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Ensemble pour remettre le pays en marche

  • Ensemble pour remettre le pays en marche

 
Dr RejebHaji

« La plus lourde des responsabilités qui incombent au chef de l’Etat est le choix de ses collaborateurs et des hommes responsables. La santé de l’Etat dépend essentiellement de la qualité de ce choix. »
Habib Bourguiba
                                                                           Tunis, le 5Décembre 1957.

   La dette enfle ; les prix galopent ; la croissance demeure faible ; le dinar continue sa descente aux enfers ; le salaire des fonctionnaires devient démesuré ; le chômage ne se  stabilise pas ; les grèves continuent de plus belle; la déprime se généralise ; la ponction sur les salaires se perpétue  et le doute gagne toutes les catégories sociales ; bref on peut multiplier cette série d’indicateurs  prouvant que la Tunisie ne va pas mieux.
Dans son discours du 20 mars, le Président de la République, lui-même, a fait un bilan exhaustif de la situation économique générale du pays. Son inventaire  est  peu reluisant pour l’exécutif. Il a  indiqué  en même temps des chemins de réflexion et a proposé à son auditoire  des pistes  de travail. Au lieu de s’atteler, main dans la main, à relever ces défis et remettre le pays en marche, une nouvelle pièce de théâtre se joue à l’ARP.
C’est  avec colère et tristesse qu’on assiste à des débats houleux et des prises de bec indignes d’un parlement qui se dit révolutionnaire. L’invective et la haine ont pris la place de la réflexion et des débats approfondis et argumentés. On se sentirait dans une gabegie où tout semble être permis et tout selon leurs auteurs peut être prononcé, sans respect de ceux qui écoutent. Un spectacle de bas niveau, alarmant et sans envergure. Il faut au plus vite changer les donnes. Qui peut avancer, après ces années de galère, que ce parlement, aux missions multiples, a assumé  son rôle de contrôle du gouvernement et de confection des lois ? Qui peut soutenir qu’il donne sa priorité à la recherche des voies et moyens de sortir le pays du gouffre ? Quel bilan peut-il faire de son mandat ? De quelle influence peut-il se prévaloir, suite à ses multiples déplacements à l’Etranger, alors que le pays a été inscrit, par deux fois, sur une liste noire ? Un pays au bord de l’abîme, de la banqueroute alors que ses élus se chamaillent et sa presse s’embourbe de plus en plus dans les méandres du profit pécuniaire fermant la porte à ses innovations « rubriques et opinion  » pour une fuite en avant qui génère encore plus de dettes  ou  de coupures d’agences de presse étrangères. D’autres persistent dans leur Tunisie de demain et comme des caméléons s’engouffrent dans la révolution oubliant leur vénération des comploteurs et de leurs acolytes. Ils sont à la recherche de nouveaux protecteurs. Cette autocensure ne sert en rien la cause de l’information intelligente et noble.
A ces pseudo politiciens et pseudo journalistes, je  livre le dernier article écrit par feu Mohamed  Sayah et édité par le Journal « Le temps du 4 mars 2011, pour qu’ils puissent y réfléchir et en tirer profit. Les obsèques du défunt de la Tunisie, ont ressuscité une union nationale mise à mal par des chantages éhontés sur des postes de responsabilités.

« Le souci des temps nouveaux et l’obligation d’agir 

L’inconnu fait peur. 

L’avenir est inconnu. 

Donc l’avenir fait peur. 

