S’engager pour défendre les droits de l’homme : telle est la vocation d’Amna Guellali, directrice du bureau du HRW (HUMAN RIGHTS WATCH) pour la Tunisie et l’Algérie.Agréablement accueilli dans son bureau, la Jeune femme nous fait part de son parcours impressionnant et de ses appréciations quant au climat sociopolitique de la Tunisie d’aujourd’hui, toujours avec un enthousiasme et une abnégation surprenante.
Née à Tunis, Amna Guellali est juriste de formation. Elle a suivi ses études de droit à la faculté de droit et des sciences politiques de Tunis dont elle se dit d’ailleurs très fière par le fait que cet établissement a su enfanter maintes personnalités devenues aujourd’hui célèbres à l’échelle publique. Elle a enchaîné avec des études doctorales en droit de l’homme dans les conflits armés modernes à l’Institut Européenne de Florence en 2003. En 2007, elle fut Senior researcher en droit humanitaire et droit pénal international à l’Académie de droit international de La Haye.
S’intéressant de près aux droits de l’homme et aux situations de détresse humaine, Amna Guellali s’engage au près du Comité International de la croix rouge en 1999 en tant que délégué juridique. Cela fut, selon ses dis, une première expérience de travail extrêmement formatrice de part et d’autre de l’intérêt accru consacré aux conflits armés, principalement en ce qui concerne l’Algérie et le sahara occidental au Maroc.
Passionnée d’écriture, Amna Guellali eu l’idée de créer un journal humanitaire en 1999. « Humanitaire Maghreb » fut ainsi un magazine ayant paru en une vingtaine de numéros avec une cause noble, celle de partager les expériences des personnes sur les conflits armés au Maghreb. En tant que rédactrice en chef, Amna Guellali a réussi à transmettre un vécu alourdi des femmes des prisonniers, des femmes Algériennes ayant connu la violence sexuelle mais aussi des combattantes Algériennes de l’indépendance.
En 2001, Amna Guellali change de destination pour s’installer à Rome où elle a travaillé en tant que délégué juridique au sein de IDLO (The International Development Law Organization). En remplissant parfaitement ses fonctions, Amna Guellali se chargeait de la programmation des formations pour les juristes et d’autres professionnels sur différentes thématiques, de surcroît les situations post conflictuelles, comme ce fut le cas pour l’Afghanistan. Sa collaboration avec les juges a été remarquable, et cela afin de reconstruire le système juridique.
La passion de Amna Guellali va plus loin cette fois, en parfaite synergie avec ses compétences reconnues, pour taper la grande porte de la cour pénale internationale et l’intégrer en 2009 en tant qu’analyste au sein du bureau du procureur. La juriste revendicatrice des droits de l’homme se chargeait de couvrir les crimes de guerre, de rassembler les moyens de preuves et de définir les stratégies d’action. Ainsi, elle a pu se pencher sur les conflits post électoraux en côte d’Ivoire en 2010, mais aussi aux situations de conflits armés en Afghanistan, en Géorgie, en Guinée et en Palestine.
Le moment de rupture pour Amna Guellali fut la révolution Tunisienne de 2011« Je me suis demandé qu’est ce que je faisais à la Haye. Je sentais l’appel urgent à participer à la refondation et la reconstruction d’une nouvelle Tunisie. J’ai alors commencé à chercher une sortie et une porte d’entrée au pays ».
C’est alors que, suite à l’appel à candidature de la part du HRW (Human Rights Watch), Amna Guellali fut choisi parmi une centaine de candidats et candidates pour occuper le poste de directrice du bureau pour la Tunisie et l’Algérie en août 2011.
Un œil témoin
En étant à la tête du bureau du HRW, elle couvrait un large spectre touchant de près aux droits de l’homme. Par ailleurs, vu le contexte assez spécial à cette époque, les activités se focalisaient principalement sur la constitution et l’assemblée constitutionnelle en ayant pour unique mission : lancer des messages d’inscription des droits de l’homme dans la constitution. Amna Guellali oeuvrait ainsi au près des députés mais aussi des médias afin de faire pression pour réclamer des modifications usuelles des textes.
Militante fervente des droits de l’homme, Amna Guellali s’intéressa de surcroît à la liberté d’expression en assurant des monitorings aux différents procès des artistes et des journalistes et autres, et travaillant de pair avec Amnesty et Al Bawsala.
Toujours fidèle à une perspective humaniste et humanitaire plaidant les droits les plus basiques et les plus fondamentaux, la directrice du bureau de HRW a participé à un projet prometteur, celui du contrôle des centres de garde à vue. La révélation de ses lieux de violations par excellence représente selon Amna Guellali « le microcosme de ce qui se passe réellement en Tunisie ».
La justice transitoire fut aussi au centre des préoccupations du bureau de HRW qui a assidûment suivi les procès des blessés de la révolution et rendu publics plusieurs communiqués faisant un état des lieux du système de violation et d’abus.
Par rapport à la version finale de la constitution, Amna Guellali nous livre « qu’elle est bonne et acceptable d’un point de vue droit de l’homme et notablement améliorée par rapport à l’ancienne version. Cela représente un catalogue de droit assez complet traversant les droits de l’homme de toutes les générations […] cependant, Je déplore la peine de mort maintenue et l’introduction de l’atteinte au sacré. Il s’agit ici d’une question d’interprétation ; qu’elle soit restreinte pour interdire les saccages ou une atteinte au sacré dans sa globalité ».
Amna Guellali rajoute : « Je suis très optimiste par rapport à la Tunisie. Nous traversons une période très importante à travers laquelle on prend notre destin en main afin de vivre ensemble avec tout le déchirement accouru ». Elle précise aussi que loin du discours dominant d’un pays homogène et moderne, il faut admettre que la Tunisie a beaucoup de visions qui s’entrechoquent. On ne saura se reconnaitre tous dans cette Tunisie mystifiée «Ils valent mieux que les choses obscures refassent surface que de rester dans l’opacité quasi-totale. Je pense pertinemment que la fin du processus constitutionnel aidera à passer le cap de chocs, des peurs et des incertitudes» confessait Amna Guellali à Femmes Maghrébines.
Frida Ben Attia