Arrête d’attendre. Personne ne viendra te sauver…
- société
Par Dr RejebHaji*
A l’époque de la mondialisation où les crises se généralisent et se propagent par-delà les frontières, à grandes vitesses et où les systèmes économiques menacent de s’effondrer, les causes du mal demeurent diffus et difficiles à diagnostiquer. Comment faire face,pour un petit pays comme le nôtre, à la montée du chômage, à la perte continue du pouvoir d’achat, à l’accentuation de la crise financière, à la propagation de la corruption, à l’insécurité individuelle et collective, au terrorisme qui menace de partout, à la peur qui hante les esprits, à l’incertitude de l’avenir, au taux d’endettement dégradé et on peut encore énumérer d’autres défis?
Quand le dinar chute et s’enfièvre, c’est la Tunisie qui est malade. La monnaie traduit, en effet, l’état de santé de l’économie. Je ne suis ni le premier ni le seul à m’émouvoir de cette situation.La solution miracle n’est pas le recours infini à l’endettement et à ses répercussions sur les générations futures.Elle ne réside pas non plus à chercher une couverture par un mécénat peu crédible et dangereux.
Pourtant au fil du temps et des gouvernants successifs, au cours de ces dernières années, les promesses de sortir de la crise vont bon trainet la sortie du tunnel est annoncée puis reportée selon les équipesdu pouvoir et la situation du moment.Certains gouvernants ont même oublié qu’ils étaient aux commandes, il n’y a pas si longtemps, et qu’ils sont comptables de la situation actuelle du pays. Le refuge de certains est de chercher une couverture à l’Etranger pour enfoncer encore plus le pays et égratigner davantage son image de marque. Pour d’autres la création de partis ou d’associations pour échapper aux poursuites. L’ingratitude est qu’ils perçoivent encore des salaires et bénéficient de la protection de l’Etat. Il faut mettre fin à ces immunités, à ces retraites de ministre, à ces protections et instaurer une même justice pour tous. Si faire de la politique un choix et une profession, il faut alors en assumer ses conséquences.Au lieu d’affiner et de concrétiser un plan économique, la classe politique s’est occupée du partage du gâteau et de faire surtout de la communication en traitant de faux problèmes. Elle cherche à nouveau dans les élections municipales un sauf conduit pour rétablir une confiance perdue. Certains de ses chefs venus aléatoirement au pouvoir, comme ministres,découvrent sa difficulté et lui attribue l’origine des soucis et les causes du mal du pays.Il n’en demeure pas moins que les prévisions d’un taux faible de participation aux élections serait un signe du renoncement à la politique.
L’université qui devrait être le terreau du foisonnement des idées et le creuset des critiques constructives des politiques menées est absente des débats.Pourtant elle est devenue l’arène des luttes politiques intestines stériles et où à un moment, le drapeau symbole de notre unité a été démis de son piédestal par des voyous protégés. S’il nous fallait qualifier l’université, en l’année 2017, nous n’hésiterons pas à dire, qu’elle est malade. Il n’est pas de notre intention d’être le médecin idoine. Une mission d’information composée de compétences pluridisciplinaires reconnues, indépendantes des pouvoirs et présidée par une éminente personnalité au-dessus de tout soupçon est capable de dresser un bilan de l’état des lieux, dans les six mois à venir.On peut d’ores et déjà que l’accord sur le déclin de notre université, comme celui d’ailleurs de la société, est unanime. Durant les dernières décades, les gouvernants ont, en fait, dévalué la compétence au profit du clientélisme, de la pratique du gain facile et de l’affairisme. Ils ont rejeté dans le domaine des « perdants », les compétences, en opposition avec ceux qui détenaient le pouvoir, les « gagnants », dont on connaît aujourd’hui l’héritage. L’université a perdu sa substance et son rôle fondamental d’être au service du pays et de son développement.
Quant au recrutement à l’université, notre pays souffre d’une absence de sélection par la compétence. Au lieu du doctorat et d’une normalisation rigoureuse des équivalences, celles qui résistent aux critiques, on a eu recours à un système d’habilitation permettant de recruter à tout venant, en favorisant les proches. La promotion,au cours des années, est devenue une affaire d’alliances, et de familles. Distribuer des « doctorats honoris causa » aux nationaux, comme à un Premier ministre par exemple, devient même une obligation.
Comme l’imagination n’était pas au pouvoir, les solutions adaptées à l’exigence de la notoriété, du savoir et de la connaissance n’ont pas été les priorités du développement économique des dernières décennies. Pourtant 204 établissements accueillent près de 300 mille étudiants et 4,2% du budget de l’Etat. Hors de toute classification de prestige dans des classements mondiaux reconnus, notre université est une usine à fabrication des sans- emplois. A cela, on peut dégager des raisons sur lesquels existe un large consensus.
Tout le monde s’accorde sur la médiocrité de l’enseignement ; le peu de son renouvellement ; le niveau bas des étudiants ; la capacité déficiente du raisonnement et la mauvaise maîtrise des langues. Quels destins attendent ces jeunes diplômés ? Ceux qui terminent leurs études et obtiennent leur diplôme ou encore « les défaillants du système » ne sont pas sûrs de trouver un emploi correspondant à leur qualification et à leur profil. Ils se heurtent à l’exigüité du marché de travail et à ses spécificités. Quand on observe ces clignotants, il n’y a pas lieu de se réjouir. Il ne faut pas baisser les bras.
Avec une meilleure connaissance de l’environnement et de ses besoins, on peut espérer la diminution du taux de déperdition. L’encouragement à la collaboration entre les divers secteurs économiques et l’université doit être un objectif immédiat. A titre d’exemple, il faut attribuer des cours à des cadres confirmés de la vie active ; créer un pool de recherches et de consultations au service de l’Administration et de l’entreprise ; offrir aux enseignants la possibilité de contractualisation avec le privé voire même leur détachement pour une durée déterminée ; multiplier les stages rémunérés et leur obligation pour les étudiants ; chercher l’adéquation produit-demandeà toute formation…
La pédagogie doit être rénovée, les structures dynamisées et l’indépendance vis-à-vis de l’Etranger acquise. Il faut songer à planifier les besoins du pays et faire en sorte que l’université y réponde. L’université est un corps vivant qui évolue dans un environnement en perpétuel changement.
Elle doit s’identifier à celui-ci et le refléter. Au siècle actuel l’information, la technologie et le savoir seront les facteurs clés de la production et de la création des richesses. Par voie de conséquence, il faut assujettir la connaissance au service de l’économie.
Pour cela l’université, en s’affranchissant des coalitions d’intérêts des forces politiques et économiques, doit afficher sa neutralité et son autonomie réelle. C’est la condition de sa survie !
H.R.
Dr en statistiques; Dr d’Etat ès-Science Economiques;
Premier maire de Melloulèche…
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