Le « gaslighting », que l’on pourrait traduire en français par « décervelage », est la forme d’abus mental préférée des sociopathes : à travers eux, n’importe quelle information est déformée ou présentée sous un autre jour, omise sélectivement pour favoriser l’abuseur ou faussée dans le but de faire douter la victime de sa mémoire, de sa perception et de sa santé mentale. Et, surprise, il ne s’agit pas d’un phénomène isolé ou récent.
Le gasligther est une personne qui choisit sa victime, qui gagne sa confiance et qui commence à la faire douter. Vu pour la première fois dans le film de George Cukor, Gas Light datant de 1944, le gaslighter manipule par divers stratagèmes et manigances sa femme, qu’il a décidé de rendre folle. D’où son nom.
En effet, avec le gaslighter, la violence ou le harcèlement moral ne sont en rien visibles ni palpables. Ce dernier manipule discrètement sa victime afin qu’elle soit la première à douter elle-même, de sa santé mentale.
Après avoir gagné sa confiance, cet individu va donc choisir sa proie, pour la soumettre à son entière volonté et jouer avec elle, comme bon lui semble. Mais surtout, pour lui faire perdre l’esprit.
Le terme est apparu dans la littérature spécialisée sur l’abus mental, qualifiant la manière dont le « gaslighting » aveugle celle ou celui qui le subit en abolissant progressivement ses critères de jugement. La victime, éblouie par l’illusion d’amour, ne sait plus si ce qu’elle pense est vrai, si elle a bien fait ce qu’elle croit avoir fait, si ce qu’elle croit avoir vécu a vraiment eu lieu, si cela n’est pas plutôt tout autre chose, comme on le lui suggère, qui a eu lieu.
Les « gaslighters » manipulent sans affect, agissent de façon très froide, méthodique : « Il y a, chez certains « gaslighter », une jouissance à détruire l’autre, à avoir tout pouvoir sur lui, à lui faire croire n’importe quoi, qui puise souvent aux sources de l’enfance ». « On ne naît pas pervers et manipulateur. On le devient. Et on le devient parce qu’on a soi-même été confronté, dans l’enfance, au vide ou à l’horreur. Cela n’excuse en rien les comportements pervers. Cela permet simplement de les recontextualiser et de comprendre ce qui précède la manipulation, parfois des dizaines d’années avant. Et il faut se défaire de l’illusion qu’on peut guérir, par amour, un manipulateur, et qu’on va rester avec lui, pour le transformer, ou bien qu’on va être plus fort que lui.
On connaît les pervers narcissiques et leur influence néfaste, pouvant même parfois aller jusqu’à détruire notre existence. D’autant plus qu’ils connaissent tout un tas de techniques de manipulation, à l’instar du »love-bombing », une méthode qui consiste à inonder une personne d’amour afin de mieux pouvoir la contrôler ensuite. Dans cet arsenal, figure également le « gaslighting », une forme d’abus émotionnel subtile difficile à identifier et dont il est compliqué de se .
D’après le site Psychological Today, le gaslighting peut se manifester sous diverses formes mais correspond le plus souvent à des mensonges fréquents, une mauvaise foi flagrante et une faculté à faire douter la victime de ses propres capacités, parfois au point (dans les cas extrêmes) de lui faire renier sa propre identité. Autrement dit, les adeptes du gaslighting sont des personnes peu fréquentables.
Cette forme de manipulation psychologique s’avère d’autant plus menaçante qu’elle s’étend bien au-delà du cadre de la relation amoureuse. D’après certains experts, elle est propre aux pervers narcissiques, mais aussi aux dictateurs, et à ceux qui vouent un culte à leur propre personne, comme les leaders de sectes. Elle peut donc se développer au sein d’une amitié ou encore dans le cadre d’une relation professionnelle. Au final, quelque soit la nature de votre relation avec cette personne sa motivation sera toujours la même : chercher à vous mettre sous sa coupe sans se soucier de vos propres pensées et en cherchant délibérément à altérer votre libre-arbitre.
Une technique insidieuse pratiquée sur le long terme
Comment repérer une personne qui exerce ce pouvoir malsain sur vous ? Au sein d’un couple, cette tendance peut se manifester par une mauvaise foi excessive. Si votre partenaire vous a par exemple fait clairement comprendre à plusieurs reprises qu’il ne voyait aucun objection à ce que vous sortiez le soir sans lui, mais qu’un beau jour il vous reproche cette habitude en invoquant un manque de respect à son égard, votre première réaction sera sans doute de lui répondre qu’il a affirmé dans le passé que cela ne lui posait pas de problème.
Si celui-ci compte vous « gaslighter », il vous répondra probablement que non, il ne vous a jamais dit cela. Et si vous avez une preuve pour contre-attaquer (un SMS par exemple), celui-ci continuera à tout nier en bloc. « Tu aurais dû savoir que cela me dérangeait, même si je t’ai affirmé le contraire. » Et là, vous êtes coincée. Et en prime, vous culpabilisez.
Le « gaslighter » est si habile qu’avec le temps, il parviendra à remettre votre propre jugement en cause et donc à vous faire doter de votre crédibilité. « C’est l’une des choses insidieuses à propos du « gaslighting » – cela se fait petit à petit. Un mensonge ici, un mensonge là-bas, un commentaire sournois de temps en temps … et puis ça commence à monter en puissance ».
Comment échapper à l’emprise d’un « gaslighter » ?
L’une des autres spécialités de ce manipulateur hors pair est de trouver votre point faible et de l’exploiter afin de s’attaquer directement à votre amour-propre. Pour arriver à ses fins, celui-ci n’hésitera pas à se servir de vos proches. Si le manipulateur est votre partenaire, l’attaque n’en sera que plus facile : en effet, qui d’autre que votre moitié que vous côtoyez chaque jour est mieux placé pour savoir que vous traversez une mauvaise passe ? Car c’est bel et bien ce qu’il compte leur raconter, même si vous savez pertinemment que c’est faux.