- société
Par JAMEL SABER
Dans la déclaration finale du 10ème congrès du mouvement islamiste Ennahdha rendue publique le 25 mai 2016, le mouvement annonce à tort, avoir pratiquement balayé tous les arguments qui font du parti une composante intégrante de l’islam politique. Selon le vice-président du mouvement, Ridha Idriss le mouvement sera désormais spécialisé en politique et léguera la réforme religieuse aux composantes de la société civile. Et que les principales priorités du parti pour la période à venir seront axées sur l’instauration des fondements d’une économie émergente, d’une société solidaire et d’un développement durable ainsi que sur la mise en place du reste des institutions constitutionnelles.
Pour positiver, à priori je veux bien y croire, et avoir le préjugé favorable sur cette déclaration finale de ce mouvement dont Ghannouchi a été reconduit pour 4 ans à la Présidence, avec un score stalinien de 75,6%, le “Sheikh » n’était vraiment pas très loin des scores avec lesquels Bourguiba se faisait élire à la tête du PSD et pareil pour Ben Ali au RCD. Poste de chef qu’il occupait depuis 34 ans, certains avancent même 42 ans soit autant que Kadhafi à la tête de la Libye . Mais pour se faire et pour que je puisse « avaler cette couleuvre », du genre qu’Ennahdha est devenue un “parti politique civil”, je soulève quand même mes conditions suivantes à Ghannouchi et/ou Ennahdha, ceci pour en être convaincu :
1/ « Annuler solennellement et en public, le serment d’allégeance et de fidélité faite par Ghannouchi au cours de la saison du pèlerinage en 1973, à Hassan El Houdhaybi, le guide suprême des Frères musulmans (FM), ceci en son nom personnel et au nom de ses frères dans la mouvance (Jamaa) islamique tunisienne » (MIT).[ 1 ]
2/ « La rupture avec la prédominance de la réglementation centralisée et sa suprématie sur les idées ».[ 1 ]
3/ « La rupture avec la domination de la pensée traditionnelle toute proche du salafisme, et une approche fondamentaliste qui consacre les tendances d’un islamisme takfiriste et réactionnaire, avec absence de toute jurisprudence intellectuelle locale qui coupe avec les idées importées venant du centre de décision de la confrérie ».[ 1 ]
4/ « La rupture avec la domination du «Leader guide » Ghannouchi du mouvement islamiste tunisien, tout comme la plupart des FM et des groupes islamistes « non-confréristes » sont de nature « Patriarcale » ils sont fondés sur l’influence du «Père / Sheikh » qui est le détenteur de l’argent, de l’organisation et des relations, une autorité dont les conseils et les idées du « Sheikh-Patron » prennent l’allure d’instructions et de décisions d’orientation indiscutables « .[ 1 ] Bref un genre de “gourou d’une secte”.
5/ Ennahdha doit se diriger vers une réelle « tunisification » coupant ses liens intellectuels et organisationnels avec les FM dans la pensée et dans l’organisation. Abandonner donc totalement l’organigramme pyramidal et les dénominations confréristes de « Majless Choura », « Tazkiaa » « Sheikh » et autres .
6/ L’adoption d’une séparation nette et formelle entre « la politique et la religion », celle actuelle entre « la prédication et le politique » au sein du mouvement , ne fait pas d’Ennahdha un parti civil, bien au contraire, c’est qu’un simple partage de rôles avec les associations islamiques coraniques qui lui sont intimement liées, notamment pour les apports de financements en devises, ceci sous forme de vases communicants entre elles, et aussi pour la mission de prédiction.
7/ Rupture totale et définitive avec les autres succursales internationales locales de la confrérie des FM, dont «the European Council for Fatwa and Research (ECFR)», «the International Union of Muslim Scholars (IUMS)», l’organisation internationale des Frères musulmans», et surtout celle du mouvement islamiste palestinien du Hamas. Sans oublier sa démission exigée de la vice présidence de « l’organisation internationale des Frères musulmans », même sous sa nouvelle appellation actuelle sous la Présidence du gourou de la secte Karadhaoui, ceci pour détourner l’attention publique, mais surtout échapper aux interdictions internationales contre cette confrérie internationale des FR , accusée de terrorisme par plusieurs pays arabes et occidentaux .
8/ Rupture totale et définitive aussi avec les Ligues de protections de la révolution, et toutes autres organisations para militaires locale ou internationales, sans oublier les salafistes en général, toutes tendances confondues.
