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Mon mari, mon cancer … et moi (première partie)

  • Mon mari, mon cancer … et moi (première partie)

Ce jour-là, le silence était lourd dans le cabinet du médecin. Je lisais très bien la fatalité dans son air sérieux et dans son discours protocolaire, désormais rodé, qui se voulait à la fois distant et compatissant :

« Madame, nous avons détecté un corps au niveau du sein droit. Il s’agit malheureusement d’une tumeur maligne … Je suis désolé de vous annoncer une telle nouvelle ».

Le premier geste que j’ai eu, c’était de regarder mon mari. Assis face à moi, je voyais son visage qui se décomposait et ses yeux qui se sont grand-ouverts d’un coup, le temps d’accuser le choc.
Quelques secondes après, je dirigeai mon regard vers le docteur et prononçai la question habituelle :

  • A quel stade est mon cancer ?
  • A vrai dire, je ne sais pas encore, répondit le médecin l’ai soulagé, mon travail s’achève ici. Il faudrait maintenant que je vous guide vers un autre spécialiste. Vous allez certainement faire des analyses qui indiqueront à mon collègue le type et l’état d’avancement de la tumeur en question.

Sur le chemin du retour, mon mari ne cessa de me répéter : « Je suis sûr que la tumeur n’est pas à un stade dangereux. Tu as toujours été une battante et je sais que tu vaincras cette maladie … ».
Moi, je ne disais rien.
Je pensais à mes trois enfants, si jeunes encore.
Je me rappelais également toutes les histoires qu’on m’a raconté par le passé : sur le mari d’une telle qui l’a quitté à cause de son cancer ou bien sur le mari d’une autre qui commençait déjà à repérer sa future femme parmi les personnes venues le jour des funérailles de son épouse, morte d’un cancer. Je me suis alors tournée vers mon mari et lui ai brusquement demandé : « Tu sais que je ne serai pas toujours de bonne humeur et que les thérapies vont me détruire physiquement et psychologiquement … tu le sais ça, n’est-ce pas ? ».
Il répondit, interloqué : « Oui, je le sais, et alors ? ».
Je ne veux pas que tu me dises aujourd’hui

« on se battra »,

puis

« Je n’en peux plus » et tu claques la porte après quelques mois.

Je te dirai certainement « Je n’en peux plus », mais je ne claquerai jamais la porte, rak maâ rajel.
Ces paroles, censées me réconforter, n’ont fait qu’engendrer une multitude d’autres questions : je ne suis pas la femme d’un « occidental » pour qu’il me soutienne jusqu’au bout et sans rechigner.
Supportera-t-il mes sautes d’humeur ?
Supportera-t-il le fait de ne pas avoir à manger pendant des mois ?
Supportera-t-il l’état de la maison ?.
(à suivre)

Par Hajer Zarrouk

DOSSIERS SPÉCIAUX