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Tunisie : Espérer la sortie du tunnel !

  • Tunisie : Espérer la sortie du tunnel !

 
Par Dr  Rejeb Haji*

« Nous demeurons tournés vers le présent avec tout ce qu’il comporte de raison, de confiance et d’optimisme et vers l’avenir où nous voulons reconnaître les voies de l’effort créateur et de la coopération loyale…entre les fractions du peuple qui ont choisi de vivre sous le toit de leur souveraineté et la protection de leur propres lois »                                    Habib Bourguiba,  26 juillet 1957.

 
A l’heure de la disette, où les fonctionnaires sont mis à contribution pour renflouer les caisses de l’Etat, à l’heure de la recherche d’un endettement de plus en plus lourd pour satisfaire les revendications de tout genre, même si ces dernières  sont légitimes, puisque promises par une équipe gouvernementale peu apte à sortir le pays du gouffre, il est permis de croire et d’espérer que la sortie du tunnel est proche.
Les crises que le pays a connues à travers sa longue et enrichissante histoire, nous rappellent qu’il a toujours su faire face en comptant sur ses propres génies et en utilisant au mieux ses propres ressources. Depuis la révolution de janvier que certains bénéficiaires du régime du dictateur, doutent de son existence et miroitent, par médias interposés, leurs retours aux affaires, des institutions ont été mises sur pied, même si elles fonctionnent mal pour des raisons que les commissions de contrôle doivent analyser et élucider.
S’il est évident que la construction d’une démocratie n’est pas  ancrée dans notre histoire arabo-musulmane, certains rétrogrades,  venus de nulle part, profitent d’une liberté octroyée par le sang des martyrs, fanfaronnent sur les plateaux  de télévision pour occuper une place de ténors, en promettant  tout et n’importe quoi. Il suffit de les voir haranguer des animateurs, peu au fait des dossiers et peu entraînés à mener des débats politiques. Ils cherchent à accabler des responsables désignés par des partis peu représentatifs et dont les financements demeurent  inavoués. Ces partis qui ont dépensé de l’argent du contribuable  et  qui refusent à ce jour de présenter leurs comptes et qui, sûrement, vont recevoir encore des subsides de l’Etat pour mener leur campagne électorale des municipales d’aujourd’hui et des présidentielles et législatives à venir demain.
En feuilletant les journaux quotidiens ou ceux qui en restent grâce à l’argent du contribuable, une annonce attire l’attention et mérite qu’on s’y intéresse. Se référant à la loi sur les associations et à son article 41, une « organisation de l’aide islamique  à travers le monde », bureau de Tunis, déclare avoir reçu des dons dont le total est de 661.494 dinars tunisiens placés dans le compte de l’Association. Ils serviront  entre autres, d’après l’annonce, à  améliorer les conditions de vie et à venir  en aide aux réfugiés libyens. Pour plus de détails se référer au  Journal ESSARIH du Mardi 23 Janvier 2018.
Bravo pour l’association et bravo pour le journal qui l’a publiée ! C’est un acte réfléchi qui honore les responsables qui l’ont communiquée. Il faut souhaiter que d’autres  organisations et partis prennent le relais  pour publier leurs avoirs. C’est une issue non négligeable pour faire revenir la confiance et aider le politique à redorer son blason.
Un autre événement mérite également qu’on lui donne sa juste valeur celui des députés français qui doivent désormais payer leur absence aux séances de l’Assemblée. Même si l’absentéisme est un mal ancien, il y a intérêt à le sanctionner au nom de l’exemplarité. Pourtant, le Président de l’Assemblée  avait prévenu,  le 26 janvier 2016, que l’absence dans les réunions des commissions ou à la séance plénière serait sanctionnée financièrement : chaque  jour d’absence 100D en moins dans le salaire. Qu’en est-il de cette décision dans la pratique, a-t-elle été appliquée ? Même si elle est anodine (3% de l’indemnité), elle pourrait être modulée en fonction des absences sans justification comme par exemple perdre le tiers de l’indemnité.
C’était une bonne intention pour demander l’assiduité  afin de demander ensuite  aux élus de présenter le travail pour lequel ils sont payés : rapports, compte-rendus de réunions, de  missions et même des réflexions sur des sujets qu’ils sont censés traiter et qui taraudent l’opinion publique. La présence lors des votes dans l’hémicycle  devrait être obligatoire, puisque prévus à l’avance et pour lesquels  il est facile de s’organiser. Il est inadmissible qu’on enregistre seulement une présence de 45% dans la commission qui traite de la modification de la loi sur les déclarations de revenu, alors que les textes examinés en séance sont ceux adoptés par la commission idoine.