9/ Ghannouchi doit aussi annoncer en public l’abandon définitif de l’emploi de nouveau, de la force armée contre l’État pour conquérir ou garder le pouvoir. Dissoudre aussi totalement et définitivement la présumée “branche armée souterraine” d’Ennahdha. Sachant au passage qu’Ennahdha avait déjà eue recours à la violence armée. Ainsi en 1994, Ghannouchi expliquait cette tentative de coup d’État du MIT prévu pour le 8 novembre 1987 : « Quant à la tentative [de coup d’État] militaire, elle n’était qu’une initiative pour faire face à un régime qui avait déclaré qu’il voulait éradiquer le mouvement […] Ce plan [de tentative de coup d’État] s’est mis en route en-dehors du mouvement et en l’absence de la plupart de ses institutions, bien que certains éléments de la direction y aient pris part. »
10/ Les sympathisants et cadres d’Ennahdha doivent abandonner totalement et définitivement ce discours de haine salafiste “takfiriste” qui divise le peuple tunisien entre islamistes et laïques, ceci via les paroles et actes, mais aussi les médias TV, radios, journaux les divers réseaux sociaux et le web. Mais aussi l’utilisation du signe de « Rabaa » en public chez nous ou à l’étranger, à prohiber d’office.
11/ « Découdre » la mise en place depuis 2011 du « Tamkin » (arabe : التمكين), qui fait partie de l’idéologie des « Frères musulmans » et qui consiste à l’islamisation complète de la société et à l’installation définitive du parti islamiste au pouvoir. Sachant que ses objectifs consistent à l’infiltration avec des dizaines de milliers de khwanjias, des couches populaires à travers les mosquées, les prédicateurs et le contact direct afin de les mobiliser en soutien au mouvement islamiste dans les manifestations, les mobilisations populaires et les élections. Mais surtout la mainmise sur tous les appareils stratégiques de l’État comme les médias, la justice, la police, l’armée et la haute administration (islamisation de l’État).
12/ Abandonner les alliances douteuses contraires aux intérêts nationaux, avec certains pays étrangers, et/ou personnalités et associations étrangères, sur des objectifs non avoués, qui leur permettent d’avoir le champ libre pour mener leur politique à l’interne ou à l’externe.
13/ Stopper de suite l’emploi de centaines de réseaux de djhadistes tunisiens partant combattre en Syrie ou ailleurs. Inciter les terroristes de Daech d’origine tunisienne, combattant à l’étranger de déposer les armes, et de rendre compte de leurs crimes devant la justice.
14/ Ghannouchi doit également remettre en cause certains de ses ouvrages et déclarations écrites et/ou verbales, qui font l’objet de critiques de fond sur sa pensée anti-progressiste et stigmatisant la laïcité. Sa rédemption en public est exigée de suite. Demander pardon au peuple tunisien pour ses erreurs passées, ceci dans le cadre d’une réconciliation nationale globale.
15/ Abandonner définitivement la mise en œuvre de la stratégie existante depuis 2011 via les milliers d’associations islamiques et coraniques, de noyautage des institutions populaires existantes, ceci pour le recrutement de nouveaux disciples. Sachant que les Frères, conscients de vivre en « terre d’impiété », s’implantent dans l’espace public pour amener à terme la transformation en « terre d’islam khwanji ».
16/ Accepter d’interdire comme au Maroc les hommes religieux de parler des affaires publiques et d’intérêt général, surtout de faire de la politique dans les mosquées lors des prêches et autres. Pour se faire mettre en place un contrôle systématique des contenus des prêches, à la limite par caméras vidéos surveillances.
17/ Accepter d’interdire à tout homme politique d’utiliser la religion dans ses discours écrits et actes. Leurs interdire surtout les prêches religieuses dans les mosquées ou ailleurs. L’exemple des actes en rapport commises par Ghannouchi et Mourou sont à proscrire dorénavant.
18/ Revenir aux méthodes de fonctionnements et de gestions des mosquées d’avant la révolution. Le gouvernement doit contrôler toutes les mosquées et payer le salaire des imams. Garder toujours ces bonnes pratiques de la loi n° 88-34 du 3 mai 1988 sur les mosquées, qui édicte que seuls les imams payés par le gouvernement peuvent exercer dans les mosquées, et qu’elles doivent être fermées en dehors des horaires de prière ou des cérémonies religieuses comme les mariages et les funérailles. Les nouvelles mosquées construites deviennent la propriété du gouvernement. L’enseignement de l’islam aura lieu dans les écoles publiques, par un personnel qualifié sous contrôle du Ministère des affaires religieuses (MAR), et de celui de l’Education nationale.
