Arrête d’attendre. Personne ne viendra te sauver…
- société
Par Dr Rejeb Haji*
Ayant évoqué dans notre précédente étude, le rapport co-signé, en catimini, par le chef du gouvernement et le gouverneur de la Banque centrale avec le FMI, il nous a semblé utile de rappeler les engagements pris tels qu’ils ressortent de ce rapport d’une centaine de pages, rédigé en anglais et couvrant la période 2019-2020. Pour plus de détails sur les mesures fiscales et budgétaires se reporter au document IMF Country Report N° 17/203).
D’après ce document, le gouvernement s’engage à : geler les augmentations salariales des fonctionnaires 2019-2020 ; libérer de 20.000 à 25.000 fonctionnaires d’ici janvier 2018 ; réduire la masse salariale à 12,1% du PIB d’ici 2019 ; remplacer un fonctionnaire sur 4; mettre en place un programme de gestion axée sur la performance dans 5 sociétés d’État (Tunis Air, STEG, STIR, Offices des Céréales et la Régie du Tabac.) ; transmettre périodiquement les résultats de ces sociétés au FMI ; évaluer l’efficacité de la fiscalité avec le soutien d’experts américains financés par l’USAID ; transférer 0,5% du PIB pour les caisses de sécurité sociales pour éviter le défaut de paiement ; suivre une politique d’austérité pour une période déterminée.
Quant au volet monétaire, le gouvernement a pris l’engagement d’une politique de restriction, en augmentant le taux directeur de 5%, et l’adoption d’un taux de change flexible. Outre les indicateurs sensibles qui sont communiqués de façon hebdomadaire au FMI, 30 autres indicateurs économiques et financiers seront également transmis mensuellement. C’est dans cet environnement économique, conditionné par les règles imposées par le FMI, que des élections législatives vont avoir lieu dans les prochains mois.
Cette toile de fond, les politiques ne s’en soucient guère de ces contraintes et s’élancent déjà dans des campagnes avant terme. A tel point que la « cravate du cheikh » suscite plus d’à-propos que la situation économique désastreuse du pays. Ainsi va la nouvelle politique ! Aucun parti, à ce jour, n’a révélé ses sources de financement. En effet, une campagne coûte chère même si c’est le coût à payer pour la démocratie. Le contribuable est sans cesse mis à contribution, même pour assurer la sécurité de près de deux cents personnes affirme-ton, sous menace de terroristes invisibles. Se lancer dans la politique est un choix personnel avec des risques et des bénéfices pour le candidat. Le contribuable lambda n’a pas à le supporter, même au prix des grèves de faim et de solidarité d’où qu’elles viennent. A ceux-là, s’ils le veulent, ils peuvent contribuer financièrement à cette sécurité ou encore et il serait plus logique que les partis assurent la protection de leurs dirigeants.
Nul ne nie l’importance de l’argent en politique. Tout le monde est au courant des scandales, dont les médias se sont fait largement écho, ces derniers temps. Les partis politiques ayant toujours besoin de plus de ressources pour le financement de leur fonctionnement au quotidien et pour leurs campagnes électorales. L’aide de l’Etat est alors sollicitée d’où des règles à définir dans la transparence. Pour autant, l’argent ne devrait pas servir à acheter l’accès au pouvoir.
Comment alors sanctionner les dons illicites et comment prévenir le trafic d’influence?
Doit-on, comme conséquences, plafonner les dépenses des campagnes électorales par la loi?
Quel financement public octroyé aux partis?
Comment leur assurer qu’ils soient traités sur un même pied d’égalité dans ce domaine?
Comment assurer leur indépendance vis à vis des lobbys en tous genres?
Faut-il reprendre le dernier décret-loi et le compléter dans ses insuffisances ou encore légiférer une nouvelle loi?
Des améliorations de la juridiction actuelle peuvent être apportées, telles la définition du modérateur financier, la suppression de la deuxième commission de contrôle ou encore la définition d’un mécanisme d’octroi d’aide, de son montant et l’introduction des sanctions à encourir dans le cas de non- respect de la loi. Pour avoir une idée de ce qui se fait dans les pays démocratiques et pour s’en inspirer si besoin est, il suffit de se reporter à l’ouvrage Financement des partis politiques et des campagnes électorales – Lignes directrices, élaboré dans le cadre des activités du Projet intégré du Conseil de l’Europe «Les institutions démocratiques en action». Sans entrer dans les détails, « de la pratique du financement et du contrôle des partis politiques» dans les Etats européens, présentons quelques exemples spécifiques qui peuvent nous intéresser.
