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Faire face au financement des partis et  des organisations est une urgence !

  • Faire face au financement des partis et  des organisations est une urgence !

 
Dr RejebHaji

« La séparation des pouvoirs et leur délimitation représentent une condition indispensable pour établir un juste équilibre. Il nous appartient de préparer l’avènement de l’équité sans laquelle ne peut prospérer aucune société humaine ; de l’égalité entre concitoyens ; de la justice sociale qui abolit les privilèges, offre des possibilités égales aux individus et accorde à tous, les moyens de connaître l’aisance et le progrès. »      
Habib Bourguiba 8 Avril 1956

 
Et encore…un pouvoir législatif qui termine son mandat, toujours à la recherche de sa voie ! Il est vrai  qu’en séance, le politique  est subjugué par les vociférations de certains minoritaires aux ambitions effrénées qui crient haut et fort qu’ils sont  au service du peuple, alors que leurs déclarations du patrimoine sont encore inconnues des citoyens. A évaluer le bilan de la dernière législature, il est peu consistant.
Les instances prévues par la constitution, faute de consensus, sont encore en souffrance, voire pour certaines, renvoyées aux calendes grecques. Quant à son contrôle de l’exécutif, il est quasi inexistant. Il suffit d’assister aux questions au gouvernement pour découvrir la faible assistance, vu le peu d’intérêt alors qu’il devrait être le lieu propice du débat.
Nul besoin de déballage, qu’on arrête de crier sur tous les toits que nous avons une constitution parfaite, au-dessus de tout soupçon? Même si comme le confirme Ghannouchi elle est en grande partie l’œuvre de son parti : « nous étions dit-il le groupe parlementaire le plus important  et avons beaucoup influencé sa rédaction » et il ajoute « on ne peut pas réécrire l’histoire ». Il faut lui rendre justice. Il reconnaît que « Bourguiba a réalisé de bonnes choses et d’autres qui ne le sont pas. Il a dirigé le mouvement national qui a mené le pays à l’indépendance, il a généralisé l’enseignement et la santé, il a libéré la femme tout cela est positif… ». «…  Lorsque Ennahdha était au pouvoir, ses ministres ne parlaient pas beaucoup de l’islam…La religion transparaît à travers leurs principes personnels », ce qui est encore plus grave. Mais laissons de côté les révélations de Ghannouchi sur ses choix, même s’ils aident à mieux cerner la politique suivie, depuis bientôt une décennie. Sous l’influence de son parti, le pays a renié ses lumières et a plongé dans l’incertitude de la victoire.
De quelle ARP alors parle-t-on aujourd’hui, lorsque sur les  députés élus, peu répondent présent à l’appel du devoir et désertent les séances. En effet peu se soucient aujourd’hui de l’électeur, pourtant le pays est à la veille de nouvelles élections. Le tourisme parlementaire est devenu, pour certains d’entre eux, le sport favori. Il faut ménager la monture pour certains, pour être dans le « couffin » du vainqueur,  d’où ce va et vient incessant entre des partis fantômes qui n’existent en fait que sur le papier. Ils sont en réalité sans projet et leurs chefs sans vergogne. Leur audience se limite souvent à leur propre famille. Si l’existence des partis politiques est une nécessité pour le pays, il est temps de les soumettre à un contrôle pointilleux de leur financement. Leur multiplication est un danger mortifère  pour une démocratie naissante comme la nôtre. Nous l’avons plusieurs fois dénoncé dans nos écrits.
Quant à l’exécutif, il est en tout point semblable à ses précédents. Sans vision d’avenir pour le pays.

Qu’on exige la révision de la constitution, afin de combler ses lacunes et l’adapter à son temps ?  
Qu’on arrête un moment de légiférer, notre arsenal est amplement suffisant ?
Faut-il juste en terminer avec la mise en orbite des  institutions prévues dans la constitution ?
Qu’on mette fin à cette pléiade de ministres conseillers qui nous gratifient parfois de leur appartenance  à un gouvernement d’union  nationale dont la lutte contre la corruption est la priorité.

