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Par Ghalia Ben Brahim
Après leur grand échec aux élections de 2014, les trois anciens présidents, Moncef Marzouki, Hamadi Jebali et Mustapha Ben Jaâfer, reprennent aujourd’hui le devant de la scène. Une reprise qui s’est faite en même temps ce qui a amené certains à se demander si cela était du calcul politique ou le pur fruit du hasard. Et comme le hasard et la politique se conjuguent très rarement, une analyse des trois démarches de ces trois anciens présidents nous semble être assez utile.
Moncef Marzouki ou l’éternel populiste
L’ancien chef de l’Etat a organisé, samedi dernier, le congrès de démarrage de son initiative intitulée Mouvance du Peuple Citoyen. Lors de cette conférence, Marzouki a présenté ses excuses au peuple tunisien pour son rendement, pendant presque trois ans, à la tête du pays. L’ancien président de la République a assuré avoir eu tort de ne pas avoir démissionné dudit poste à temps. Fidèle à son populisme, Marzouki a remis en cause l’Indépendance de la Tunisie en expliquant que cette dernière était exploitée, dans ses richesses, par des pays étrangers qui s’invitent même dans nos décisions internes. Tout en affirmant qu’il ne sera pas le président de sa propre initiative, Moncef Marzouki a assuré que la MPC ne sera pas un parti politique mais qu’elle agira dans le but d’aider le pays dans son redressement économique et social. Un réseau d’associations et d’organismes qui aura pour tâche de protéger les libertés et les intérêts révolutionnaires du pays. Difficile de croire en une pareille qualification vue l’atmosphère dans laquelle l’annonce de cette mouvance a été faite. On se rappelle tous du discours de ce même Marzouki le soir de l’annonce des scrutins de l’élection présidentielle. Devant une foule en hystérie et des émeutes sur le point de l’éclatement, MMM avait annoncé les couleurs de cette MPC qui cachait, à peine, une envie de revanche démentie bien plus tard. Une MPC qui vient compenser un CPR à qui on veut tout-de-même donner une dernière chance. Deux entités qui finiront par se fusionner pour ne former qu’un seul bloc ayant les mêmes principes de haine et de division.
Et pourtant, Jebali est encore réticent
Ayant les mêmes inquiétudes que Marzouki, Hamadi Jebali veut lui aussi fonder une nouvelle initiative. Lui non plus ne sait pas si elle sera partisane ou pas mais il sait par contre qu’il veut voir le maximum de leaders opposants se réunir autour de son ambition. Un front défendant libertés et diverses opinions, et ayant un but noble et désintéressée de tout ‘intérêt politique égoïste’. Là où Jebali se démarque de Marzouki, c’est au niveau de son rendement au pouvoir. Si l’ex chef de l’Etat a présenté son ‘autocritique’ et présenté ses ‘excuses’, l’ancien chef du gouvernement se félicite du sien et prétend être le sauveur de la patrie. C’est sûrement pour cela qu’il a assuré être réticent à la MPC, celle qui ne lui ressemble pas et à qui il n’adhérera certainement pas. Jebali cherche une indépendance depuis sa démission de son mouvement, mais il ne veut pas non plus énerver le chef suprême, Rached Ghannouchi. Etant considérée comme une tentative de récupération des bases nahdhaouies, la MPC est bannie des rangs des islamistes. Mais si Jebali veut parler libertés, il ne peut trouver de meilleurs alliés que Ghannouchi qui s’est dit même prêt pour défendre les droits des homosexuels. Si une conclusion des dernières déclarations de Jebali était possible, elle donnerait, à peu près, cela : je n’ai pas d’ambitions politiques, je cherche juste à protéger les libertés, mais cela ne me dérangerait pas de réunir autour de moi tous les leaders de l’opposition, maudite au temps de mon règne, bénie des cieux par les temps qui courent !
Ben Jaâfer, doucement mais pas très surement
Pour l’ancien président de l’Assemblée nationale constituante, les choses sont encore plus compliquées que cela. Mustapha Ben Jaâfer est en effet très lié à son parti, Ettakatol. De ce fait, il se trouve dans l’impossibilité de s’en défaire et d’annoncer, comme l’ont fait ses confrères, une initiative individuelle. Il a donc décidé de suivre les pas d’Al Jomhouri et de glisser dans le rôle de celui qui critique et conseille. Après une grande absence des feux des projecteurs, Mustapha Ben Jaâfer a fait une récente apparition médiatique au cours de laquelle il a ouvertement critiqué Habib Essid et son équipe gouvernementale. Pour lui, Essid ‘n’a pas le comportement d’un chef du gouvernement, le rendement de ses ministres reste insuffisant et leur programme, incohérent’.
Une analyse qui aurait été acceptable de la part de l’un de nos nombreux experts, ou de la part d’un politicien démarqué, connu pour ses positions étriquées. Mais de la part d’un président de l’ANC qui a passé presque trois années à réprimer la voix de ceux qui l’ont élu et à trahir toutes ses promesses, cela reste très peu crédible. Même si Ettakatol et Al Jomhouri ont annoncé la création d’un front de ‘la famille démocratique’, leur avancement reste presque inexistant. En attendant, la MPC et le front des libertés commencent à voir le jour. Mais rien de perdu pour MBJ et compagnie, puisqu’ils risquent tous les trois de ne jamais voir leurs projets se concrétiser.