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Art, mentalité tribale et dogmatisme religieux

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Art, mentalité tribale et dogmatisme religieux
Par Hajer ZARROUK
 
A l’époque contemporaine, l’artiste ne peut s’épanouir hormis la transgression de trois tabous sociaux fondamentaux : la politique, le sexe et la religion. Sans l’accomplissement de cet acte, on ne peut pas parler d’art – dans le sens actuel du terme – et encore moins d’expression artistique libre. C’est pour cette raison qu’en Tunisie, l’art reste l’enfant mal-aimé. Et pour cause, il est synonyme de déviation et de dépravation, notamment chez les sociétés arabes ancrées dans leurs traditions tribales et sous l’emprise des dogmes religieux.
D’une manière générale, la mentalité tribale arabe ne favorise pas l’émergence et l’évolution des métiers associés aux arts majeurs (peinture, sculpture, architecture, cinéma) dans la mesure où elle est une mentalité austère (les arabes vivaient dans des milieux désertiques et inhospitaliers), liberticide et castratrice par nature, encline à détruire toute production individuelle tellement elle perçoit dans l’individualité une menace pour sa cohésion sociale.
Ibnu Khaldoun évoque, en contrepartie, le rapport étroit qui unit l’art à la mentalité « urbaine » et rappelle que dans la civilisation arabo-musulmane, les métiers d’art n’ont connu un essor que chez les habitants de la cité : « Ainsi, la qualité des métiers manuels est égale au niveau d’urbanisme (umran) d’une ville » (Al Muqaddima).
Outre la mentalité tribale, le dogmatisme religieux empêche l’effervescence artistique en Tunisie. L’idée répandue selon laquelle l’expression artistique est une transgression car elle se vante d’imiter la création divine est un dogme hérité de l’apogée de la décadence arabo-musulmane. Cette idée, de par son historicité, hante l’inconscient collectif arabe jusqu’à maintenant. Elle est devenue une vérité figée et difficile à remettre en question. Aussi, le dénigrement de l’art dans notre société trouve son essence dans des interprétations exégétiques marquées par un ascétisme séculaire : les Oulémas de la décadence, conditionnés par leurs frustrations et leur haine du « beau », se sont mis à expier toutes les formes de création artistique en comparant ces dernières aux idoles païennes de la période antéislamique (Al Jahiliya).
En Tunisie, la culture tribale arabe associée au dogmatisme religieux compte parmi les principaux adversaires de l’art. Elle le rejette et tente parfois de le détruire (on se rappelle des événements d’Al Abdellia et de la profanation du mausolée de Sidi Bou Saïd). Pour cela, il faudrait que les artistes tunisiens fassent bloc et ne s’abandonnent pas à l’autocensure, car seul un art libre et dégagé de toute contrainte éthique, politique et sacrée pourrait faire progresser les mentalités.

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