La Rivière et la Mère

C’était un mois de juillet
Une certaine année difficile
Un soir où le ciel était inondé d’étoiles.

Ils étaient assis au bord de la rivière.
Elle avait besoin de se taire et il était là pour l’écouter.
Le silence était apaisant, pourtant lourd de sens et de ressentis.
Rien n’était plus bénéfique pour elle que leurs moments de silence à deux.

Il la connaît bien…cela fait une éternité qu’ils partageaient leurs peines.
Venir se recueillir au bord de cette rivière était leur rituel.

-Cette rivière, tu sais comment elle s’appelle?

-Non

-La rivière des larmes invisibles. Toutes les larmes qui ont été retenues sont déversées dans cette rivière.
C’est grâce à cela qu’elle survit.
Tu ne t’es jamais demandée où partent les larmes qui ne coulent pas ?

Elle le regarda avec des yeux remplis de “rien”…c’est ainsi qu’elle qualifiait le fait de ne pas
pouvoir pleurer : le Rien.

-Et bien, dans la vie, certaines personnes pleurent normalement, naturellement, sans aucun
effort, ni pour faire couler, ni pour retenir leurs larmes.
C’est comme le fait de respirer.
Et pour ces personnes, et à l’instant même où elles se mettent à pleurer, le soulagement commencent à se faire une place.

Les autres par contre, ces êtres qui sont incapables de pleurer, contribuent avec leurs
“Riens” à alimenter cette rivière que tu as en face de toi, et  qui a son tour alimente les Mères…

-Tu veux dire les mers!

-Non je veux exactement dire les Mères, celles qui se battent chaque seconde.

Celles dont les cœurs tiennent toute une vie sans lâcher.

Ce sont les larmes non versées qui les font tenir.
Même si tu ne pleures pas, ta douleur est nécessaire et visible pour certains, tes “Riens” soulagent et ton cœur est alimenté par la rivière, par les Riens d’une autre mère.

Elle le regarda avec tendresse, un petit sourire plein de beaucoup de choses.

Il avait ce don de lui trouver des remèdes que personne d’autre ne pouvait inventer.
Le pouvoir de cet Amour qu’ils partageaient et qui dans le silence d’une nuit douloureuse
pouvait tout de même s’exprimer, et soulager ses peines.

La rivière n’est qu’un moyen, les « Riens » ne sont qu’un détails, mais les cœurs qui tiennent
bon devraient être préservés, avec de fortes doses d’Amour et de silences précieux.

NBK