Quand les « incivilités » envahissent l’espace public, quand on s’en plaint et qu’on en souffre, il est sans doute nécessaire de comprendre pourquoi on a tant besoin de cet art de vivre ensemble, de ce ciment des relations sociales qu’on appelle la « politesse » ou le « savoir-vivre ».
Pourtant, à première vue, il ne s’agit que d’un ensemble de règles proposant des modèles de conduite pour toutes les situations. Ce type de code existe dans toutes les cultures. Prévoyant ce qu’il convient de faire en toutes circonstances, en ville comme au travail, il facilite en effet les rapports interpersonnels, prévient les hésitations, sauve de la gêne. Il permet ainsi à chacun de trouver sa place et de faire bonne figure devant les autres. Ne dit-on pas que la politesse est « l’huile dans les rouages » des relations sociales ou d’une personne agréable à fréquenter qu’elle « a du savoir-vivre» ?
En ce début du XXIesiècle, alors même que la lutte contre les « incivilités » prend quelquefois l’apparence d’une cause nationale, on oppose parfois le « respect » à la « politesse ». Mais l’apparition de cette nouvelle polarité ne résout rien : le respect des autres et le respect de soi forment depuis toujours le socle de la politesse à tel point que, dans une forme métonymique, il la représente tout entière. En exigeant le respect, on revendique la politesse. Les deux mots deviennent de quasi-synonymes. On a, encore une fois, deux mots pour un même objet.
Règles de politesse qui doivent structurer notre univers social :
- PARTAGER L’ADDITION Dans un monde idéal, l’addition est partagée à parts égales pour éviter qu’elle ne soit un sujet de discussion amère à la fin du repas. Il est important d’aviser le garçon de table de l’intention du groupe à ce sujet avant qu’il ne prenne la commande. À l’issue du repas, chacun glissera sa carte de crédit ou son argent dans le facturier.
- RECEVOIR AU RESTAURANT Si vous invitez une ou plusieurs personnes au restaurant, vous devez régler l’addition. Il est important de dire aux gens que vous réunissez pour la circonstance qu’ils sont vos invités. Si vous êtes un habitué du restaurant, il est conseillé de prévenir le maître d’hôtel en arrivant que c’est vous qui réglerez la facture.
- LUI ET ELLE EN GÉNÉRAL En toute circonstance, l’homme qui a pris l’initiative d’inviter une femme au restaurant règle la note.
- ELLE ET LUI EN AFFAIRES La réputation des femmes qui ont convié un homme à un repas d’affaires est plutôt négative : prétendant vouloir payer, elles s’abstiennent d’insister quand l’homme propose de régler la note. C’est à la femme qui a lancé l’invitation de se montrer ferme et de payer l’addition.
- Le sens de l’esthétique peut prendre différents noms – élégance, distinction, charme, goût, chic – quise confondent et se recouvrent dans le discours du savoir-vivre. Mais quel que soit le nom qu’on luidonne, il obéit à quelques principes fondamentaux.
- Dans l’univers du savoir-vivre, les gens sont essentiellement identifiés par un statut (sexuel,professionnel, social). Et ce qu’on y appelle « identité » n’est pas ce qui fait de chacun un êtreunique, mais ce qui permet de le situer dans une « catégorie sociale».
- La fréquence et la durée. – Du côté de la fréquence, c’est essentiellement la discrétion etl’espacement qui régulent la convivialité : on ne rend pas trop souvent visite à ses voisins, on nesubmerge pas ses amis ou ses collaborateurs de messages. En revanche, il est des obligationssociales auxquelles on doit se soumettre chaque fois qu’il convient de les accomplir : on présente sesvœux chaque année, on souhaite chaque anniversaire, on remercie pour chaque invitation, on répond à chaque lettre que l’on reçoit.
- L’arrogance est une attitude détestable, associée à la prétention ainsi qu’au mépris. Les arrogants, insensibles à autrui, sont à éviter. Si vous êtes forcé de les côtoyer, ne cherchez pas à les séduire car, vous sentant faible, ils chercheront inévitablement à vous humilier.
- À l’époque des carrosses, traîneaux et autres véhicules à plancher surélevé, les femmes devaient s’appuyer sur le bras d’un homme pour, à la fois, tenir leurs jupes, grimper sur le marchepied et s’asseoir. Quand les premières voitures automobiles apparaissent, au début du XXe siècle, les femmes portent encore des jupes longues, les voies carrossables sont boueuses et le plancher des voitures est encore bien Les hommes continuent de tenir la portière pendant qu’elles s’appuient sur leur bras et, quand ils raccompagnent une femme, ils s’assurent qu’elle soit bien rentrée chez elle avant de s’éloigner.
- Malgré le temps écoulé, l’homme continue d’ouvrir la portière et de la tenir ouverte tant que la femme n’est pas assise. Il peut, avant de refermer la portière, lui tendre l’attache de la ceinture de sécurité. Quand elle s’apprête à descendre de voiture, il vient ouvrir la portière et tendre un bras comme appui pour l’aider à quitter le véhicule et à se redresser.
Tout à la fois ensemble de règles de comportement, et code relationnel, le savoir-vivre aborde de multiples aspects de la vie sociale.
La morale : en valorisant la générosité ou la modestie contrel’égoïsme ou l’arrogance.
L’esthétique : en préconisant, par exemple, l’harmonie et la mesure.
L’hygiène : en incitant à se laver chaque jour, à surveiller son haleine ou à se tenir droit.
Ces valeurs elles-mêmes sont organisées et reliées les unes aux autres par quelques grands principes transversaux comme le respect ou l’équilibre. C’est l’existence de ces principes qui donne sa cohérence profonde au savoir-vivre. Lorsqu’on les examine de près, on constate d’ailleurs qu’ils ne sont pas arbitraires. Ils apparaissent comme des réponses éthiques et fonctionnelles aux nécessités de la vie en société.
Et c’est en considérant ces nécessités et en analysant les besoins et les enjeux inhérents aux relations sociales qu’on peut comprendre les fonctions, la logique et la portée des règles de savoir-vivre
F.M