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Chaque année, la fête d’El Mouled est célébrée par de nombreuses communautés musulmanes. Quoique unanimes autour de la question temporelle du « 12 rabia al awwal ربيع الأولde l’année Hijri », ces communautés ne le célèbrent pas de la même manière, dès qu’il en est question de la territorialité. Mise au point sur la Tunisie, le Maroc et l’Algérie.
Les festivités officielles du Mouled n’ont vraiment commencé en Tunisie que l’année 1257 de l’Hégire (1842 Ap JC) du temps d’Ahmed Bacha.
À cette occasion, la grande mosquée Zaytouna est illuminée ainsi que toutes les mosquées dans tout le pays et des veillées sont organisées un peu partout.
La fête du Mouloud prend toute son ampleur à Kairouan, considérée comme étant la 4ème ville sainte après La Mecque, Médine et Jérusalem.
« Jadis, on s’y prépare un mois à l’avance. Les rues particulièrement celles de la médina, les mausolées, les mosquées et les marabouts sont soigneusement nettoyés et badigeonnés au « jir arbi » (oxyde de calcium), les murs sont ornés de tapis kairouanais multicolores. Autrefois, les festivités duraient toute une semaine jusqu’au prochain vendredi « Jemaât el mouled » par coutume réservée aux kairouanais qui vont en » ziara » au mausolée « Sidi Sahbi » réciter la fatiha, émettre des vœux ensuite faire un petit détour à « fasqiat el aghaliba » » Selon Monsieur Mohamed Rebai.
Dans les foyers tunisiens, une crème appelée ‘assîda est préparée selon deux sortes: Une assida qui est à base de semoule cuite à laquelle on ajoute le beurre salé (smen) et le miel. La seconde ‘assîda, beaucoup plus élaborée et raffinée, confectionnée à partir de la pigne de pin (zgougou) nappée d’une crème pâtissière. Elle est, par la suite, décorée de fruits secs grillés et concassés.
Au Maroc, la célébration de ce jour «sacré» a des points de convergence et de divergence avec celle des voisins comme l’Algérie et la Tunisie. Aïd Al Mawlid, est célébré à la tombée de la nuit, contrairement à la Tunisie et pareillement à l’Algérie. Laâssida est remplacée par le couscous, des vermicelles et des friandises.
D’un point de vue anthropologique, la célébration du Mouled, dit aussi Mawlid, ou encore Mawled, au Maghreb, remonte à l’époque des Fatimides, soit au 12e siècle. Or, les communautés musulmanes réparties sur des zones géographiques différentes se sont réapproprié la tradition et ont inventé leurs propres «spécificités». Ainsi la «géoreligion» est devenue un facteur déterminant dans la «mise en scène» de la tradition. Au Maroc, le temps réversible a son poids. Explications : l’aspect culinaire traditionnel, les vêtements (Caftans, kamiss blanc), les odeurs spéciales telles que Nedd non seulement pour «chasser» les mauvaises odeurs mais aussi pour parfumer leurs maisons. Ils utilisent également dans ce sens du musc solide ou encore Nedd. Des séances spirituelles accompagnent leurs traditions culinaires. Il s’agit notamment de la célébration du Mouled par Issawa (voir encadré), une confrérie née à la ville marocaine, Meknès. Dans cette ville, mais également à Fès, on écoute aussi à l’occasion du Mouled de la musique andalouse. «A l’occasion de cette fête, nous préférons écouter de la musique andalouse pendant la journée, la nuit nous écoutons Issawa, et le lendemain ou à la fin de la semaine, nous partons au club, auquel nous sommes inscrits, pour assister à une séance de Issawa», nous a affirmé Sanae Metloub, marocaine, jeune femme mariée de Casablanca, originaire de Meknès, âgée de 25 ans.
Au Maroc. Avant de poursuivre : nous réunissions autour d’une Seffa et un couscous, des fruits secs et des friandises». A préciser que Seffa est un plat marocain (et algérien aussi) à la base de semoule. Il s’agit, en effet, d’un plat à base de vermicelles, de riz ou de couscous subtilement sucré à la cannelle et aux amandes. Quant à Sara Hamoudou, étudiante marocaine à l’Institut supérieur de comptabilité et d’administration des entreprises (ISCAE) à Tunis, la célébration de cette fête s’effectue dans un cadre familial, car elle est sacrée. Or, cette date coïncide avec la période des examens. A cet effet, la journée du 13 sera consacrée à la révision.
La dialectique des rapports entre ces identités collectives est à penser dans les recherches scientifiques. En Algérie, par exemple, le Mouloud (comme le prononcent les Algériens), est célébré par les fusées et les feux d’artifice. Le soir, à l’instar du Maroc, les familles se réunissent autour du plat numéro 1 : le couscous. Des mets délicieux sont préparés à cette occasion qui dure en Algérie toute une semaine. «D’abord c’est une occasion, où la famille et les amis se regroupent autour du plat de couscous, puis à cette occasion de fête, certaines familles organisent la circoncision pour leurs enfants», nous a précisé Iliass Hallass, journaliste algérien.
Au Maghreb, la célébration de la fête du Mouled a une importance immense, parfois beaucoup plus sacrée que le «nouvel an». Ainsi, par analogie aux autres religions, ce jour sacré pourrait correspondre, dans les schémas mentaux, au Noel en Christianisme ou à la Hannukka pour le Judaïsme. L’étude ethnographique de ces publics est cruciale dans la mesure où elle détermine le contexte socio-culturel dans lequel ces communautés agissent et réagissent par rapport à ce fait sacré. La pratique ne détermine pas seulement la croyance, mais elle reflète également la filiation voire l’appartenance géoculturelle.