Arrête d’attendre. Personne ne viendra te sauver…
- société
Dr HAJI Rejeb-
(Proverbe arabe)
Bientôt les députés vont devoir examiner le budget 2019 et se prononcer sur son contenu. Beaucoup de citoyens, considèrent qu’il s’agit là d’une opération de routine qui attire peu leur attention. Il est vrai que le budget s’accompagne de trop de données techniques, d’une lecture difficile et peut être même ennuyeuse.
Dans ce budget concocté dans les bureaux des différents ministères, sans analyse connue de l’actualisation de celui de 2018, a-t-on pris en considération, dans sa préparation, l’environnement chaotique de la situation internationale ? A titre indicatif, lors de la destitution de Morsi en Egypte, rappelons-nous, que Ghannouchi, le dirigeant du parti islamiste Ennahda, au pouvoir depuis 2011, considérait que « la rencontre entre l’islam et la démocratie rependra son cours » (le monde du 6 juillet 2013).
Les débats houleux sur l’islam en Europe, vérifient-elles cette prévision ?
Des pays comme le Qatar et la Turquie et leurs appendices, rêvent-ils encore d’être en « phare » de l’islam politique sunnite et exultent-ils des difficultés que connait le berceau de la première révolution du « printemps arabe »?
L’Arabie Saoudite qui ne supporte pas les ambitions démesurées de ses voisins, se méfie-t-elle toujours des révolutions arabes et défend-elle sa prééminence religieuse au sein du monde musulman ?
Israël, toujours aux aguets et dictant ses préférences à l’Amérique et aux européens, se réjouit-elle de la redistribution des cartes en cours, dans le monde arabe, ce qui lui assure plus de sécurité et de prospérité ?
L’Algérie, hostile à tout changement, demeure-t-elle notre allié privilégié, avec qui les relations ne peuvent que s’approfondir pour un renouveau moderne d’un Maghreb, tant espéré par la jeunesse de ma génération et de ses prédécesseurs ?
La puissance médiatique et ses pétrodollars est-elle encore mise à la disposition de tartuffes et à leurs services, pour multiplier les couvertures biaisées des évènements, ternir et endommager le peu de progrès accomplis çà et là ?
Devrons-nous rester les bras ballants, alors que tout est menace et double langage ?
La crise actuelle dans son nouveau contexte est la plus violente depuis les années 30. Les enjeux doivent être pris en considération tant au plan géopolitique, qu’économique d’où l’ampleur de la tâche à imaginer des réformes, d’une grande envergure. Il faut rejeter le néolibéralisme des années 70 et retourner, à l’évidence,à la régulation publique, la seule voie passante. Le fait d’affirmer que les fondamentaux économiques sont bons, est plus que discutable puisque les risques systémiques sont élevés.
Il est clair que ces derniers vont conduire à la poursuite des hausses des prix de biens des produits de première nécessité.Ceci se traduira par une baisse du pouvoir d’achat des ménages. Ajouter à cela, le surcroît du coût du logement et le poids de l’endettement immobilier que les banques, dans leurs structures actuelles, ne seront plus capables de maîtriser. Il faut s’attendre également à des risques de dégradation de leurs ratios, voire même à une hausse plus forte, provoquée par la banque centrale, pour limiter l’inflation. Le contexte social sera donc de plus en plus difficile à contrôler, si le pouvoir politique continue encore sa dégénérescence actuelle.
En bref, la situation de notre pays étant déjà précaire, peut-on, sans la sous-estimer, parler pour l’année 2019, d’une tragédie annoncée ! C’est en fait les résultats tangibles d’une démocratie consensuelle et non de majorité choisie. Les institutions internationales de financement sont partout présentes à nos portes et se font de plus en plus entendre. Leurs directives sont la voie à suivre, sous peine de sanctions dans les paiements des crédits.
Notre échec du point de vue économique est patent et sans conteste. Le manque de cohérence et de crédibilité des gouvernants actuels a amené le pays là où il est. C’est la conclusion qui conduit à supplier les deux promoteurs du consensus, le Président Béji et le Président d’Ennahda Ghannouchi, les maîtres à bord de cette politique, à revenir à la nomination de technocrates confirmés à la tête des ministères pour rétablir une crédibilité perdue. Il faut revenir de part et d’autre à des concessions pour éviter de sombrer encore plus dans la crise, d’ici aux prochaines élections. Chacun d’eux doit changer son fusil d’épaule. Il n’est plus de l’intérêt du pays de faire durer les choses en l’état. Nul ne pourrait rejeter après les élections l’idée d’une stabilité, un président et un gouvernement élus avec un mandat de cinq ans pour appliquer un programme sur lequel l’électeur s’est déjà prononcé. Mais, aujourd’hui, le chemin est tout tracé, et on ne peut pas parler de rentrée politique.