Ce syllogisme implacable fait de l’homme un être qui ne peut avancer que lorsqu’il se sent en sécurité et en liberté. Le peuple tunisien avec beaucoup de courage s’est débarrassé en vingt-trois jours d’une dictature qui a duré vingt-trois ans. Cette révolte pour la liberté et la dignité ne peut se transformer en révolution réelle que par la construction et l’invention.
Et un peuple qui a vaincu un régime aussi brutal que celui de Ben Ali ne peut être dépourvu de ces qualités. Je suis de ceux qui croient en la valeur de notre peuple et qui se battent tous les jours contre les tentatives de récupération et de sabordage de ses acquis. C’est pourquoi, je pense que défendre la Révolution et commencer la création de la Tunisie postrévolutionnaire sont un seul et même combat. Vouloir les séparer est non seulement dangereux, mais surtout risque d’exposer notre Patrie à une aventure dont nul ne pourra imaginer les conséquences. Aussi, nous ne pouvons pas ne pas nous préoccuper de cette situation d’incertitude et d’instabilité. Le temps a toujours été l’ennemi des transformations. Agir et agir vite devient alors une obligation et un devoir à l’égard d’une population qui a, jusque-là, fait preuve de beaucoup de maturité et de bon sens. Pour être à la hauteur de ses attentes, agissons.
Le Président vient de nommer un nouveau Premier ministre : Monsieur Béji Caïd Essebsi, un homme d’Etat connu et un homme d’expérience reconnu. Son savoir-faire et ses compétences ne peuvent être contestés. Mais un homme seul, peu importe ses qualités intrinsèques, ne peut faire des miracles. Pour réussir, le Premier ministre doit compter sur une équipe soudée et animée du sens de l’Etat et la croyance en l’intérêt commun. La politique menée doit être par excellence le lieu de lutte contre l’arbitraire et les dérives autoritaires. Cette lutte doit supposer une volonté capable d’imaginer et de projeter une nouvelle forme de gouvernance qui serait concrétisée par une intelligence de l’action capable de formaliser dans des structures positives l’ordre nouveau tel qu’il est voulu par notre peuple. L’affirmation authentique de ce système de valeurs ne pourrait se réaliser que lorsqu’on passe de l’hésitation à la décision.
En effet, le problème majeur que doit affronter le nouveau gouvernement est celui de décider et de produire du sens en vue de permettre aux différentes composantes de notre société de retrouver la confiance en ses élites politiques. A défaut, c’est la porte ouverte aux forces occultes et aux marchands de mort. Mais même si gouverner c’est décider, le système démocratique suppose la légitimité de la décision. Ici, sans doute, trouvons-nous la raison ultime du mouvement d’émancipation du 14 janvier.
C’est contre l’opacité et les pratiques mafieuses que notre peuple s’est rebellé. Politiquement pour mettre fin à son infantilisation par une dictature méprisante qu’il a éprouvé le besoin de conquérir sa dignité de citoyen. Dès lors aucun gouvernement ne peut aspirer à la légitimité sans prendre en considération cette nouvelle équation politique. Le Tunisien est désormais un individu libre doté de droits inhérents à son statut de citoyen exigeant qu’on agisse dans son intérêt et qu’on cherche son consentement. Point d’alternative.
Demandons alors au nouveau gouvernement de gouverner, c’est-à-dire d’en finir avec le vide décisionnel et l’absence de prospective. Lorsqu’on associe cette évidence politique à un système de valeurs « l’idéal démocratique » que tenterait à incarner l’organisation des pouvoirs publics, on réalisera un bond qui nous amène à passer des conflits d’intérêts, de l’insécurité, de l’anarchie à l’instauration de structures de gouvernement transparents accédant idéalement aux besoins de nos concitoyens. Ainsi, instaurer un rapport interactif entre les gouvernants et la société, c’est aussi dans la Tunisie actuelle, modifier le rapport d’autorité. De l’autorité seule, habilitée à concevoir puis à imposer son dictat à des exécutants soumis, on peut passer à une autorité faisant partager et intérioriser les contraintes et les nécessités à des individus-citoyens, faisant appel à leur responsabilité, dans un cadre qu’il lui appartient de rendre non seulement convaincant, mais surtout lisible.
Or ce qui semble faire obstacle à cette noble entreprise, ce sont les calculs des uns et les ambitions effrénées des autres. Pourtant, l’agir politique exige la transcendance des intérêts privés et l’engagement au profit d’un projet fédérant les forces et associant les intelligences. Voilà, ce qui a assez souvent fait défaut à nos élites, entraînant à différentes périodes de notre histoire des conflits et «cycles de malheurs plus redoutables que la colonisation». Pouvons-nous nous résigner à une telle démission ? Loin de là. Il s’agit plutôt d’inviter les différents acteurs à aller au fond des choses et apporter les solutions adéquates aux problèmes posés au pays. Nous sommes à même maintenant de ne plus laisser la vie politique s’opérer au hasard des élans destructeurs. Nous sommes en droit d’exiger l’agir constructif.
Monsieur Béji Caïd Essebsi a relevé le défi. Faisons-lui confiance et apportons-lui l’aide nécessaire pour qu’il rencontre la réussite. Notre soutien doit lui être acquis sans réserve et encore moins sans état d’âme. »
 
Sayah  a voué sa vie et son intelligence au service de son pays. Pour lui il a toujours cru que «  le peuple tunisien qui a été remué et éduqué, comme jamais un peuple ne l’a été par un homme, fera en sorte que le message du Président Bourguiba se perpétue et que la Tunisie continue à maîtriser son destin (journal Dialogue  3 Mars 1975). Ainsi soit-il !
H.R.
 
 

 *Dr d’Etat en économie, Dr en statistique, Diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris, Diplômé de l’Institut de Défense Nationale (4ième promotion), chef de cabinet de Mohamed  Sayahdans plusieurs ministères…

 

 

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