- société
Par Emna Khelifi –
« N’oublie jamais que lorsque tu voudras faire quelque chose tu auras contre toi ceux qui voulaient faire le contraire, ceux qui voulaient faire la même chose et l’immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire. », me disais tout le temps mon père.
Et oui, le temps passe et il nous reste tant à vivre, tant à apprécier. Tant de tant mais si peu de temps. Regarder un paysage et souhaiter que cette seconde dure toute une éternité. Ou souhaiter que l’éternité ne dure que cette seconde, nous ne savons rien. Nous aimons la vie, non pas pour ce qu’elle est vraiment mais parce que nous croyons qu’on a tous une bonne étoile, sauf que des fois elle est bien planquée. Certaines même plus que d’autres, il faut aller les débusquer. Parfois, ça prend du temps quand nous faisons trois fois le tour du ciel. Mais si nous cherchons, c’est que nous avançons forcément et à mon avis, c’est l’essentiel.
Je fais partie de ceux qui pensent qu’il n’y a pas de barrières infranchissables, grâce aux dires de mon père quand j’avais à peine 9 ans. Il faut y croire un peu. Y’a bien des fleurs qui poussent dans le sable.Et parce que nous aimons à sentir le vent souffler sur notre visage. Nous aimons voir le sourire d’un enfant envahir le monde au rythme des remugles enivrants du parfum capiteux d’un quartier populaire. Nous aimons fermer les yeux et respirer de petits souffle ou seblotinner en pensées dans les bras confortables de la nature, nous nous réveillons chaque beau matin. Le monde est vraiment beau, quelque part, il est appréciable, dans le coin d’une pensée douce ou d’un souvenir tendre. Dans un rayon de soleil qui vient frapper à notre fenêtre crasseuse et berce les chants d’oiseaux qui nous parviennent de l’arbre, l’unique arbre que nous puissions voir depuis notre chambre. Nous nous sentons brusquement joyeux, comme ça, sans aucune raison. Chaque bouffée d’oxygène est comme une gorgée du plus pétillant des champagnes. Lorsque nous nous laissons un peu aller, lorsque les noirs cafards viennent tisser leur cocon dans les méandres de mon désespoir, une gorgée d’eau nous rappelle immédiatement les délices de l’existence. Nous aimons l’existence. Nous avons choisi d’épouser la vie et nous voilà unis jusqu’à la mort.
Ces étoiles qui brillent dans le ciel le soir. Le bruit des chutes d’eau perdues au fond des forêts équatoriales.Le crépitement du feu de bois comme nous aimons entendre les premiers accords de Smoke On The Water sur une vieille radio dans un bistrot perdu au bout du monde, enfin juste un peu avant, au fond sur la gauche.Quelques fourmis disputent une miette de pain aux mésanges charbonnières. Nous aimons les mésanges. Elles sont belles. Les fourmis aussi, c’est passionnant. Un brin d’herbe, c’est l’univers. On peut passer sa vie à le contempler, à l’étudier avant de se rendre compte qu’il y a une deuxième face. Encore mieux ! Encore plus de choses.
Alors moi je lève les yeux vers les étoiles, ces gigantesques boules de gaz qui se consument dans l’infini du vide. Je pense à la terre, minuscule, sur laquelle je me tiens et qui tourne vainement dans le néant le plus abrupt. Sur cette planète, je touche les arbres, les feuilles. Chacun est composé d’un million d’atomes, d’un milliard de particules issues de processus complexes qui ont mené à la vie. Soudain, il n’y a plus de mystères, plus de bien, plus de mal, plus de jugement, plus de peurs, plus de craintes. Il n’y a plus que le fruit d’un milliard de hasards dans un univers parmi des millions. Et sur une fraction infime d’espace, après un temps infiniment long, il n’y a plus que moi, seul avec mon angoisse au milieu de l’infini, poussière parmi les poussières, minuscule parmi les atomes.
Les pessimistes disent que la vie est une épreuve. Les optimistes, au contraire, soutiennent que tous les bonheurs valent bien quelques petits problèmes de temps en temps. Moi je maintiens que la vie est simplement deux fois trop courte. Alors aimons là comme elle se présente à nous. Aimons la vie, elle est tellement belle.