- société
Par Mohedine Bejaoui
La violence faite aux femmes pose des questions psychologiques, sociétales, sociales dans toutes les communautés, y compris dans les pays dits développés. Alain Legrand un psychanalyste expert ès qualité, affirme : « Les hommes qui frappent se justifient souvent ; parfois la larme à l’œil en disant : Elle m’a poussé à bout. Au bout de quoi ? Pour faire court, au bout, c’est l’inconscient. La violence est presque toujours liée à des blessures d’amour-propre, son utilisation est un moyen de reprendre le contrôle sur des évènements. Dans ces blessures, il existe des troubles de l’estime de soi, le plus souvent dues à des différentes formes de maltraitances dans l’enfance : un père dévalorisant, dur et autoritaire en est l’exemple type. C’est l’enfance qui resurgit et vient augmenter la tension éprouvée ». A. Legrand souligne que « Si l’homme se sent à bout, cela reste un argument du domaine de l’infantile. Il peut expliquer sa colère par la légitime défense mais pas par la décision de résoudre le conflit par l’usage de la force. Et puis, si elle a commencé ; si elle était agressive, humiliante pourquoi n’arrive-t-il pas à s’en séparer ? Toutes ces questions devraient faire l’objet d’un travail thérapeutique ».
Le face à face à huis clos parfois sordide entre le frustré qui devient violent et celle qui a peur et a honte est imbibé de la culture du pouvoir patriarcal où les sexes sont hiérarchisés en fort, et faible au détriment de la femme.
Sur le plan sociologique la question de la violence conjugale prend un autre accent, elle interpelle les rapports inégalitaires en général, les statuts sociaux, elle interrogé l organisation ses classes ou strates de la société. Dans les interstices des approches sociologiques, psychologiques, à la retombée des actes des colloques, une nouvelle législation semble venir au secours des « dominées ». Il persiste encore des zones grises, là où se tapit le diable, là où le silence assourdissant des agnelles déchire les consciences distraites.
Certaines femmes plus libérées que d’autres dérangent leurs concitoyennes. Elles dérangent parce qu’elles vont là où d’autres craignent de se hasarder au-delà des bornes, préférant rester là où elles ont composé avec la domination masculine, là où il ne faut pas transgresser les codes phallo-misogynes. Libres! D’accord, mais point trop n’en faut. Le compromis qu’ont trouvé certaines de nos compatriotes avec leurs maris, grands frères, fiancés pour compromettant, il permet néanmoins de sauver les apparences d’une modernité biaisée par une liberté admise, partiellement acquise. Les femmes réellement libérées sont de trop dans une transition bégayante qui n’est pas que politique, elle est profondément sociale, sociétale, psychologique. Ces femmes qui n’ont pas froid aux yeux sont le reflet d’un miroir déformant, contredisant une trop belle image qui se devait de rester dans l’intimité privée, privative des hommes, cloitrée entre quatre murs, de l’autre côté du miroir. Il n’est pas convenable de parader dans l’espace public où une fille voilée se cache un peu, une femme niqabée n’existe pas, engloutie dans le noir. Le corps de la femme, ses cheveux, sa voix, sa parole au-delà d’un certain seuil, dérangent les conservateurs, irritent certaines femmes qui se veulent -sincèrement- modernes tout en étant acculées au respect des limites acoustiques acceptables. Qui a dessiné ces limites du convenable? Les hommes qui ont progressé un peu, pas trop non plus. Alors il est naturel de prendre siennes ces contraintes pour atténuer l’inconfort des dissonances qui susurrent dans l’oreille de l’otage le syndrome de Stockholm: «Soit libre, mais tais-toi. Soit libre mais dis-le en sourdine (…..) A combien de décibels une voix de femme est tolérable ? ».
Silence ! On tabasse. Une fille s’est fait violer par des gardiens de la paix des ménages sous prétexte qu’elle était en situation indécente, l’autre qui prône le mariage des gamines : viol de l’enfance. Puis sont arrivés les Fatwas appelant au Jihad Ennikah pour de consentantes révolutionnaires ayant fait don de leurs corps à Dieu. L’émancipation de la femme est un processus réversible si on laisse faire. Les tunisiennes se sont bien battues ces trois dernières années, contre la Chariâ misogyne et liberticide, contre le projet de « complémentarité » au profit exorbitant de l’homme, contre la remise en cause du statut personnel unique au monde arabe, elles continuent à lutter contre la domination masculine, crient pour qui veut l’entendre « Ne me libères pas, je m’en charge ». Fortes des derniers succès, elles ont toutes les raisons d’y croire. Ce combat est une excellente nouvelles pour les hommes qui hésitent encore entre le machisme atavique et la liberté, une et indivisible. Il n’existe pas de pays où la femme est soumise à la loi du supposé plus fort, où un homme vit librement.