- société
Pr Ahmed Dhieb*
Professeur d’anatomie et de chirurgie. Anthropologue-
En tant que Professeur d’anatomie, j’ai toujours eu le malin plaisir de rappeler à mon auditoire d’étudiants en médecine, surtout en début d’année, que le cerveau de l’homme pesait 1400 grammes, face à un cerveau de femme qui pèse 1200 grammes en moyenne….
D’autant que mon auditoire était composé d’une majorité de femmes. Il en est ainsi depuis que nos garçons se sont mis à déambuler depuis leur classe de neuvième, et sont moins enclins à suivre assidûment leurs études. Les filles étant de ce fait dans une proportion bien plus grande que les garçons.
Le troisième étage est le plus humain des trois. C’est là que durant les trente derniers millions d’années, le genre humain a acquis certaines de ses prérogatives; et en fait, c’est surtout dans les derniers deux ou trois millions d’années que l’homo sapiens va accomplir d’immenses progrès: Il va se redresser, donc se mettre en hauteur pour mieux voir l’ennemi, qui est certainement et dans la plupart des cas plus fort que lui, plus rapide. D’où l’importance de la vision, de l’appareil visuel (yeux et nerfs).
Il va développer la parole afin de communiquer avec ses congénères, transmettre et exprimer rapidement ses désirs, ses revendications, ses besoins, une demande d’aide, une alerte à danger en vue. Il va surtout développer cette aptitude extraordinaire qu’il sera seul à maîtriser; c’est la fabrication de l’outil. Or cette fabrication représente pour l’essentiel un projet, un programme. Nous voici avec une main libre, qui ne sert plus à la locomotion. Le pouce va s’écarter progressivement des autres doigts, n’avoir plus que deux phalanges au lieu de trois, ce qui le rend plus fort. Posséder des muscles spéciaux qui l’opposent aux autres doigts.
En cassant son premier silex, l’homme va se sentir plus fort que jamais. Car avec ce silex, ces galets, ces hachereaux, l’homme va pouvoir dépecer un animal. Avec son index, organe de sens (le toucher) il va se distinguer des autres animaux, en percevant les choses, en les touchant. Mais tout cela a pour conséquence de passer d’un tout petit cerveau de 300 neurones à un néocortex possédant près de cent milliards de cellules nerveuses ou neurones, et près de cent milliards de synapses où « s’articulent » les différents neurones afin de transmettre l’information.
Nous nous trouvons donc depuis l’australopithèque, depuis l’homme de Toumai, voici sept millions d’années, progressivement évoluer vers l’homo sapiens dont le cerveau pèsera 1200 grammes chez la femme. C’est un grand ordinateur intelligent avec une bonne mémoire parvenant jusqu’à développer l’imagination, la pensée, le raisonnement logique. Il sera à la fois influencé par le cerveau primaire reptilien et par le deuxième étage émotionnel, le paléocortex, comme il peut s’en libérer totalement, raisonner, dominer la peur « naturelle » de l’issue finale qui est la mort, et même battre ce cerveau moyen et lui imposer un refus catégorique de tout sentiment religieux.
Car en fin de compte, l’homme a fini par pénétrer notre monde de l’infiniment petit, le mondes des atomes et des molécules. Il a su dès lors qu’une molécule d’eau (H2O) ne mouille pas. Et que seules les molécules d’eau assemblées possédaient cette caractéristique. Que la mort finit par désagréger le corps mort en molécules qui se retrouveront dispersées, semées à tout vent, et que seul le hasard fera qu’elles rentreront dans la composition d’un félin, d’un porc, ou d’une belle fleur. Cette matière organique se retrouve dans une autre matière organique. Et il n’y a hélas, ni sable ni boue de Gilgamesh.
Nous sommes faits de matière organique. Bien entendu, il ne sera pas toujours facile de répondre par un raisonnement logique, face à un danger brusque, brutal, soudain. Bien que possédant près de quatre-vingt pour cent du cerveau humain, nous nous trouvons dépassés et c’est notre cerveau rudimentaire, primitif, reptilien qui devance par sa réaction de fuite, de blocage total sous stress, ou de réponse de défense face à une agression.
Nous avons certes essayé de simplifier les choses, diviser ces étages, donner un rôle précis à chacun de ces étages cérébraux.
En fait une communication permanente entre ces différents étages a lieu. Tant et si bien que l’information est continue entre tout ce qui vient de l’extérieur et nos étages cérébraux. Ces étages étant en même temps reliés entre eux électriquement et chimiquement.
Et il n’y a qu’à imaginer un moment de sommeil. Nous sommes endormis. En principe, nous sommes inconscients. Et cependant essayons de stimuler le pied de quelqu’un qui dort. Il peut se suffire de ne point bouger. A une stimulation plus forte, cette personne va retirer son pied mais sans se réveiller. Et à une stimulation encore plus forte, nos deux premiers étages se trouvent dépassés, et vont forcément réveiller notre néocortex pour une réaction plus appropriée. C’est à l’image d’un chien qui garde une demeure et qui entend des pas d’un voleur. Il va commencer par simplement grogner. Et si le voleur transgresse la demeure et saute par-dessus la barrière, le chien va ameuter le maître de maison par un aboiement incessant, voire une action plus violente, et ce afin d’appeler au secours.
(à suivre)