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Ce remaniement va-t-il guérir le malade ?

  • Ce remaniement va-t-il guérir le malade ?

 
Par Dr Rejeb  Haji*
« Le gouvernement parlementaire n’est pas tant le gouvernement de la tribune ; et même, il n’est pas tant le gouvernement des commissions ; il est le gouvernement des couloirs. »                                                         

                                                                                      Charles Péguy    –Artiste, écrivain et poète (1873-1914)

 
Dans ce nouveau siècle, rien n’échappe à la connaissance et par suite aux décisions de ceux qui contrôlent les voies et les moyens des politiques à suivre. Que valent alors les évaluations des objectifs s’ils ne sont pas paramétrés à l’avance pour être quantifiées et contrôlés par la suite ?
Le Premier ministre, à la limite, a-t-il le pouvoir de juger ses ministres alors que ces derniers sont mandatés par leur parti, à qui ils doivent soumission et fidélité ?
A quelle équipe peut-on encore faire confiance lorsque ses joueurs n’ont pas suivi les mêmes entraînements et ne suivent pas les mêmes recommandations sur le terrain ?
A quelle orientation se fier, lorsqu’on ne fait pas référence à des normes définies, admises et acceptées par la majorité ?
Comment concevoir des élections entre 206 partis, au lieu de trois (droite, centre, gauche),  généralement sans troupe, de ressources opaques et souvent inégales ?
Ceux qui avaient les moyens financiers ont été largement plébiscités lors des dernières élections à savoir Nidaa et Ennahdha avec respectivement des taux de 39,63% et 31,8% ?
Il faut se rappeler que le congrès de ce dernier a coûté 5 Millions de dinars et que le budget de 2017 est fixé à 5,8 millions de dinars soit une augmentation de 6% de mieux que 2016. De ce fait, les élections municipales qui approchent paraissent biaisées au départ, puisque tous les prétendants ne partent pas sur le même pied d’égalité et n’ont pas la même chance de réussite. Il aurait fallu, d’abord et en premier lieu, un inventaire des précédentes élections, pour les solder définitivement. Il fallait  exiger le contrôle du financement des partis par une commission indépendante que nous avons, dès l’aube de la révolution, revendiquée dans nos écrits, à cor et à cri. Par indécence certains partis vont jusqu’à demander un financement de l’Etat, alors qu’ils n’ont pas soldé leurs comptes des dernières élections.
Du manque de transparence des comptes des partis et associations, une profonde inquiétude et un doute même de l’évidence sont nés, sur la sincérité du monde politique. Ce sentiment traverse la société civile et fait craindre l’abstention ou encore la non-participation.
Pourtant des commissions, ont vu le jour ces dernières années. Loin d’avoir l’intention d’en faire un bilan exhaustif, la question posée est de savoir si les promesses d’indépendance et de transparence ont été observées et si le budget alloué a été dépensé conformément à règlementation en vigueur ?
Les crises dont nous sommes témoins poussent à interroger sur leurs capacités réelles à être indépendantes du pouvoir et de sa coalition. Un nouveau chapitre devrait être inscrit  dans les travaux de l’ARP, que faut-il améliorer pour plus de neutralité et d’autonomie ? D’entrée de jeu il faut signaler qu’elles n’apparaissent indépendantes que de nom et les problèmes rencontrés vont du cadre institutionnel au cadre juridique.
Un conflit déjà dans leur modèle de désignation allant de la politisation à la désignation des personnalités apolitiques qui s’avèrent avec le temps souvent engagées. Le pouvoir en place gardant la main mise sur l’institution et l’institution de ces commissions n’a pas suffi à présent à recréer la sérénité et la confiance. Dans une autre commission, la réalité des faits, a mis en lumière  est que certains de ses membres avaient un but inavoué, celui d’un règlement de comptes avec l’Histoire. Même le libérateur du pays Habib Bourguiba et ses compagnons n’y ont pas échappé. Eux qui ont milité et réussi à construire un Etat moderne que leurs censeurs, d’aujourd’hui, sans histoire et donc sans avenir, jalousent. Ces parvenus de tout horizon n’ont réussi qu’à affaiblir l’autorité de l’Etat, instaurer une vie politique paralysée et créer un environnement déstabilisé.
L’obsession du pouvoir au détriment de l’intérêt national est devenue pour eux la règle et la condition de l’engagement. Ils ne cessent « de faire du vent pour que les voiles les portent le plus loin possibles ». Peu leur importe que le pays soit malade et au bord de l’asphyxie. Leur obsession du pouvoir prime et ils s’y sacrifient corps et âme. Il convient, à présent, de mettre beaucoup plus d’emphase sur la transparence, l’indépendance et l’efficacité du processus que sur la mise sur pied d’une énième institution bureaucratique et « budgétivore ».
