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La femme active au regard de la loi tunisienne : une « vache à lait »

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  • DROIT DES FEMMES

La femme active au regard de la loi tunisienne : une « vache à lait »

Par Hajer Zarrouk
Nul ne peut nier le statut particulier qu’occupe la femme tunisienne dans le monde arabe. Elle bénéficie en effet de plus de droits que ses consœurs du monde arabe, devançant ainsi la femme libanaise et marocaine. Que ce soit dans l’administration, dans l’éducation ou en politique, la femme tunisienne monopolise progressivement les espaces professionnels et institutionnels et accède à des postes clés longtemps accaparés par les hommes.
Pourtant, face à cette avancée sociale considérable, les lois tunisiennes concernant les femmes actives restent à la traîne et ne favorisent pas leur épanouissement professionnel et familial. Plus encore, tout semble indiquer que le champ législatif fait la politique de l’autruche et préfère ne pas penser à la question, et ce pour de multiples raisons principalement d’ordre économique. Cet état des lieux fait qu’il existe aujourd’hui une ambiguïté dans une législation qui octroie à la femme tunisienne les mêmes opportunités professionnelles que l’homme et qui, en même temps, limitent la parité en enchaînant les femmes à un dilemme cornélien : choisir entre le travail ou la famille.
C’est ainsi que le congé maternité payé ne dépasse pas généralement la période de deux mois. Suite à ce délai, l’employée reçoit la moitié de son salaire, ce qui pousse plusieurs jeunes mamans à « abandonner » leur progéniture et réinvestir le bureau. De plus, la maman qui s’accorde un congé pour élever un enfant de moins de 6 ans ou pour prendre soin d’un enfant « à charge » se voit retirer la totalité de son salaire.
Cette loi décourage la majorité des femmes et les pousse à composer entre une vie privée parfois dure et compliquée et une vie professionnelle épuisante et prenante. En somme, la plupart des lois sont faites pour priver les employées de leurs droits fondamentaux et pour assurer à l’employeur (l’Etat ou le chef d’entreprise) une rentabilité optimale.
C’est comme si le statut privilégié de la femme tunisienne justifie ces écarts et ces injustices.
Dans le monde développé, les réalités de la condition féminine sont pourtant tout autre. De nombreuses lois ont été promulguées pour permettre à la femme de satisfaire vie professionnelle et vie privée. Le congé maternité est de ce fait payé dans sa totalité malgré sa longue durée. Des entreprises privées et publiques ouvrent des garderies et des jardins d’enfants dans leurs locaux de sorte que les employées puissent être proches de leurs enfants.
Quant aux jeunes papas des pays scandinaves, ils bénéficient d’un congé paternité aussi important que le congé maternité, et ce pour être plus présents dans le foyer. On est donc bien loin du modèle tunisien « pionnier » et que « tout le monde envie »!
Cependant, il est à noter que toutes ces lois ont été votées grâce au combat des femmes occidentales pour leurs droits sociaux et au dynamisme de la société civile féministe dans ces pays. Sans ce combat, la femme occidentale serait, aujourd’hui, au même statut que la femme tunisienne, voire pire. Aussi, il ne faut pas que les femmes tunisiennes attendent un « deuxième Bourguiba » ou un tiers pour affirmer leur droit à conjuguer équitablement entre travail et famille, mais qu’elles revendiquent ce droit haut et fort et qu’elles prennent personnellement l’initiative de faire avancer les choses.

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