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Je suis jeune !!

  • Je suis jeune !!

 
Le réveil sonne.
Machinalement, j’enfile mes lunettes et tends le bras ! D’habitude je me lève et je me dirige vers mon lavabo, mais là j’avais une envie oppressante d’écrire, de voir des lettres noires ce dessiner sur ce fond numérique blanc.J’ouvre la fenêtre de ma chambre qui donne sur une artère principale de la ville, la mouvance de la populace dégage un malaise frustrant qui règne sur le paysage. Je jette un coup d’œil sur le lycée de l’autre côté de la ruelle, et puis, je divague. Depuis longtemps, je me vantais d’avoir toujours posséder tous les paysages possibles qui se présentaient à moi, mais là, sept ans après la révolution,  j’ai l’impression que les choses ne s’arrange pas, pour cette jeunesse.
Je ne voulais que ce papier prenne l’allure d’une critique abondée de chiffres, ou encore d’une tribune enflammée contre le renoncement des hommes et des femmes qui font la politique pour et surtout contre nous. Non,  j’avais envie de rendre hommage à la jeunesse, à ses imperfections, à son sens de la provocation, à l’ennui que lui inspire ce monde. Ce monde qu’elle rejette sans toujours prendre la peine de comprendre ou de dire pourquoi.
Cette jeunesse qui n’a jamais été si éduquée comme il le fallait, victime de tous les choix dérisoires des politiciens.Rebelle. Elle l’est tellement, qu’elle refuse de lire nos journaux, à se plier servilement aux petites règles de la domination (paternelle, sociale ou autre). Elle est super connectée et crée, dans des cantons où elle est chez elle, d’incroyables concepts. Elle maîtrise la vidéo, les médias, le code informatique, des sous-cultures extrêmement riches et originales. Pour une part, elle connaît le cinéma, la musique, la danse. Elle dessine, joue d’un instrument, écrit, parfois. Elle est imaginative et se délivre à elle-même des savoirs fondamentaux via la vulgarisation, la banalisation des idéaux. Oui elle se trompe parfois, oui elle ne lutte pas comme on pourrait l’attendre, face à certains fléaux. Oui elle rejettetrop durement et ne comprends pasce que veut dire partis, syndicats, constitution, parlement et dénigre tout ce vieux monde. Mais chaque jour, elle est une source d’inspiration renouvelable et incontestable. Chaque jour elle m’étonne et je découvre chez elle de belles et grandes choses. Il lui manque certainement les repères, la perception de jalons susceptibles de lui donner la ragede pouvoir briser les chaînes qui retiennent toute une société au sol.
De l’autre côté de la rive, il y a ceux qui font la politique et qui la font très mal.Pourtant, Il serait temps de dialoguer avec cette jeunesse, d’essayer de la comprendre. De lui laisser de vastes espaces d’expression sans lui souffler à l’oreille ce qu’elle peut ou ne peut pas dire ou faire comme à l’image de nos plateaux télés.
Cette jeunesse qui déborde d’imagination, est capable d’ériger des ponts vers un autre monde, une autre civilisation peut aussi nous débarrasser des fantasmes de la vieille garde des doctrinaires. Notre jeunesse qui est apte à envahir des places, ressuscite l’utopie de ses cendre, se débrouille parfois pour échapper à cette usurpation de l’identité, à ce malaise galvanisé instauré par le système. Cette jeunesse a inventé une nouvelle sphère où tout est possible. Une nouvelle sphère codifié selon sa guise et qui incarnent sa douleur de vivre  mais qui nous bouscule quant à son aspiration à vivre autre chose. Elle sombre parfois trop facilement dans une forme de nihilisme légitimement critiquable (qui se manifeste parfois par les suicides). Mais être jeune c’est aussi cela. C’est être en perpétuelle recherche d’unevoie, c’est tâtonner, expérimenter, se tromper, trébucher même. Mais une fougue, une énergie, une soif de s’éveiller font qu’elle ne renonce que rarement, quand les circonstances la brise. Ce qui est sûr, c’est qu’elle ne veut pas du monde que nous sommes en train de lui léguer, de lui imposer. Elle marche à reculons pour ne pas sombrer trop vite dans ce maléfique tourbillon de l’habitude, des coutumes et des meurs, en un sens donc de « l’absurde » comme l’a soutenu Camus quelques décennies auparavant.
Pour ainsi dire tout est de notre faute. Aujourd’hui, il faut trouver le moyen d’établir une connexion, un terrain d’entente entre elle et nous. Nous qui avons des structures intellectuelles désuètes, une expérience de la lutte ronger par le temps, un héritage génétique du combat dépravé,  et nous sommes incapables de mettre des mots et des concepts sur les aspirations de cette dernière. Si seulement on trouvait le moyen de s’ouvrir à cette jeunesse intérieurement révoltée, controversée mais intensément révolutionnée.  Alors nous n’aurons plus peur d’exiger l’impossible. Nous devons cesser de ne penser le bonheur que de manière ratatinée, meurtris que nous sommes par nos renoncements en cascade. Notre jeunesse grimpera alors les barricades à nos côtés et plus rien n’empêchera l’avènement de la lumineuse aurore. Mais osons lui dire d’abord et simplement, avec la force et l’honnêteté que cela réclame : « Oui, vous avez le droit d’être exigeants ».
Par Emna Khelifi

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