Arrête d’attendre. Personne ne viendra te sauver…
- société
Par Dr Rejeb Haji*
A l’ère du numérique, qui prend plein pied dans ce siècle, puisque tout est transmis à l’instantané, notre pays, plongé dans la mondialisation, ne peut être en dehors de son temps. Par « son dégage historique », il a initié une nouvelle manière d’être révolutionnaire mais dans le respect de l’autre, en paix et dans la concorde. Sa révolution, même si des forces rétrogrades commencent à en douter, fera du chemin.
La construction de ce qui a été défait, il faut l’assumer avec tristesse. Le pays a été souillé par le comportement de dirigeants politiques peu préparés à la relève et souvent sans capacité de pouvoir comprendre les Tunisiens. Il en est résulté des années de galère où tous les repères furent perdus. Une situation économique et politique préoccupante, où nul ne peut se faire entendre, a approfondi les affrontements pour la conquête du pouvoir.
Ce n’est plus un secret pour personne, aujourd’hui, que des conservateurs, alliés à des pseudo-démocrates se sont réunis, hors du pays, pour signer des accords de gouvernance. Alors que le pays est confronté à des difficultés économiques et sociales, rien n’a été fait pour préserver les institutions. Au lieu de corriger les carences, on a bloqué les réformes nécessaires. Au lieu de gouverner ensemble, on a cherché les règlements de compte. Au lieu de garantir les finances de l’Etat, on a cherché à vider les caisses. Ce qui intéressait les nouveaux venus d’horizons différents, d’exil ou souvent de prison, c’était se faire voir, occuper le devant de la scène. On s’en prend à tout, même les services de renseignement n’y ont pas échappé.
Le « copinage politique » était le choix voulu et instauré en programme. La compétence et le sens des responsabilités furent renvoyés aux calendes grecques. An nom de la révolution tout était permis. Oubliant qu’il n’y a pas de liberté sans un Etat fort et respecté. L’ouverture des archives livrera une vérité qui ne concordera pas probablement avec les témoignages et les indiscrétions, recueillis, çà et là, au gré de l’interlocuteur. De nouveaux riches se sont implantés dans le décor. De nouveaux assaillants se sont plantés dans l’Administration. Les tunisiens avaient d’autres préoccupations que de voir des déchirures et des luttes sans merci pour le pouvoir.
Le nouveau monde politique dont l’image s’est ternie plus rapidement que prévu, s’est engouffré dans des luttes inutiles. Une absence totale d’une feuille de route Peu de débats sur l’avenir du pays et de solutions pour ces centaines de milliers de chômeurs. Des gouvernements se succèdent mais les problèmes demeurent au point fixe d’avant la révolution. Les organisations existantes, les différents conseils et les groupements de toutes nuances se voient mis à l’index. Ils perdent de ce fait de nombreux talents et de nombreux appuis précieux.
Qui parlait alors de coup de force, criait au scandale et dénonçait l’appropriation du pouvoir par des conservateurs aidés par des pseudo-révolutionnaires ? Ils se sont arrogé le droit de démanteler la société et d’installer leurs militants dans les rouages de l’Etat, pour mieux asservir ces derniers. Devant le désastre qui s’annonçait et le réveil de la société civile, de nouvelles élections eurent lieu et une nouvelle gouvernance prit la relève. Un Président de la République et une Assemblée des Représentants du Peuple, comptant 217 députés, élue au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans.
L’élection a eu lieu au scrutin proportionnel dans le cadre de circonscription le 26/10/2014. Tout le monde se retourne aujourd’hui sur ces années écoulées d’amertume et d’insatisfactions de toutes sortes. Ces souvenirs, pas lointains, sont présents dans la mémoire du peuple qui a hâte de les oublier, en regardant devant lui et en pariant sur l’espoir. Difficile d’échapper à penser aux élections municipales qui arrivent et où il est difficile de prédire les résultats. Ils apparaissent comme des enjeux de politique nationale et malheur aux vaincus ! Il est à craindre qu’elles traduisent un désaveu du politique et une sanction contre l’incohérence des partis, leurs chamailleries internes, leurs divisions étalées sur la place publique et leurs incapacités à résoudre le quotidien du peuple en offrant des solutions au chômage et à l’insécurité. Le retour du slogan « N’est pas Bourguiba qui veut » revient en force. Le Président Béji CaïdEssebsi n’est pas Le Président Bourguiba. Loin s’en faut. Triste moment de vérité.
S’il est vrai que la politique porte en elle une part de comédie, de mise en scène, elle est devenue au fil des temps, par le biais du développement des médias, un véritable spectacle.
A l’instar de sa révolution, la Tunisie va-t-elle construire dans le présent une histoire originale ?
Le passé a certainement une influence sur nos idées et nos comportements. La Tunisie qui désespère de ne pouvoir sortir de la crise qui la mine, attend une unité nationale forte et un souci de regroupements des partis qui lui redonnera un nouvel élan et un nouvel espoir. Notre actualité, ces dernières semaines, reflète une déprime collective. Nos gouvernants ne sont pas des professionnels de la politique. Des responsables politiques, journalistes ou prétendus experts en profitent.
En plus d’un populisme dangereux de certains opposants, des promesses à tout vent et des couacs ministériels qui s’additionnent, la remise en ordre et le renouvellement se font attendre. Une équipe restreinte de 15 ministres, comme nous l’avons déjà suggérée dans nos précédents articles, choisie loin des partis politiques, pourrait insuffler une bouffée d’air frais et mettre fin aux fantasmes ! Que de temps perdu pour la Tunisie ! Il suffit de regarder la France et comment elle s’en sort pour crédibiliser le politique. Des hommes et des femmes d’expérience triés sur le volet pour être ministres où en plus de la vérification de leur déclaration des revenus et de la déclaration de leurs impôts par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HAPTVP), « ils signeront un engagement d’intégrité et de moralité ». Quel bel exemple !
Une méthode à méditer et pourquoi pas à appliquer chez nous pour tous les hauts responsables? En faisant de l’éthique et de l’exemplarité, comme nous l’avons écrit dans nos différents articles publiés par La Presse, un marqueur, on mettra alors fin à la corruption, facilement généralisée, de nos jours, puisque devenue un sujet tabou !
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