19/ Interdire aux imams et autres intervenants dans les mosquées, d’appartenir à une instance syndicale, et surtout d’utiliser l’enceinte de la mosquée pour des réunions syndicales, le cas d’expulsion de cet imam Jaouadi de la Grande mosquée de Sfax en est un exemple flagrant, pour ses graves dérives.
20/ Tous les établissements religieux doivent être sous tutelles du MAR, comme « l’Institut supérieur des sciences religieuses » et le « Centre de recherches et d’études pour le dialogue des civilisations et des religions comparées ». Ordonner de suite la fermeture de tous autres établissements ouverts en post-révolution, ceci pour vérifier au préalable sa conformité à la loi.
21/ Dissoudre et fermer de suite les milliers de jardins d’enfants et crèches et autres écoles coraniques en services en post révolution, sans oublier les plusieurs centaines d’associations islamiques suspectes qui les financent. Faut une révision immédiate du décret-loi N° 2001-88 du 24 septembre 2011, relatif à l’organisation des associations, pour plus de contraintes et de sévères contrôles surtout financiers, ceci pour l’origine et les montants de l’argent qu’elles reçoivent. Ceci en rapport avec l’interconnexion évidente entre ces associations, les partis politiques islamiques et le terrorisme.
22/ Comme l’islam sunnite en Tunisie est considéré comme la religion officielle, et comme la plus part des tunisiens sont sunnites, aussi obligation est que pour les musulmans seul le rite malékite est de vigueur chez nous, et qui se caractérise par sa souplesse et aussi par son ouverture sur la réalité. Faut donc interdire toutes les autres « orientations » comme le chiisme, le wahhabisme et autres, ceci pour éviter les conséquences fâcheuses de l’extrémisme islamique de part et d’autres, avec un facteur risques de « Fitna » chez nous. Paix sociale oblige.
23/ Révisions des lois sur les partis politiques, associations et sur les mosquées, ceci pour les rendre plus restrictives en rapport avec la nette séparation de la politique et du syndicalisme avec la religion, et surtout de lourdes sanctions sous formes de fortes amendes pour les infractions, voire même la prison pour les graves délits .
A défaut de répondre à toutes mes conditions susmentionnées, je considère que dorénavant la dissolution via la justice est sollicitée, pour tous les partis politiques autorisés depuis 2011, et qui utilisent l’Islam dans leurs paroles et actes, donc qui se servent de la religion comme « fond de commerce » en Tunisie, dont Ennahdh et Hizb Ettahrir, ceci conformément aux infractions des articles n° 6-35 de la Constitution 2014 de notre 2éme République tunisienne, et de ceux n°3-4-17-18-19 du Décret-loi n° 2011-87 du 24 septembre 2011 organisant les partis politiques.
Quoique j’anticipe pour dire que “khwanji pour un un jour c’est khwanji pour toujours”, c’est indélébile avec le temps, c’est comme la lèpre en pire, c’est inscrit dans l’ADN, y’a donc rien à faire pour que ça change pour eux avec le temps, comme tous les dogmes totalitaristes. Sachant qu’en général les gens coulés dans le moule islamiste pendant quatre longues décennies de changer soudain de moule et de se faire couler de nouveau dans le moule démocratique, c’est impossible. Bref c’est le coté obscure de mon beau pays, et il faut s’y faire conformément aux lois de République en vigueur et aux respects des minorités.
Au finale faut le dire clairement que « l’islamisme modéré », cela n’existe pas, et se trompera celui qui pensera le contraire, et pour cause le slogan pour eux c’est comme toujours : » Le Coran et la chariaa sont la solution « , et ils changeront pas d’un iota pour ce dogme. Donc avec les khwanjias c’est toujours “noir ou blancs”, les différentes “tonalités de gris” utilisées par eux c’est qu’un leurre, pour crédules. Suite à quoi je considère que les acrobaties sémantiques de Ghannouchi s’efforçant de nous expliquer qu’il ne s’agit pas de séparation entre le politique et la prédication, mais de « spécialisation » sont révélatrices de l’extrême difficulté des islamistes à changer, et à se métamorphoser. Cette période de transition, celle de mi-parcours lors de ce 10éme congrès d’Ennahdha est donc insuffisante, voire inutile, c’est donc une grossière arnaque, une de plus, de Ghannouchi pour tromper son monde .
Liens sources [1 ] – Livre de Mondher Beldhiafi, « Ennahdha: la fugue du temple des Frères Musulmans » rédigé par notre ami Ahmed Nadhif: http://rsistancedespeuples.blogspot.com/…, a été traduit de l’arabe par Habib Toubib.