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Veiller à prédire et en même temps prévoir !

  • Veiller à prédire et en même temps prévoir !

 
Dr Rejeb HAJI-
« C’est la confiance dans le gouvernement qui doit être le facteur de la cohésion nationale et la source du respect réciproque entre autorités et citoyens. Une seule et même famille, unie comme les pierres d’un édifice sans faille et dont les membres se partagent les besognes dans un coude à coude fraternel, voilà le progrès. »                                                          

                                                                                         Habib Bourguiba –Discours devant le Conseil national du                                                                                                                                                                     Parti – 23 juin 1956

 

J’ai dit et écrit ces derniers temps qu’il n’y avait pas, qu’il n’y aurait pas de bourguibisme sans Bourguiba. Le comportement de certains dirigeants politiques se référant sans arrêt à cet icône incomparable,  me font remarquer des amis, a démenti ce pronostic.
En un sens ils n’ont pas eu tort. En dépit, des valeurs permanentes,mises à nu dans la pensée de ce leader charismatique et constituant le bien commun des hommes, les classes  sociales n’ont du passé, du présent, de l’avenir ni la même lecture ni la même interprétation. Certains prétendent les représenter, d’autres s’arrogent le droit de parler en leur nom. Il est souhaitable que la critique de l’économie actuelle, celle de la classe du pouvoir, soit plus approfondie.Il serait intéressant que de nombreuses opinions et tribunes, s’appuyant sur l’expérience et sur le fait économique et social, fournissent des outils qui serviront à l’analyse de la remise en cause de l’ordre décadent, sans ligne de conduite ni projet d’avenir.

Et le bourguibisme, dans tout cela ? J’y reviens. Si l’on admet en effet que Bourguiba  avait su préserver une part de ce qui avait fait sa grandeur et échapper de la sorte aux intérêts les plus sordides de la classe dirigeante, il s’est servi, à son apogée et en plein possession de ses moyens,  de toutes les énergies disponibles. Il les a façonnées  à une vie rude au service de la construction d’un Etat moderne.
Même si on a beau imiter ses accents, on peut affirmer que lui seul tranchait de tout et dirigeait tout. Il était présent partout. Il répondait, par son travail acharné à ses convictions profondes, aux aspirations immédiates des tunisiens et planifiait doncleur avenir.Bref en Tunisie, il n’y avait qu’un patron et ce patron c’était lui.Il est vrai que la situation politique, économique et sociale du pays l’exigeait. En plus, ilalliait l’intelligence au dévouement. Il corrélait la vérité avec la droiture. Il donnait l’exemple dans le sacrifice pour autrui. La probité, la sobriété, la dignité et l’exemplarité étaient pour lui des exigences pour servir l’Etat.
 