En effet le vrai travail de modification des textes ne  se fait-il pas essentiellement dans les commissions et l’examen en séance n’est-il pas  qu’une confirmation de ce qui s’est déjà dit en commission ? Il est inadmissible que sur 217  le nombre d’élus de  la première législature de l’Assemblée des représentants seulement (26 octobre 2014),  132 votent la loi des finances 2018, où les dépenses de gestion et de développement de leur Assemblée connaissent une hausse de 5%, en cette période de vaches maigres ! Il ressort du rapport de la Commission des finances (présenté le 22  novembre) que les dépenses de gestion sont de 29,419 MDT dont 25,204 MDT pour les salaires et 1,032 MDT des dépenses en termes d’interventions publiques.
Ces derniers  sont des contributions aux organisations internationales et des primes accordées à des associations  et amicales à caractère social ! Le coût  mensuel d’un député à la collectivité avoisine les 10000 par mois. Comparé aux coûts des membres des trois instances, il est dérisoire ! Ces derniers outre le salaire  de 3200 dinars, ils bénéficient d’avantages comme des voitures de fonction, et des quotas de  litres de carburant.  Il suffit de comparer le comparable et de réparer  s’il le faut  les erreurs des gouvernements de l’époque dont la responsabilité est engagée dans la situation actuelle du pays. Alors qu’il aurait valu diminuer  le nombre de ministres et de leurs conseillers qui font du travail parallèle à l’Administration, recruter des délégués et des maires dans les postes vacants depuis des mois pour  répondre aux vœux des citoyens et de comprimer les frais de gestion  des trois instances constitutionnelles dont les sont grassement  payés et sans contreparties apparentes!
La démocratie à un prix nous dira-t-on, mais on oublie que le citoyen cotise en plus pour boucler le budget pour 1% de son salaire, au titre de la solidarité. Notre pays est-il sous une malédiction d’avoir toujours une mauvaise gouvernance, sans imagination ? Après son âge d’or, celui de Bourguiba à l’aube de l’indépendance et jusqu’au moment où il ne gouvernait plus, le pays a pris la voie du progrès et de la modernité. Aujourd’hui avec tristesse, on constate la cherté de la vie, la monnaie, image de notre économie  qui se déprécie, le pays qui s’endette de plus en plus, le chômage des diplômés qui devient un chômage de masse, des salaires d’une classe de plus en plus  exorbitants, l’apparition d’un  phénomène nouveau de contestation  de tout, la perte du devoir et la demande des droits…
Ceux qui étaient au pouvoir et qui ont terni le visage du pays veulent encore y revenir sous d’autres formes alors qu’ils devraient demander le pardon au peuple ! Avec ce  modèle de comportement, nous n’allons pas sortir notre tête de l’eau.
Après avoir été les révolutionnaires du monde, allons-nous devenir la dernière roue de la charrette ?
Allons-nous nous accommoder de ces diplomates de circonstance  qui veulent défier notre culture, pomper notre richesse et nous imposer leurs agendas ?
Nous sommes en droit après ces années de galère de se demander s’ils sont en règle avec les lois tunisiennes ?
Ces allers et venues d’ailleurs qui ont fait fortune, ont-ils déclaré selon la loi leur patrimoine ?
Ce sont là des exigences pour garantir notre souveraineté, au moment où, par l’intermédiaire des élus, un défilé d’ambassadeurs et de gens venus d’ailleurs, tantôt des pays du Golfe tantôt de l’Europe, tentent de s’immiscer dans nos affaires. Certains nous rétorquent leur légitimité élective alors qu’elle s’est éteinte depuis un bon moment. Ils ont l’indécence de parler encore au nom du peuple et de percevoir des indemnités pour un engagement non respecté!
Certains parmi eux ne  savent que dénigrer l’histoire du pays parce qu’ils n’y ont pas participé. Il suffit de les entendre dans les médias qui, par calcul, leurs ouvrent le bras à tout bout de champs. Une grille à inventer pour juger les politicards d’aujourd’hui et distribuer des trophées pour les nouveaux venus en politique selon d’autres paramètres, par exemple à « celui ( celle) qui s’est le plus enrichi (e )» ou « à celui ( celle)  qui a le plus fait de couacs politiques ». On pourrait attribuer des décorations d’un autre genre, à « celui (celle)  qui a le moins fréquenté l’ARP et qui a perçu ses émoluments » ou « à celui qui a été le plus brouillon ou le plus ridicule ».
Les mêmes critères pour les opposants, surtout ceux (celles) qui ont assumé le pouvoir au temps du dictateur. On pourrait leur discerner d’autres catégories de médailles « celui qui a retourné sa veste pour se réclamer aujourd’hui de la continuité du bourguibisme » ou en fin à «celui qui a été le plus ingrat des putschistes qui ont renversé Bourguiba et qui se réclame de sa politique.» On trouverait rapidement des indépendants pour identifier les lauréats, puis leur discerner ces récompenses!
    Mais revenons à l’essentiel, voilà où nous en sommes. Notre pays traverse une  mauvaise passe. Aujourd’hui, il faut voir la réalité en face et l’assumer avec courage et responsabilité. A la manière de Bourguiba, les dirigeants doivent occuper le devant de la scène, expliquer et convaincre. Au service du pays,  il n’est jamais trop tard pour bien faire! 
R.H

*Dr d’Etat en économie, Dr en statistique, Diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris, Diplômé de l’Institut de Défense Nationale (4ième promotion), chef de cabinet dans plusieurs ministères…

 
 

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