Arrête d’attendre. Personne ne viendra te sauver…
- société
Par RejebHaji*
Le nouveau commandant avec son nouvel équipage que nous avons applaudi lors de sa prise de fonction, nous a profondément déçus. Notre bateau Tunisie chavire et s’éloigne dangereusement des rivages. La houle trop forte et les tornades chaotiques et répétitives lui assombrissent l’horizon. Ils l’empêchent d’embarquer à bon port.
Le mystère tunisien de gouverner en s’appuyant sur des partis politiques d’idéologies différentes, voire même contradictoires, a été un échec patent. Pour être crédible, il faut le reconnaître et l’assumer avec courage et dignité. Les chiffres sont là pour en témoigner, s’il le faut. Passons brièvement en revue la situation, à la veille d’un budget 2019, encore dans les secrets des cabinets ministériels.
De toute évidence, pour la majorité des tunisiens, le pays est aux abois, au bord de la faillite et même à l’agonie. En effet, une huitième année de récession, un chômage massif, une inflation forte, un dinar en dérision, des finances et des entreprises publiques en gros déficit, un Etat hyper-endetté, dépensier, un monde des affaires en déperdition, un pouvoir d’achat érodé, une classe moyenne en voie de disparition, une banqueroute d’Etat à notre porte, une perte de souveraineté au profit des institutions financières qui cogitent des plans d’ajustement structurels et dont les états-majors en sont les vecteurs…
Ces derniers veulent nous dicter un nouveau modèle, avec comme ligne directrice la suppression des restrictions à l’initiative privée aussi bien nationale qu’étrangère. La révision du code des investissements réalisée, la réforme fiscale et de la sécurité sociale, en voie de l’être, la compression des effectifs de l’Administration et la suppression des subventions de prix, en cours.Soit un arsenal de mesures déjà mis en œuvre. Son exécution, à la lettre, est suivie de près, par des équipes d’experts qui viennent épauler ceux qui sont déjà en place, dans des bureaux qui leur sont réservés dans nos prestigieuses institutions de souveraineté. Leur rapport, faut-il le rappeler, conditionne l’octroi des prêts actuels et à venir.
Et encore…un pouvoir législatif en somnolence, ne trouvant pas la voie du salut et cherchant la meilleure combine politique pour continuer à être présent pour bénéficier des avantages, des indemnités et de surcroît de l’immunité. Certains ne jurent que par le peuple, alors que leurs partis sont défaillants et leurs déclarations de revenus sont encore aux abonnés absents.
Qu’on arrête de crier sur tous les toits que nous avons une constitution parfaite, au-dessus de tout soupçon?
Qu’on ait le courage de clamer sa révision afin de combler ses lacunes et l’adapter à son temps ?
Qu’en est-il de la loi électorale et de ses déboires?
Le rapport sur l’ISIE de la Cour des comptes est édifiant à ce sujet! Qu’on arrête enfin de légiférer, pendant le laps de temps restant, nous séparant des élections. Faut-il juste, en terminer avec la mise en orbite des institutions prévues dans la constitution, si le consensus tient encore! Notre arsenal de lois est amplement suffisant et couvre tous les domaines. Il suffit de l’actualiser!
Et pourtant dans le pays…une poignée de responsables s’offrent des salaires mirobolants. Vu la situation économique du pays, on ne peut les considérer que comme indécents. Les détenteurs de fortune devraient donner l’exemple de leur solidarité. Nul besoin de déballage, les dirigeants de la Banque centrale doivent en assumer le contrôle, s’ils en étaient absous! La discrétion devrait être de mise!
Comment notre pays est-il arrivé à avoir un bilan aussi négatif donc aussi lourd de conséquences? Aux erreurs et aux excès de plusieurs équipes inexpérimentées de pouvoir, se sont ajoutés des binationaux, en services commandés. Tous se gargarisent encore de leurs exploits d’avoir mis le pays à genoux. Ils sont incapables de citer une réalisation au cours de leur gouvernance! Pourtant des « médias de la honte » les glorifient et célèbrent encore leur avènement. Ils en sont leur relais et leur suppôt. L’imaginaire est devenu leur champ d’action et le financement occulte leur véritable soutien.
