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« Tous les garçons, au moment où ils commencent à vivre leur sexualité, sont dans la précocité. Ils passent une grande majorité de leur adolescence dans le fantasme. Ils en discutent entre eux et généralement cela donne des récits relevant du mythe. Donc, au moment où ils concrétisent, ils ont du mal à partager leur plaisir. Ils sont dans l’extase, la passion et la découverte. On va dire que cela se comprend un peu. Mais avec l’exercice, on dépasse ce genre de ‘mauvaise technique »
C’est comme cela que le problème nous a été exposé par Ahmed, un adulte de quarante-sept qui estime que l’éjaculation précoce est juste une phase nécessaire et passagère de la vie sexuelle masculine. Pour lui, ce phénomène reste récupérable au dépend de la fréquence des rapports sexuels vécus par la personne. Mieux encore, Ahmed a assuré avoir souffert de l’éjaculation précoce pendant les quatre premières années de sa vie sexuelle. Il a expliqué qu’au moment où il s’est casé, ce problème a complètement disparu. « Cependant, j’ai eu ce problème trois fois durant vingt de mariage. C’était lié à un problème de fatigue et cela a bien frappé mon couple pendant un moment. Je n’ai pas eu à consulter un spécialiste parce que cela m’est vite passé mais si cela était devenu une habitude, je n’aurais pas hésité une seconde à le faire. »
Cela n’est pas le cas de tout le monde, comme nous l’a assuré Amine, avocat ayant la quarantaine. En effet, Amine nous a expliqué qu’au moins 30% des affaires de divorces qu’il traite sont causé par des problèmes sexuels en général et par le problème de l’éjaculation précoce en particulier.
« Les problèmes sexuels causent beaucoup de cas de divorce, beaucoup plus qu’on le pense. Généralement, l’homme refuse d’admettre l’existence d’un problème et même quand il s’en rend compte, il se refuse catégoriquement à l’idée d’aller consulter. Cela se développe très rapidement et c’est la femme, le plus souvent, qui prend la décision de mettre terme à la relation. Sur le plan juridique, c’est un cas de plus en plus fréquent. Personnellement, j’ai eu ce problème à quelques reprises, ce n’était pas chronique, mais j’ai tout-de-même pris la peine d’aller consulter un sexologue et jusqu’à présent, je n’en ai plus souffert. »
Qu’en est-il du côté des femmes ?
Pour Najwa, âgée de trente-cinq ans, le problème de l’éjaculation l’a accompagnée pendant les cinq premières années de sa vie sexuelle.
« Je me suis mariée à l’âge de vingt-cinq ans. Mon ex-mari avait ce problème et refusait d’en parler. Il faut dire qu’à l’époque, moi-même je ne comprenais pas trop comment cela fonctionne. Cela a duré pendant cinq ans. Je n’ai jamais eu du plaisir. Au tout début, je n’y faisais pas attention mais par la suite, cela commençait à avoir des effets sur mon humeur. C’est au cours d’une discussion avec deux de mes amies qui venaient de se marier que j’ai commencé à comprendre ; je n’étais pas satisfaite. Après une longue hésitation, j’avais fini par lui en parler. Mauvaise idée, il l’avait très mal pris et m’a traitée de tous les noms. C’est à ce moment que j’avais pris ma décision et que je l’ai quitté. Depuis, j’ai eu quelques aventures et j’ai compris mon corps et ses plaisirs. Là je suis de nouveau mariée et jusqu’à présent, mon mari et moi n’avons eu aucun problème et je touche du bois. »
De son côté, Nedra estime que la femme a un grand rôle à jouer dans ce problème. « Tout d’abord je dois avouer que j’ai eu une vie sexuelle très active jusqu’à l’âge de trente-quatre ans. Au moment où je me suis casée, je l’ai fait avec un homme précoce et je le savais parce qu’on couchait ensemble avant le mariage. Mais, comme on dit, le cœur a ses raisons. Refusant, comme la majorité des hommes d’aller consulter, j’ai commencé à chercher moi-même de petites astuces et quelques conseils sur internet et les blogs spécialisés. Je lui donnais ces conseils discrètement, au moment de l’action. Petit à petit, le problème devenait de moins en moins fréquent. Cela nous arrive encore par moment, mais nous avons accompli un grand progrès. »
Les témoignages et les expériences sont diverses dans ce domaine. Le plus inquiétant et handicapant, c’est le fait que, comme cela est le cas pour la majorité écrasante des sujets sexuels, cela reste tabou…
Par Ghalia Ben Brahim