Arrête d’attendre. Personne ne viendra te sauver…
- société
« Nous avons pour principe de nous adapter aux circonstances. Lorsque celles-ci commandent de ralentir notre progression, nous savons mettre un frein à notre avance, mais lorsqu’elles nous permettent d’accélérer notre marche, nous n’hésitons pas à accroître la vitesse. »
Habib Bourguiba 23 juin 1956.
Par Rejeb Haji*
Après avoir traité, dans un article précédent, des liaisons dangereuses entre croissance et développement et tiré les sonnettes d’alarme de notre soumission au FMI, il est utile, comme complément, de vulgariser la fiche technique des crédits alloués par cet organisme et de rappeler ses exigences pour notre pays. D’une manière générale, lorsqu’un pays se heurte à « de graves problèmes de balance de paiements à moyen terme en raison de faiblessesstructurelles » ou encore « à une croissance lente et une balance de paiement intrinsèquement fragile », le FMI peut apporter son concours au processus d’ajustement dans le cadre du mécanisme élargi de crédit (MEDC) (Fiche technique 10/4/2014).» Entre autres avantages, ce mécanisme offre un remboursement plus long que les autres accords. Il est, en fait, limité dans sa durée, trois années et le cas échéant une année supplémentaire, pour certains cas.
Les remboursements se font en douze versements semestriels égaux, se situant dans une période comprise entre 4 ans et demi et dix ans. Le recours à un programme d’ajustement structurel conditionne l’emprunt. Il est signé en fonction des besoins de financement du pays emprunteur, de sa capacité de remboursement et au vu de ses lienshistoriques avec le FMI. Les ressources engagées font l’objet d’une « commission d’engagement prélevée au début de chaque période de 12 mois sur les montants pouvant être tirés au cours de la période.» Le taux du prêt est lié au taux d’intérêt du FMI désigné par « taux de commission de base », qui est « lié aux taux d’intérêt de droit de tirage spéciaux.» Une commission de tirage de 50 points est perçue pour chaque montant tiré.
Pour la Tunisie d’après « Les questions-clés sur la Tunisie » (source FMI)le Conseil d’administration du FMI a approuvé un montant de 2,9 milliards de dollars qui sera débloqué par tranches sur une période de 4 ans. Le taux d’intérêt applicable est de l’ordre de 2%.Les raisons invoquées quant à l’intervention du MEDC sont entre autres le chômage qui dépasse les 30% chez les jeunes et les femmes, la faiblesse de l’investissement, les déficits budgétaires et commerciaux. L’accord, mis en place depuis 2016 insiste sur les réformes à mettre en place tel que des mesures fiscales comme « l’élargissement de l’assiette pour inclure les services des fonctions libérales » ou encore « des taxes sur les biens et services consommés par les ménages aisés comme les automobiles de luxe ».
Il est indiqué que« Le FMI et les autorités suivent de près les dépenses sociales » et des recommandations ont été faites à ce sujet mais non révélées. La note précise que l’équipe du FMI « a engagé les autorités à rendre opérationnel le plus rapidement possible la haute autorité de lutte contre la corruption » ;« la mise en place d’un identifiant social unique» ; « une nouvelle direction des grandes entreprises dont l’objectif est de recouvrir les « arriérés d’impôts et de douane qui représentent 6% du PIB ».L’accent a été mis sur la compression de « la masse salariale qui est passé de 10,7% en 2010 à 14,5% en 2016 ».
Elle représente, en effet, 50% de la dépense publique. Il est soulignéégalement ce qui suit « en travaillant en étroite collaboration avec l’équipe des services du FMI et d’autres partenaires extérieurs ( ?) plusieurs réformes essentielles sont désormais en place : le code des investissements et la loi sur les partenariats public-privé, l’amélioration du fonctionnement des banques publiques,…[en fin] le programme du gouvernement, dont les détails figurent dans le plan de développement quinquennal récemment adopté, demeure parfaitement aligné sur les objectifs du FMI. » Telle est la réalité du pilotage de notre économie. Elle dénote le résultat de décades de décadences accélérées, ces dernières années, par une incompétence notoire dans la gestion du pays.
Le politique et sa majorité de godillots a nui profondémentà la croissance et au développement. Le vent de fraîcheur, insufflé par la révolution,a été détourné en faveur et pour des intérêts particuliers sous des formes parfois indécentes et pour des raisons souvent peu justifiables. Seule la justice est capable de débusquer l’apparition d’une classe de nouveaux riches.Faut-il signaler que même les comptes de campagne politique n’ont pas encore été apurés ? Pourtant des partis politiques, avec des projets lucratifs inconnus, organisent des congrès fabuleux, sans contrôle par un organisme indépendant de leurs ressources. Des dotations des adhérents, proclament souvent leurs responsables !Il est vrai que les donateurs arrosent large pour avoir de l’influence et les derniers évènements des corrupteurs le prouvent, si besoin est.
Que faire, face aux ambitions effrénées des politicards et des lobbys ? Contrairement à d’autres, ayant eu l’honneur d’être le chef de cabinet de Mohamed Sayah, pendant des dizaines d’années, j’assume l’héritage de Bourguiba libérateur et réformateur. Sayah, malade aujourd’hui -que Dieu lui vienne en aide- aurait pu trouver avec d’autres, aux vrais problèmes de vrais solutions !
En admettant que l’époque de la gouvernance des partis uniques et des chefs charismatiques est révolue, ne laissons pas notre pays à la traîne sur le quai, alors qu’on est à l’ère du TGV et du numérique. Tout en étant en désaccord avec lui sur le socle des idées fondamentales qui doivent mener le pays vers le progrès, je me range du côté de Rached Ghannouchi qui dit que « la première étape était l’indépendance politique dirigée par Bourguiba qui a construit un Etat et réalisé de bonnes choses pour l’enseignement, la condition de la femme… Mais qui a échoué pour ce qui est de la démocratie et le respect de l’identité. »
Le temps est venu de compléter ce qu’a fait Bourguiba par la démocratie, la justice sociale et le respect
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