Mettre fin au chaos économique et aux alliances occultes, tel pourrait être le mot d’ordre du pouvoir dans son ensemble. Ce mot d’ordre qui fut le justificatif de tous les errements du passé, va-t-il être encore celui du futur? Avec les signaux envoyés jusqu’alors, l’espoir que les capitaux vont affluer s’amenuise de jour en jour. Faut-il encore croire à cette diplomatie parallèle et à ses effets plutôt négatifs? Même les lois votées à la hâte sont en souffrance, encore dans les tiroirs, faute de parution de décrets d’application. Aucun signe de début de redressement ne voit le jour.
La composition de ce nième gouvernement avec sa coalition hétéroclite,n’a pas été à la hauteur de sa tâche et n’a pas constitué un garant suffisant de relance. Il est sans bilan, ce qui a fait semer un peu plus le doute et assombri encore plus l’horizon. En effet, un communiste à la tête du ministère de l’agriculture, des conservateurs rétrogrades, d’un autre temps, à la tête de l’industrie, du commerce et de l’emploi, des novices dans les autres secteurs et des scandales à répétition au niveau de la gouvernance… Tout cela au nom de « l’union nationale » et de » la jeunesse au gouvernement » omettant que les 60ans et plus représentent 11,38% de la population tunisienne (recensement général de la population et de l’habitat2014)! Ce sont là d’autres mystères qui s’ajoutent aux existants !
A titre indicatif, que faire et comment répondre au remboursement de la dette qui atteindra son paroxysme dans les années à venir?
A notre avis des voies sont encore envisageables et il faut les répertorier. Une première action salutaire serait d’auditer cette dette, chose que nous avons suggérée, plusieurs fois, sans être écouté ni entendu, parce que la suffisance des gouvernants était la règle et le service à rendre à leur parti la priorité. Puis un contact personnalisé des différents prêteurs pour les mobiliser autour de notre révolution, en leur rappelant leurs engagements solennels. Enfin le recours à l’Europe dont dépend notre avenir. Un appel aux amis européens de la Tunisie pour que leur continent intensifie son soutien en reconvertissant ses dettes en investissements et en facilitant la récupération des capitaux placés sur leur territoire.
Nous appelons aujourd’hui à oublier les rancœurs du passé et nous affirmons que la période est trop courte pour juger une révolution populaire. L’expérience de cette myriade de ministres venus d’horizons différents, d’obédiences idéologiques opposées, il faut avoir des œillères pour l’ignorer, n’a pas réussi à convaincre, ni à rendre la confiance. L’environnement politique n’y a pas beaucoup aidé. Hier, ils étaient des ennemis irréductibles, aujourd’hui ce sont des retrouvailles et des embrassades. Tant mieux pour le pays! On est en droit de leur demander des comptes. D’autant plus que certains appelés à la rescousse au gouvernement, premiers responsables de leur parti, ignorent tout du fonctionnement de l’Administration et de ses exigences.
Habitués à la magouille politicarde, ils sont venus occuper les lieux pour redorer le blason de leur parti et régler leur compte avec l’Histoire. Mais honnêtement qu’attendre d’un échiquier politique qui va nous permettre encore monts et merveilles? Qu’ils commencent par mettre en musique « le discours de vérité » dans leur curriculum vitae et dans la déclaration de leur patrimoine?
Qu’ils les rendent publics à l’exemple du gouvernement français et ce serait à leur honneur?
Qu’ils donnent l’exemple dans la conduite des affaires de l’Etat et laissent respirer l’Administration à son propre rythme?
Cette Administration qu’on essaie d’égratigner à tour de bras et qui dans sa grande majorité mérite estime et considération. Qu’ils reconnaissent que notre pays, édifié au cours des siècles, a connu des décadences ces dernières années et qu’ils sont là pour le remettre sur les rails c’est-à-dire innover, convaincre et assumer les échecs avec dignité! » Notre pays est magnifique, il mène un combat d’un nouveau genre dans lequel la politique devient un métier. Ce métier effroyable où l’on se dépense sans compter.
La Tunisie a enfanté une pléiade d’hommes politiques exemplaires. En prenant Bourguiba comme l’idole du sacrifice au service d’autrui, une pensée me vient à l’esprit de citer un homme d’Etat Mohamed Sayah que j’ai côtoyé pendant des décades et que la maladie lui a imposé le choix du silence avant de partir vers l’au-delà, laissant derrière lui son exemple de probité, de loyauté et de combat d’idées.
H.R.
*Dr d’Etat en économie, Dr en statistique, Diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris, Diplômé de l’Institut de Défense Nationale (4ième promotion), Chef de cabinet de Mohamed Sayah, Premier maire de Melloulèche, Formation à Harvard University …
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