
Par Hajer Zarrouk
Alors que les attentats meurtriers de Paris ont suscité une onde de choc dans la communauté internationale qui a condamné la mort de dix-sept personnes dont quarte grands noms du journalisme français, il semble que le sors du blogueur saoudien Raef Badaoui n’intéresse quasiment personne. Condamné à dix ans de prison, à 4 472 220 dinars tunisiens d’amende et à milles coups de fouets pour « atteinte à l’islam », Raef Badaoui a déjà subi le vingtième de la sentence, à savoir cinquante coups de fouets en public.
Aussi, à la douleur de la flagellation s’ajoute celle de l’humiliation dans l’un des rares pays où la justice applique encore la peine capitale dans les places publiques en guise d’exemple. Selon des témoins, le blogueur a été fouetté devant une foule de fidèles après la prière hebdomadaire devant la mosquée Al Jafali de Djeddah (ouest de l’Arabie Saoudite) : la première séance de flagellation a duré environ quinze minutes. Raef Badaoui est apparu enchaîné des mains et des pieds.
Un fonctionnaire des forces de l’ordre a lu devant la foule la sentence du tribunal. Le blogueur a ensuite été placé debout, dos à la foule, et l’exécuteur s’est mis à le fouetter. Rappelons, par ailleurs, que l’Arabie Saoudite a vivement condamné l’attentat de Charlie Hebdo en le décrivant comme un acte : « lâche qui est rejeté par l’islam comme il est rejeté par les autres religions ». Raef Badaoui est l’animateur du site internet « Liberal Saudi Network » contenant un espace participatif et un forum de débats dans lequel il prônait la liberté de conscience et de religion et dans lequel il critiquait la police religieuse saoudienne dans un pays régi par la charia et où l’islam est la seule religion reconnue.
Le cyber militant est également lauréat 2014 du prix Reporters sans frontières (RSF). Suite au procès du bloggeur qui a duré environ trois ans, la famille de Raef Badaoui s’est réfugiée au Canada, à Sherbrooke, où un petit comité de soutien s’est formé portant le slogan de « Je suis Raef Badaoui ». Si Reporters sans frontières et Amnistie Internationale ont réagi en annonçant : « Nous avons été très surpris par la confirmation de la sentence par la Cour d’appel lundi (…).
Même les pires terroristes n’ont pas reçu de sentence aussi sévère (…). Le seul espoir désormais est une amnistie royale ou que le ministère de la Justice forme un comité judiciaire juste. » (Déclaration de Souad Chammari), les gouvernements occidentaux ont timidement fait allusion à la cruauté de la sentence.
C’est ainsi que la porte parole de la diplomatie américaine, Jennifer Psaki, a insisté : «Le gouvernement des États-Unis appelle les autorités saoudiennes à annuler cette punition brutale et à réexaminer le dossier de Badaoui et sa condamnation ». Alliée stratégique des Etats-Unis et principal pourvoyeur de pétrole, l’Arabie Saoudite garde de bonnes relations avec le continent américain – et avec l’Occident en général- en dépit de ses multiples dépassements en matière des droits de l’homme.
A l’issue de l’application de la peine, Said Boumedouha, directeur adjoint d’Amnistie pour le Moyen-Orient et l’Afrique du nord a ajouté : «En ignorant les appels internationaux visant à annuler la flagellation, les autorités d’Arabie saoudite ont montré une indifférence odieuse vis-à-vis des principes de base des droits de l’Homme».