu d’un gris étrange malgré le soleil qui brillait. C’était peut-être moi ou mes émotions qui amplifiaient cette grisaille. Je me souviens ensuite des bruits qui n’ont pas cessé : ceux des pompiers, des voitures escortées, des journalistes. Toute la Tunisie s’était tournée vers nous, mais malheureusement, les circonstances étaient morbides. La foule devant l’hôpital, des gens venant de partout pour vérifier si leurs enfants étaient encore vivants, des ambulances transportant des cas vers Tunis car ici, l’hôpital manquait cruellement de moyens. Je ne sais plus si c’était à l’époque où nous n’avions pas de scanner ou celle où l’ascenseur de l’hôpital était hors service. Mais c’était ça, nous manquions de beaucoup de choses. La ministre de la santé s’était rapidement déplacée, de même que le Président. Il était évident que des têtes allaient tomber face à autant de négligences. Peut-être qu’elles sont effectivement tombées, je ne sais plus. Après ces jours de choc, tout est redevenu normal et les hauts responsables sont rentrés chez eux, abandonnant une fois de plus cette ville du nord-ouest, pourtant si riche mais si délaissée à son propre sort. Il suffit de faire un tour au centre-ville pour constater la saleté, le désordre et l’anarchie… À vrai dire, rien n’est étrange puisque nous n’avons plus de gouverneur depuis longtemps, ni de maire. Nous sommes livrés au hasard de la vie, dans la jungle d’une circulation anarchique et de rond-points qui poussent du jour au lendemain pour aggraver les choses un peu plus chaque jour. Ce jour-là, le choc était national, voire international, car les échos sont rapidement parvenus aux oreilles des médias internationaux. Décembre 2019, un dimanche qui a injustement pris des vies, en raison du laisser-aller, du non-respect des lois, et de l’incompétence de nombreuses personnes occupant des postes pour lesquels elles ne sont pas à la hauteur. Le feuilleton Fallujah a rouvert volontairement ou pas la plaie encore saignante et douloureuse dans nos cœurs, et que dire de la famille des victimes de l’accident, paix à leurs âmes.