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A la recherche du « bien » de la Tunisie !

  • A la recherche du « bien » de la Tunisie !

 
Par Dr RejebHaji-
 

« …La formation de notre jeunesse exige une prise de conscience des réalités humaines et sociales de la Tunisie. Notre pays n’est pas fait uniquement de citadins habillés à l’européenne et installés dans des appartements modernes. Il englobe aussi des villageois, des paysans et des bédouins mal vêtus, mal nourris et manquent parfois de l’essentiel… 
  Habib Bourguiba Tunis, 29 Décembre 1966

 
La politique parallèle dans notre pays s’est instaurée en concomitance  avec l’économie parallèle. Le résultat n’a pas été conforme aux vœux des martyrs et le pays croule sous le règne de deux partis qui doivent assumer la responsabilité de l’échec de leur gouvernance.
La souveraineté me dira-t-on ? Elle a été bafouée par la nouvelle politique européenne qui vise à encourager le tout venant  des associations, en leur avançant des subsides pour des congrès et des conférences dont les motions restent sans effets sur les décideurs et bailleurs de fonds  dont l’économie a besoin. Notre pays a été inscrit sur une liste noire puis grise et nous figurons dans la « liste des pays susceptibles d’être fortement exposés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme.»Telle est l’amère réalité.
Un  camouflet sanglant historique, aux conséquences néfastes pour l’économie du pays encore chancelante dont la croissance, si elle est enclenchée, ne peut s’auto-entretenir sans le rôle de l’Etat.Il suffit de jeter un œil sur les indicateurs pour mesurer le gouffre dans lequel une absence de vision et par conséquent de programmes, a conduit le pays et affaibli  le rôle de l’Etat :
réaliser un taux de croissance de 3% prévu dans le budget 2018, alors que les avoirs nets en devises de 78 jours,sont en dessous du seuil de sécurité fixé à 90 jours ; 
une inflation galopante à un taux élevé de 7,1% jamais atteint auparavant ;
une baisse de l’indice de production de 1% par rapport à l’année 2017 ;
75 milliards, soit 72% du PIB, le montant de la dette ; au lieu de comprimer la dépense publique, elle engloutit 46,5 % du budget de l’Etat de 2018 ;
une augmentation anarchique de 197000 fonctionnaires  lors des sept dernières années ;
un financement de l’augmentation des salaires de l’ordre de 7,8% durant la même période par des dettes, ce qui est antiéconomique ;
un déficit budgétaire  de 6,1% pour l’année 2017,…
Sans parler de la situation des entreprises publiques qui consomment en salaires 56% de leur valeur ajoutée ou encore évoquer le déficit des caisses de sécurité sociales ou encore le taux de chômage de 15,5% qui dérape de plus en plus par les 45 000 nouveaux demandeurs d’emploi de chaque année. Les secteurs de production, celui du phosphate,en particulier, ne répond plus aux exigences du marché et ses pertes touchent de plein fouet la sécurité économique du pays.
Il va sans dire que ce bref survol passe sous silence de nombreux  autres indicateurs importants. Il suffit pour s’en convaincre et se mettre au diapason de la situation gravissime du pays, de consulter les publications de l’INS. Tout le monde est responsable de cette dégradation mais les pouvoirs publics font la sourde oreille.Tout va bien madame la marquise parce que le consensus tient. L’équipe au pouvoir, peu orthodoxe dans sa composition, choisie par des partis sans troupe et sans vision d’avenir est incapable d’affronter en face les citoyens pour expliquer et convaincre.
Les événements se succèdent alors  à toute allure et rendent encore l’environnement politique de plus en plus irrespirable,en lui portant préjudice. Même le tribunal administratif, le dernier recours du citoyen, ne fait plus meilleure  figure dans ses dernières décisions. Il vient d’annuler des jugements prononcés par la sécurité de l’Etat d’autant pour blanchir  des dirigeants et nettoyer leurs casiers judiciaires pour des besoins d’une cause ultérieure inavouée. Il considère qu’il a rendu aujourd’hui un jugement juste et moral alors qu’il était condamnable hier.Faut-il espérer que  le citoyen  lambda  condamné par la loi pour des causes mineures bénéficiera également de cette relaxe. Aux spécialistes de droit de juger de la procédure et de l’opportunité.
Un gouverneur qui décrète des jours fériés, là encore une nouvelle « spécificité tunisienne » !La fuite, en avant, perdure et une lecture des listes des candidats aux élections municipales fait froid dans le dos. Des coalitions hétéroclites et hétérogènes, basées sur le clientélisme, voire sur le cercle des amis, sont supposées être le salut, alors qu’un élu à la municipalité peut être considéré comme un militant de base d’un parti.