Prenons l’exemple de la France. Avant 1988, il n’existe ni règle ni statut pour les partis politiques. Une loi « relative à la transparence financière de la vie politique », votée en 1988, introduit l’aide de l’Etat aux deux assemblées, proportionnellement à leur nombre de parlementaires. L’Etat prend alors en charge également les frais de campagnes officielles, le remboursement forfaitaire des dépenses des candidats. Ces dépenses sont plafonnées aux élections législatives et présidentielles. Les candidats ont le droit d’obtenir des dons de particuliers et de personnes morales.
Ils sont dans l’obligation de déposer un compte de campagne. Le financement privé a été plafonné à près de 76000 euros par personne morale et par an tandis que pour un particulier, ils sont fixés à 7500. La loi du 15 janvier 1990 crée une commission nationale pour la bonne application des règles de financement. La loi du 29 janvier 1993 fait obligation de publier la liste des personnes morales et le montant de leurs dons.
La loi du 19 janvier 1995 proscrit tout lien financier entre associations, fondations, syndicats et collectivités locales. Ils ne peuvent plus accorder des aides aux partis ni aux candidats.
La loi du 19 janvier 2000 introduit la parité. Une retenue sur le financement public des partis est opérée sur leur subvention s’ils ne présentent pas le même nombre de candidats et de candidates aux élections législatives.
La loi du 11 avril 2003 durcit l’octroi d’aide publique.
Pour avoir de l’argent public, il faut obtenir 1% des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions aux élections législatives. L’Etat accorde également aux donateurs et cotisants une réduction d’impôt de 66% des sommes versées au mandataire d’un parti. Les contributions des élus sont également une ressource importante. Elles représentent pour le parti communiste français, par exemple, le tiers de son budget.La France subventionne aussi la vie politique, mais dans des proportions plus restreintes. L’aide publique est d’abord conditionnée au nombre de parlementaires élus à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Pour l’Allemagne, le financement des partis est encadré depuis 1967. En plus des dons et cotisations les partis politiques reçoivent un financement important de la part de l’Etat. Pour l’obtenir, il faut recueillir au minimum 0,5% des voix à une élection nationale ou 1% à une élection régionale. Le montant des subventions est calculé en se basant sur le nombre de voix et sur les ressources propres du parti. Mais si les marges de manœuvre sont plus importantes pour les partis allemands, leurs élus se doivent d’être exemplaires.
A chaque scandale révélé par la presse, la personnalité politique éclaboussée démissionne de ses fonctions ce qui n’est pas le cas en France. Avec un système fédéral et une tradition de coalition au sein du gouvernement, le dialogue entre partis est perçu comme le fondement du système allemand. D’où l’idée qu’en finançant un parti politique, le citoyen contribue au bon fonctionnement du système démocratique lui-même. Cela explique que le budget total des partis en Allemagne est bien supérieur à celui des partis politiques français.
D’autant plus que l’aide publique accordée aux partis est encore plus élevée qu’en France. Les dons, les votes, les contributions des adhérents et des élus sont en effet subventionnés par l’Etat allemand. « Pour chaque vote aux élections législatives, européennes et régionales, un parti touche 83 centimes. La première tranche des 4 millions de votes est même subventionnée à hauteur de 1 euro par vote. Un état de fait qui permet aux petits partis allemands de se maintenir financièrement. » « De la même manière, les dons de particuliers ainsi que les cotisations des adhérents et des élus jusqu’à 3 300 euros sont abondés, à hauteur de 43 centimes par euro versé. »
En conclusion quel que soit le système retenu, il ne sera efficace que s’il est assorti de mécanismes de contrôle et de sanctions dissuasives, en cas de non-respect de la loi. Comme pour le financement privé que pour le public des règles simples et strictes peuvent être retenues. Ceux qui ont des comptes d’une totale transparence, contrôlés par un établissement indépendant de vérification des comptes,devraient avoir droit à des aides publiques et à des dons privés, selon des critères objectifs, définis à l’avance.
Dans les pays où la société civile est peu développée, comme la nôtre, et où nos partis se prévalent uniquement de leur existence juridique, les contributions de l’Etranger peuvent jouer un rôle décisif. Ces dernières sont autorisées par leurs Etats sous couvert de « créer les institutions nécessaires à la démocratie ». Il y a anguille sous roche et il faut se méfier des organisations non gouvernementales. Il faut leur interdire de se mêler de nos problèmes intérieurs, quelle que soit l’offre faite et le prix à payer.
H.R.
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