Ces ministres-là dont on ne connaît ni la fonction ni le nombre exact, ne font que multiplier les couacs et les turpitudes dont jubilent les médias, souvent à leur solde. Vu la situation économique du pays et leur rendement, on ne peut considérer leurs avantages que comme indécents. Quelle communication et quelle insouciance lorsque dans le pays, une poignée de responsables s’offrent des salaires mirobolants sans contrôle. Ils ne font, en fait, que faire prospérer l’économie parallèle.
Bravo pour le Premier Ministre d’avoir dénoncé l’IVD et ses couacs. On attend les actes et non les vœux pieux.Il n’est jamais trop tard pour arrêter les dégâts et passer au crible les dépenses de l’argent du contribuable. Mais les tenants du  pouvoir sont, en fait, ailleurs. Loin des préoccupations majeures des citoyens, ils font et défont leur avenir, oubliant souvent le qui «  t’a fait roi ». Le pays est dans une descente infernale dans l’abîme, dans une crise économique, sociale et environnementale, jamais connue dans son histoire. Pourtant tout va bien madame la marquise pour ceux qui tiennent le pouvoir et en usent et abusent à leur gré.
La plupart de ces prétendants au renouvellement de la confiance de l’électeur sont sans histoire et peu connus pour leur militantisme.Ils sont venus souvent d’ailleurs pour régler leur histoire avec leur passé. Ils sont souvent ignorants des exigences de la politique et de ces déconvenues. Leur parcours est leur propre témoin. Ils se soucient peu en fait de l’Histoire et ne font que l’abîmer de jour en jour. Un pays dirigé par des familles, par des copains et par du tout- venant sans envergure, avec des CV sur commande, ne peut prétendre se hisser aux exigences du progrès et de la modernité.
Que c’est triste la Tunisie d’aujourd’hui, elle s’identifie à celle d’hier où des comploteurs et des lobbys  ont fait main basse sur son devenir! A sa grandeur passée, ils ont proposé la déchéance. A son histoire millénaire, ils ont  offert des ajustements structurels élaborés en coulisse avec des bailleurs de fonds, sans scrupules. A un parti politique moderne, construit par des militants sincères, ils ont travaillé à le faire disparaître avec des protestations organisées. A l’intelligence collective, ils ont répondu par la médiocrité. Ils sont en fait en dehors du temps. C’est désolant pour eux et pour le pays tout entier. Tant d’efforts et trente ans de vie politique pour voir le pays là où il est, s’abîmer dans des discussions byzantines fuyant l’essentiel, parce qu’il dérange. Le plus grave c’est qu’aucun débat au sein de la société n’a lieu. Même les journaux de l’Etat restent muets et ferment les rubriques comme « opinion » parce qu’elles dénoncent  le pouvoir en place. Or le citoyen paie leurs déficits par ses impôts et donc a le droit de savoir qui le dirige. Privatiser les entreprises publiques c’est commencer par celles-là, en reclassant évidemment ceux qui y travaillent et y consacrent leurs efforts soutenus. On nous rabat les oreilles avec le terme de privatisation qui devient un lieu commun. Il suffit de revoir les entreprises nationales, bradées sous la dictature et ses complices, par des responsables qui se voilent aujourd’hui la face et qui n’échapperont pas, tôt ou tard, à la justice.
Depuis la révolution, les vrais responsables politiques, les plus expérimentés, n’ont pas été consultés ni associés à une discussion de fond. Pourtant la faiblesse de l’équipe gouvernementale est décriée sur tous les toits à tort ou à raison. Leurs bilans, globalement négatifs, en témoignent. Il faut en finir avec le temps de la désinvolture. Croire  que les gouvernants actuels sont les seuls responsables, l’avant-garde éclairée, les dépositaires universels de tout savoir et que leur décision s’imposera à la nation, est une démarche absurde et un contresens de la réalité vécue.
Même si l’exercice du pouvoir est plus dangereux aujourd’hui qu’il n’était hier. On le voit dans les lois qui se multiplient sans la moindre évaluation ni réelles concertations sauf peut-être au sein des deux partis au pouvoir. Il est à peine croyable que les décisions de l’avenir des pays soient discutées dans les chancelleries et sans aucune délibération collective. Les mêmes erreurs se répètent. On dirait qu’ils viennent d’une autre planète, ces nouveaux venus à la politique. Les temps ont changé et les sociétés sont de plus en plus complexes, dans le système actuel où les conséquences de la mondialisation sont difficiles à appréhender.
Grave erreur de penser que le désordre de la rue ou l’épuisement des forces vives du pays sont les solutions convenables. Lorsque le pays est en crise, c’est le moment de la vie politique le plus fort pour les égos et le narcissisme de se dévoiler. De leur nuage, l’allure, le regard, le comportement, les cercles du pouvoir ont l’impression de changer la face du monde et qu’ils sont irremplaçables. Mais la réalité est tout autre. Un jour s’adressant à Bourguiba, un interlocuteur lui affirmait qu’un ministre était irremplaçable, avec son humour implacable, Bourguiba l’a invité à visiter le cimetière d’ElJallez, en lui  disant que « tous étaient irremplaçables ».
La seule voie passante aujourd’hui est de revenir au peuple, avec hâte. C’est à lui que revient le pouvoir de tirer le pays tombé en léthargie !
H.R. 

*Dr d’Etat en économie, Dr en statistique, Diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris, Diplômé de l’Institut de Défense Nationale (4ième promotion), chef de cabinet du feu Mohamed Sayah dans plusieurs ministères…

 

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