Arrête d’attendre. Personne ne viendra te sauver…
- société
Par Rejeb Haji*
La loi du silence, dites-vous, l’omerta pour utiliser le vocable de la mafia: pas de lettres écrites, rien qui puisse laissé des traces, mais uniquement une règle de conduite à respecter. Il faut laisser passer le temps, comme si rien n’était, et puis passer à l’action une fois le temps passé. « La vengeance, comme le dit le proverbe, est un plat qui se mange froid ».
Certains hauts responsables qui ont assumé les plus hautes charges de l’Etat, nous rappelle cette conduite. Leurs déclarations se succèdent, ces derniers jours, avec des révélations dangereuses dans la conduite des affaires du pays. Qui a tort et qui a raison ? Seul le ministère public doit se charger de l’enquête pour chercher la vérité et traduire les coupables devant la justice. A l’heure où le droit de réserves est battu en brèche puisqu’il n’est plus respecté par ceux à qui des retraites royales sont encore servies, il est temps d’arrêter les dégâts. Notre pays est déjà en panne de croissance, va-t-il être en panne de vérité par ceux qui l’ont conduit dans l’impasse où il se trouve ?
Pourtant, après les dernières élections législatives et présidentielles, tout le monde considère que les dés sont jetés et que le pays va se remettre au travail. Malheureusement d’un gouvernement à l’autre, les mêmes promesses et les mêmes échecs d’où le peu de résultats tangibles pour les citoyens qui attendaient beaucoup de leur révolution. Leur constat est sans appel : les problèmes économiques sont loin d’être résolus, la vision du futur reste floue et les politiques sont « tous pourris ».
Mieux encore, les accords de prêts se succèdent avec l’assentiment d’un parlement où, d’après les observateurs, le taux d’absentéisme est édifiant. Les derniers engagements co-signés, en aparté, par le chef du gouvernement et le gouverneur de la Banque centrale avec le FMI, sont encore une énigme voire même une nouvelle épée de Damoclès. D’après les informations recueillies sur le site du FMI, il s’agit de mesures budgétaires et fiscales s’étalant sur la période 2017-2020 résumés dans un document d’une centaine de pages, rédigé en anglais (voir lettre et annexes IMF Country Report N° 17/203).
La barque Tunisie est trop chargée par son endettement, il faut trouver la solution pour l’amener à bon port. Au lieu de chercher le sauveur universel, il faut se serrer les coudes. Il faut faire confiance aux citoyens pour gérer les affaires de leur municipalité et de leur région. L’occasion des élections municipales tombe à point nommé dans un environnement où notre pays surendetté et où les efforts doivent être demandés à tous. Des questions de financement des campagnes électorales vont se poser. Il faut y répondre dans la transparence. Des partis entretiennent une opacité absolue aussi bien sur leurs dépenses que sur leurs recettes.
Comment sont-ils financés ?
A quels contrôles sont-ils soumis ?
Dans cette première partie, il s’agit d’un bref aperçu juridique, sur le financement des partis politiques dans notre pays. L’objectif étant de mieux relever les insuffisances, à fin de proposer des pistes de réflexion d’avenir.
Avant 2011, la loi 88-144 du 29/12/88 organise les partis politiques et les soumet à des règles strictes énumérées ci-dessous: interdiction de recevoir une aide de l’Etranger quelle que soit sa nature ; tenir une comptabilité ; se soumettre à un contrôle des finances par la Cour des Comptes ; une obligation de déclaration des dons et libéralités au Ministère de l’intérieur ; une exonération de droit de mutation sur la propriété des immeubles nécessaires aux activités des partis.
La loi N°48 du 21/7/1997 est venue compléter la précédente en traitant du financement public : primes annuelles fixes ou variables en fonction du nombre de députés de chaque parti, conditionnées par la présentation des comptes à la Cour des Comptes ; enfin la loi N° 99-27 du 29/3/1999 accorde une subvention des journaux pour couvrir le coût du papier et de l’impression.
En réalité aucun contrôle réel n’a été exercé sur les financements des partis.
Avec la révolution, le décret-loi N° 87 du 24/9/2011 est venu annuler les textes législatifs précédents et les remplacer. Il consacre le principe d’un financement mixte privé et public.
Pour le financement privé, il fixe les règles suivantes :
plafonnement des cotisations des adhérents ; interdiction du financement direct ou indirect en numéraire ou en nature en provenance d’une partie étrangère ; interdiction du financement d’une source inconnue ; interdiction des aides, dons et dotations des personnes morales publiques ou privées ; interdiction des dons anonymes et des dons occultes qui ne figurent pas sur les comptes des partis ; plafonnement annuel des dons, dotations, legs des personnes physiques ; autorisation d’un recours à l’emprunt assorti à un plafonnement auprès d’établissements spécialisés ou même auprès des particuliers ; interdiction aux associations de collecter des fonds pour financer des partis.
Les partis jouissent selon la loi d’un financement public mais le législateur n’a défini ni les mécanismes ni les critères ni les montants. Ce décret-loi fixe également les règles de transparence financière énumérées ci-dessous : interdiction à tout parti d’octroyer des avantages quelconques en numéraire ou en nature aux citoyens ; obligation de désigner un mandataire financier ; de tenir une comptabilité et d’arrêter les états financiers chaque année ; de tenir les registres suivants : celui de l’adhésion, de la délibération des organes du parti, des aides, des dons, des legs, des donations ; de conserver les documents financiers, rapports et registres pour une période de dix ans .
Il introduit le système de contrôle par des commissaires aux comptes et par une commission. Quant aux commissaires aux comptes, leur mission est connue. Leur rôle est de contrôler la sincérité et la régularité des comptes établis par le parti ou l’association et pour cela de faire un audit comptable et financier. Leur rapport de contrôle est soumis au Président du gouvernement. En plus, est prévue une Commission présidée par le Premier Président du Tribunal administratif avec la participation du Premier Président de la Cour d’appel de Tunis et du Président du Conseil de l’Ordre des experts comptables. Elle donne un avis sur les états financiers. En cas de découverte d’infractions, elle peut faire appel au Ministère Public. Le parti ou l’association présente son rapport annuel à la Cour des comptes, tribunal administratif chargé de la vérification et du jugement des comptes en deniers publics. La cour contrôle la gestion financière et administrative.
Elle rédige un rapport confidentiel qui sera transmis au Premier responsable du Parti concerné, au Président de la Cour des Comptes et au Président de la République. Ce rapport n’est pas rendu public. Quant à la publication des comptes, le parti s’astreint à publier ses états financiers accompagnés par le rapport du commissaire aux comptes dans un quotidien paraissant en Tunisie et sur le site électronique du parti, s’il existe, dans un délai d’un mois à compter de la date d’approbation des états financiers.
Telles sont les principales dispositions du décret-loi qu’il faut éplucher et sur lequel nous reviendrons en détail dans un prochain article.
H.R
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