Le Président de l’ISIE nous révèle des chiffres forts éloquents : 53855 personnes sont candidates dont 174 handicapés et 28044 âgés de moins de 35 ans. Le parti d’Ennahdha fait le plein. Il est présent dans les 350 municipalités, suivi de Nida dans 345 et loin derrière viennent le front populaire avec 119 listes et tout le restant totalisant ensemble  219 listes. On nous fait croire que le choix des candidats a incombé aux sections et fédérations des partis, tant mieux pour les candidatures retenues !
Il nous indique encore que 2068 listes ont été acceptées se répartissant en 1053 listes partisanes soit 51%, 156 en coalition soit 7,5% et en 859 listes indépendantes soit 41,5%. Un chiffre qui redonne du baume au cœur, en cette journée mondiale d’égalité Femmes Hommes , c’est celui du nombre des femmes inscrites pour aller voter. Elles sont d’après les dernières données de l’ISIE  plus de 2.800.000 et représentent plus de 52% du total des inscrits. Si l’applaudimètre va à elles qui cherchent « le bien » pour la Tunisie et qui demeurent encore le recours ultime contre les déviationnistes de tout bord, c’est là encore une « nouvelle spécificité tunisienne », dont on ne peut que se réjouir et l’appuyer pour la rendre plus désirable. A l’époque du numérique et du Facebook, plus rien n’est secret et les partis classiques sont à un moment de leur devenir.
En cas d’échec, ils deviendront des canards boiteux et disparaîtront à la merci des électeurs.A partir du moment où le candidat est consacré par le suffrage universel, il devient un élu. Il cherchera alors une formation qui exige de lui une prise de conscience des réalités humaines et sociales de la Tunisie, telle que Bourguiba la prêchait il y a plus d’un demi-siècle.
Les organisations internationales n’arrêtent pas de nous tacler, parce que nous leur avons légués notre économie et nous nous sommes engagés dans les méandres politiques devenues accessibles aux lobbys de tout genre, où, à tout bout de champs, on vend de la démocratie et des rêves futurs sans s’inquiéter du présent et des soucis de l’avenir. L’agence de notation Moody’s pointe le niveau élevé des créances douteuses dans notre pays passant de 2,3% en 2017 à 2,8% en 2018.
Ses experts évaluent à 11 milliards de dinars les besoins de liquidité des banques alors qu’ils n’étaient que de 7 un an plutôt. Les recommandations du Groupe d’Action Financière (GAFI),comme  l’épée de Damoclès, sont là en attente d’être réalisées d’ici la fin de 2018. Le répit, sollicité par le  Ministre des Finances, dans sa lettre du 4 décembre 2017 pour 2020, n’a pas été entendu.L’évocation par Le Premier Ministre de l’affaire de la Banque Franco-Tunisienne, dans son interview du dimanche 25 mars, a remis ce dossier sur le devant de la scène. Un dossier qui traîne depuis des dizaines d’années et où le contribuable risque de payer 1000 millions de dinars, voire davantage. Des négligences, des erreurs, des accusations de hauts fonctionnaires de l’Etat. Mais on ne nous dit pas tout ! Les dossiers sont aux mains de la justice  qui, il faut l’espérer, trouvera les coupables quels que soient leur rang et leur appartenance politique. Même si Le président de l’INLUCC dénonce « une justice qui tourne au ralenti. Pire, une partie de la justice est infiltrée, a-t-il martelé. »  «Il y a des preuves, des documents et photos qui attestent de relations entre certains magistrats et des corrompus outre des dossiers qui sont mis aux oubliettes pendant des années. C’est pour cette raison, a-t-il précisé,[qu’il a] demandé d’avoir ces dossiers, une décision qui a été approuvée par la Cour de cassation». «Les magistrats et les policiers, ajoute-t-il, ne sont pas tous honnêtes et vertueux. Il en est de même pour les avocats et les journalistes». «Ce qu’on dit, avoue-t-il, tout le monde le sait, mais tout le monde n’est pas capable de contrer ces faits.»A ces  déclarations tonitruantes et à d’autres que les journaux nous déversent à chaque jour, le pouvoir doit répondre et parler sans ambages. Il y va de sa crédibilité et de son impartialité.
L’urgence d’une remise en ordre morale et financière de ces responsables des commissions institutionnelles qui ne respectent ni le secret professionnel, ni le respect de la fonction de leur organisation  qui, au lieu de nous faire un bilan de leur action, sous couvert d’immunités attisent le feu de la discorde et du doute. Il est temps d’y mettre fin et de trouver le chemin de la croissance qui  est devenue une nécessité voire une évidence. Il faut à tout prix changer les équipes et insuffler du sang neuf et non aller chercher des experts de la Banque mondiale pour accompagner un réveil qu’il faut espérer en douceur ! Il y va de l’avenir de tous !      

                                                                                                     R.H

 

*Dr d’Etat en économie, Dr en statistique, Diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris, Diplômé de l’Institut de Défense Nationale (4ième promotion), chef de cabinet dans plusieurs ministères, membre de l’Association des Anciens de l’Institut de Défense Nationale…

 
 
 
 

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