- société
Par HAJER ZARROUK
Quoi de plus difficile et complexe que d’aborder le sujet de l’éducation en Tunisie.
En fait, la question que je me pose est : par où commencer ? La situation générale de l’éducation est tellement précaire que je n’arrive pas à trouver l’angle à partir duquel je vais commencer cet article.
Déjà, un fait est là. L’éducation devrait être le problème numéro un dans notre pays car un pays qui ne prend pas la peine de réformer son système éducatif ne saura produire plus tard une élite, cette catégorie d’individus capables de produire, d’innover, de mener les institutions du pays, d’influencer sur la société et sur le processus de prise de décision.
Dire que le système éducatif tunisien est aussi stérile que défaillant n’est plus un secret de polichinelle. Et pour cause, nous remarquons d’année en année la médiocrité professionnelle du personnel enseignant et administratif, la médiocrité des programmes et, en conséquence, la médiocrité du niveau scolaire. Cet état des lieux fait que les familles tunisiennes aisées et moyennement aisées se détournent des institutions éducatives publiques et se ruent sur le privé ou bien sur les écoles américaine, anglaise et française. D’autres parents, moins fortunés, se donnent corps et âme pour offrir à leurs enfants l’occasion de s’inscrire dans ces institutions hors de prix ou bien se résignent à les inscrire dans les institutions publiques.
Outre la popularité croissante des écoles et des lycées internationaux ou privés, de plus en plus de tunisiens d’intéressent à des systèmes d’éducation alternatifs comme les écoles coraniques qui se multiplient, proposant un enseignement moyenâgeux et répandant le fanatisme dans l’esprit des jeunes générations. C’est dans ce contexte que la chambre nationale des crèches et des jardins d’enfants a organisé, le 2 juin, une conférence dans le siège de l’UTICA sur la prolifération des medersas et les déficiences qui marquent le secteur de l’éducation infantile. La conférence s’est par ailleurs déroulée en l’absence de la présidente de l’union et des représentants du ministère des affaires religieuses, c’est dire combien nos responsables se sentent concernés par les générations futures !…
A vrai dire, la chute du système éducatif en Tunisie s’est amorcée avec le gouvernement M’zali et sa campagne d’arabisation qui a engendré des générations de diplômés et non plus des générations de diplômés cultivés. La dégradation de la culture francophone, avouons-le, a été le premier coup de glaive porté au système éducatif tunisien : les élèves se cantonnent à un enseignement culturellement moins riche et diversifié et ne côtoient plus la pédagogie de Socrate et de Rousseau.
Plus tard, le gouvernement de Ben Ali a donné le coup de grâce à l’éducation tunisienne qui est devenue une usine à produire des diplômés : les concours primaire et collégial sont supprimés, l’objectif étant de massifier l’éducation et de suivre les consignes des organismes internationaux comme la Banque Mondiale qui allait jusqu’à dicter le nombre de bacheliers requis.
Du coup, on se retrouve aujourd’hui avec un système éducatif plus quantitatif que qualitatif et qui tarde à se faire réformer.
Les choses ne sont pourtant pas prêtes à changer, car même les gouvernements postrévolutionnaires ont déjà fait allégeance aux organismes internationaux qui tentent de standardiser les normes, dont celles de l’éducation, en vue de la création d’un système de gouvernance unique et mondialisé.