Les trois priorités saillantes demeurent les mêmes, fixées par les prêteurs : à court terme, il s’agit de poursuivre les efforts de réduire les subventions à l’énergie ; contenir la masse salariale du secteur public et réformer le système de sécurité sociale pour renforcer sa viabilité. La Tunisie est donc sur le qui-vive, les caisses de l’Etat en quasi-faillite, comment les renflouer ? Comment admettre alors qu’un Ministre limogé pour corruption puisse bénéficier, au vu et au su, de tout le monde d’une voiture d’une valeur de 150 mille dinars fournie à la demande du Ministère par une Société étatique dont un dirigeant se targue que « c’est normal et conforme à la loi.» L’instance créée pour la lutte contre la corruption est mieux placée pour répondre à ce genre d’interrogation du citoyen lambda. Il est vrai que dans notre pays, on vit dans l’exceptionnel lequel devient la tradition.
Pourtant l’objectif de la loi budgétaire 2019 serait de toute évidence la réduction du déficit budgétaire qui alimente l’endettement public, devenu depuis la révolution, coûteux et intolérable. Pourtant le populisme qui a pris ses racines est loin d’être absent dans le nouveau budget. A se demander si, l’annonce faite par le FMI du décaissement dans les délais de la quatrième tranche (250 millions de dollars) du prêt accordé en 2016 au titre du mécanisme élargi du crédit (2,9 millions de dollars), ne coïncidence pas avec ses craintes de la reproduction du scénario jordanien dont nous avons déjà signalé le danger.
Le FMI aurait-il donné le feu vert au gouvernement tunisien pour finaliser les récentes négociations sociales ?
Ces négociations qui ont abouti à des augmentations salariales, à la majoration du SMIG, à l’amélioration des pensions de retraite et des aides familiales aux familles nécessiteuses, sont-elles les conséquences de cet accord tacite?
Qu’en est-il encore de l’annonce de la baisse des prix de certaines voitures populaires,ramenée à moins de 20 mille dinars,ce qui induit à l’évidence, la suppression du Droit de consommation et de la TVA et génère un manque à gagner pour le Trésor ?
Quant au budget 2019, lui-même encore inconnu du citoyen, dans une déclaration à la TAP, le ministre des finances indique pour sa part qu’il avoisinerait les 40 millions de dinars avec des prévisions de croissance de 3%, la réduction du déficit budgétaire de 4,9% en 2018 à 3,9% en 2019 et à 3% en 2020, et le taux d’endettement à 70%.
Comme nous l’avons fait dans nos articles précédents, pour d’autres notions économiques essentielles, arrêtons-nous un moment pour vulgariser la notion de déficit budgétaire. Il concerne le budget de l’Etat et résulte d’un excédent de dépenses sur les recettes. C’est donc l’écart entre la dépense publique totale et les recettes courantes de l’Etat (impôts et autres recettes). Le terme déficit public désigne, quant à lui, le déficit de l’ensemble des administrations publiques (Etat, collectivités territoriales, sécurité sociale).
Pour financer son déficit, l’Etat ou plus exactement le Trésor, chargé de collecter les recettes et d’honorer les dépenses de l’Etat, fait appel à l’épargne des ménages, nationaux ou internationaux. Il fait appel aux capitaux étrangers. Il émet des titres négociables. Dans quelle mesure le déficit est-il acceptable ? L’école classique n’admet que l’équilibre budgétaire. Il est considéré comme moins important que l’équilibre global pour les keynésiens. Il peut être atteint en réduisant les dépenses et déficits, en période de croissance. La limite supérieure de ce taux fixée par le traité de Maastricht est de 3%. Elle serait atteinte en 2020, en admettant évidemment, toutes choses étant égales par ailleurs,c’est-à-dire dans un modèle théorique l’influence d’une variable explicative sur une autre expliquée, est examinée à l’exclusion de tout autre facteur. La moyenne des taux de déficit pour la période 2011-2016 est de l’ordre 4,9% (INS).
D’autres chiffres sont avancés par le chef du gouvernement et il vaut mieux attendre la version transmise à l’ARP pour pouvoir émettre des jugements sur les hypothèses retenues et leur véracité.
H.R.
*Dr d’Etat en économie, Dr en statistique, Diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris, Diplômé de l’Institut de Défense Nationale (4ième promotion), Chef de cabinet de Mohamed Sayah, Premier maire de Melloulèche …
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