Même la justice, souvent critiquée, n’est plus pour certains d’entre eux la garante du jeu des libertés.  Mais, en fait, ces libertés, qui continuent à être soumises à rude épreuve, sont-elles sans règle ? Cette règle est-elle encore basée sur la coercition et la réduction des diversités, comme à l’ère du comploteur, ou permet-elle l’épanouissement des particularités et de la culture, comme cela était proclamé par la révolution?
Qui continue à propager des idées mortifères, barbares et scandaleuses avec une volonté de nuire? La collusion entre les journalistes et les politiques est une évidence. Des supercheries et de fausses informations, véhiculées par les réseaux sociaux, deviennent à l’origine de la confection d’une politique. On ne sait plus qui il faut croire puisqu’il devient impossible de détecter les rumeurs et de s’y opposer.
Avec ces élections municipales, il faut espérer que les citoyens reprennent la main sur les politiques qui vont jouer leur partition habituelle de promesses qu’ils sont incapables de tenir. Des milliers de nouveaux prétendants, attirés par le charme de la gouvernance vont être lancés dans le bain de la politique. Ils vont croire qu’ils seront des faiseurs de roi et que la décision de l’avenir de leur ville leur revient, alors qu’ils n’ont ni les moyens humains ni financiers pour réaliser leurs objectifs.Malgré les efforts d’amélioration de l’ISIE, avec un  bureau encore incomplet n’a pas trouvé la formule de contrôle pour emmener l’essentiel de la population en âge de voter à participer au processus électoral futur.
Les promesses diplomatiques sont nombreuses pour mobiliser des fonds et sortir notre pays de sa crise. Tout le monde a parlé d’un « Plan Marshall » mais il n’a pas vu le jour. Une autre tentative, la conférence internationale sur l’investissement « Tunisie 2020 » où 720 Etats étaient présents et 1000 participants, avec des engagements fermes mais jusqu’alors non confirmés. Les chiffres sont malheureusement là et parlent d’eux-mêmes. Ils demeurent modestes et répondent insuffisamment aux attentes de la population qui s’organise au fil du temps, à accéder à la modernité.  Quelle porte de sortie alors  possible lorsque le pays vogue au gré des satisfactions des institutions financières mondiales qui lui tiennent les commandes et lui dictent leurs choix ?
Notre printemps qui a révolutionné le monde, ne serait-il, à l’épreuve du temps,  qu’un miroir qui a reconfiguré l’environnement du pays. Les nouveaux enjeux mondiaux ont fait sauter les certitudes et miné les alliances. Au lieu des impératifs de puissance jusque-là en vogue, ce sont les pressions sociales portées par l’opinion publique qui dictent les politiques et exigent les conduites à tenir. Les relations d’Etat à Etat intègrent beaucoup plus la société civile en mouvement et ses exigences. Notre pays, se trouvant à un jet de pierre de l’Europe, doit en tenir compte. Sans oublier notre dimension naturelle, le Maghreb qui est notre devenir.
Pour continuer à être utile à mon pays et par fidélité à tous ceux qui ont, comme moi, consacré la plus belle partie de leur vie à le servir, dans la transparence et avec la probité requise, je continue à écrire ce que je crois et à soulever des thèmes qu’il faut débattre. Tous les économistes sauf peut-être les ministres libéraux, conseillers du pouvoir, le savent et l’admettent que notre pays est au bord du gouffre. Avec peu de ressources, outre le phosphate, le tourisme devenu aléatoire et l’aide internationale en régression, la seule voie passante demeure un état d’urgence dans les domaines économiques et sociaux pour relancer la croissance.
Ce n’est pas le replâtrage par un remaniement de 28 ministres et 14 secrétaires d’Etat où la parité est absente, qui va guérir le malade, ni des élections municipales, à la va vite, qui vont, en réalité, approfondir encore plus les prémices de fracture d’une unité nationale mise à rude épreuve. Ces représentants du peuple dont les partis politiques ont échoué à mener le pays vers de nouveaux rivages, où le travail est la règle et la probité la ligne de conduite, devraient avoir le courage de corriger les imperfections de la nouvelle  constitution devenue obsolète avec l’expérience du pouvoir.
La Tunisie a de beaux jours devant elle, à condition de ne pas négliger l’économique au profit du politique. Une poignée de conseillers économiques volontaires de talents, issus des dirigeants de Tunindex- l’indice boursier de référence des cinquante principales capitalisations boursières- commune à la Présidence et au Premier ministre, pourraient réfléchir pendant quelques mois à une feuille de route capable de guérir le malade en sauvegardant l’essentiel de son économie. Tous unis autour d’un socle d’idées tel que la lutte contre le chômage, la corruption et les inégalités régionales, nous serons plus forts pour assurer le renouveau du pays et protéger sa démocratie!
H.R

DOSSIERS SPÉCIAUX