- société
Lorsqu’un homme et une femme évoquent l’histoire de leur relation, c’est souvent elle qui se souvient du jour exact de la rencontre, mais aussi de nombreux détails qui prennent sens par rapport aux développements ultérieurs de leur vie commune. En général, les réponses masculines, elles, ont plutôt tendance à être vagues. Selon la jeune philosophe américaine Ellie Anderson, dans un article récent, Hermeneutic Labor: The Gendered Burden of Interpretation in Intimate Relationships between Women and Men » (2023), le « travail herméneutique » serait en effet une « charge genrée » dans nos sociétés hétéronormée.
Selon elle, ce « processus d’interprétation » de l’existence, qu’elle nomme travail herméneutique (hermeneutic labor), comprend trois dimensions. Premièrement, il s’agit de « comprendre ses propres sentiments, désirs, intentions et mobiles, et les présenter de manière intelligible aux autres », en les réinscrivant dans un récit de soi qui leur donne un sens, une cohérence. Deuxièmement, c’est « discerner les sentiments, les désirs, les intentions et les mobiles des autres en interprétant leurs signaux verbaux et non verbaux, y compris lorsque ceux-ci sont peu communicatifs ou franchement évasifs ». Dans la mesure où l’existence humaine est relationnelle, toute auto-interprétation met en jeu l’interprétation des autres avec lesquels nous sommes en contact. Troisièmement, le travail herméneutique consiste à « comparer et opposer ces multiples ensembles de sentiments, de désirs, d’intentions et de mobiles à des fins de résolution de cinflits