Les parvenus au pouvoir qui lui ont succédé, ont changé la donne. Avec l’avènement du coup d’Etat médical et sa  dictature abjecte et corrompue, puis le pouvoir de la troïka et son organisation hybride à trois têtes,la nature institutionnelle qu’on croyait pérenne, a été modulée. Le courage, la sagesse et la dignité imposentde rectifier le tir et de tirer les leçons qui s’imposent de ces années de galère où le politique a fait mis main basse sur l’économique. Le résultat d’ailleurs ne s’est fait pas attendre.
Il y a de quoi s’inquiéter :Un pays dirigé en sous main par les institutions financières internationales, un chômage dépassant les limites du structurel, un appétit du pouvoir jamais égalé par des novices venus même de prison… Des docteurs « Tant mieux » qui se sont succèdes à la tête du pouvoir puisqu’on ignore, à défaut de leur véracité, les vrais chiffres qu’il s’agisse du chômage, du budget, de la balance de paiements ou du taux de croissance… Je pense qu’il nous trompe parce qu’ils se trompent eux-mêmes. S’il est compréhensible de calmer l’inquiétude en offrant l’image de la tranquillité, ce qui est souhaitable mais à la fois, il faut veiller à prédire et en même temps prévoir.
Il faut, à la manière de Bourguiba, réveiller les consciences. Un peu de drogue anesthésie, beaucoup de drogue tue. Pour les teneurs de la pensée bourguibienne, ils ont devant eux de vastes desseins, s’ils mettent de côté leurs divergences. S’ils sont réunis en faisant fi de ces amalgames, procédés toujours malhonnêtes, par lesquels on voudrait laisser croire que les destouriens ont adhéréà un RCD qui n’a jamais été la continuité de leur parti. Loin de constituer une monnaie d’appoint pour des partis sans programme,  ils doivent chercher leur voie pour rétablir leur droit et redevenir le premier parti d’antan. Leur histoire, avec ses soubresauts, demeure leur gloire, alors qu’une alternance hétéroclite a mené le pays au désastre et à la faillite qu’on connaît.
Comme une fatigue, comme un dégoût. Une série de questions qui  m’obsèdent  et qui me viennent à l’esprit :
Comment des ministres, responsables politiques de surcroît, d’idéologies différentes peuvent avoir la même pensée sur des réformes structurelles à engager ?
Comment une classe politique fonde sa vie publique sur le mensonge ?
Comment elle bâtit son avenir sur la tromperie, sur les mots toujours les mots ?
L’artifice du langage est-il  un autre mal dont souffre notre pays ?
J’espère que les élections qui pointent à l’horizon me donneront tort. Je me borne pour l’instant à enregistrer  la concurrence acharnée dans les préparatifs et je me demande à ce sujet par qui,ils vont être financés ? Tout le monde exige la transparence. Ces mosaïques de partis et d’associations se conforment-t-elles à la loi ? D’où viennent leurs ressources et sous quels contrôles ? Au moment où le pays souffre parce que les indicateurs économiques ne se sont pas améliorés, on a le droit de s’interroger sur l’opportunité d’une élection qui ne dissipera ni les équivoques ni les malentendus.
Pourtant dans un article récent, voir « Femmes  Maghrébines »,  j’ai  appelé à aller s’inscrire pour pouvoir voter. Car dans les épreuves décisives on ne franchit convenablement l’obstacle que de face et il faut bien évidemment se méfier de ceux qui se font les défenseurs de l’ordre  quand ils l’ont sous la main.
Qui serait contre des partis qui travaillent, imaginent et proposent! Sous la conduite de Mohamed Sayah, pendant les années soixante-dix,le PSD est devenu un parti qui bouge, qui  bouillonne, que traversent des courants  et que porte un élan. Pour les mémoires courtes, il faut rappeler que c’est  à l’initiative des deux Présidents des deux partis Habib Bourguiba et Léopold Senghor et sous leur haut patronage que des représentants de plus de trente Partis Politiques et Mouvements de Libération Nationale Africains se sont réunis, à Tunis, du 1er au 6 juillet 1975, pour discuter du développement planifié en  Afrique et des voies africaines vers le socialisme. Une première dans l’histoire en Afrique !
C’était l’âge d’or du PSD, un parti, disparu d’un trait de plume pour les besoins de la cause d’individus peu recommandables qui ont eu à gouverner le pays pour  l’emmener sur les sentiers de la décadence, au lieu de ceux de la gloire.
Aujourd’hui, il est aisé et même évident de dépasser la polémique autour du parti unique de jadis et de voir où nous en sommes ? Scruter le passé récent et en tirer les leçons, un inventaire à faire pourquoi pas ? Il est clair que  la  bonne gestion d’une erreur vaut mieux  que certains succès. L’art du jeu des échecs nous l’enseigne, qui consiste à tirer avantages de ses propres fautes.
H.R.
*Dr d’Etat en économie, Dr en statistique, Diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris, Diplômé de l’Institut de Défense Nationale (4ième promotion), premier maire de Melloulèche…
 

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