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Il en ressort un déséquilibre pour les femmes qui continuent à assumer plus que les hommes une grosse partie de la gestion familiale malgré leurs responsabilités.
Une étude de bpifrance Le Lab sur la façon dont les dirigeants et dirigeantes de PME-ETI vivent l’équilibre entre la gestion de leur entreprise et de leur vie de famille montre combien le quotidien est plus compliqué pour les femmes. Et le confinement a accentué ce déséquilibre.
Rares sont les études qui se penchent sur l’impact de la vie de famille dans les performances du chef d’entreprise . Bpifrance Le Lab a souhaité en savoir plus en interrogeant 1.640 dirigeants(e) s de PME-ETI (dont 13 % de femmes) sur l’équilibre entre vie de famille et vie entrepreneuriale.
Il en ressort un déséquilibre pour les femmes qui continuent à assumer plus que les hommes une grosse partie de la gestion familiale malgré leurs responsabilités. A noter que l’échantillon de Bpifrance est fidèle à la réalité, puisqu’elles sont 14 % à diriger une entreprise en France de plus de 10 salariés selon une étude de KPMG datant de 2013.
39 % ne peuvent pas s’appuyer sur leur conjoint
C’est le pourcentage des dirigeantes interrogées par Bpifrance Le Lab qui assurent ne pas pouvoir s’appuyer sur leurs conjoints pour prendre en charge la gestion de la vie familiale, contre 10 % pour les hommes. Ainsi, si neuf patrons sur dix délèguent cette tâche à leurs conjointes, chez les patronnes, seulement six sur dix peuvent en faire autant. Autrement dit, quasiment la moitié des dirigeantes de PME-ETI doivent « piloter leur entreprise la journée et gérer la vie de famille avant et après leurs horaires de bureau », pointe l’étude.
Une partie de l’explication de cette double journée réside dans le fait que 88 % des femmes dirigeantes ont un conjoint qui travaille à plein temps, contre seulement 58 % des hommes. Les hommes interrogés sont 24 % à avoir des conjointes à temps partiel, ce chiffre tombe à 5 % pour les femmes dirigeantes interrogées.
Question aussi de schémas traditionnels qui perdurent. « L’équilibre reste toujours peu confortable » témoigne Sophie Weber, à la tête de l’entreprise logistique éponyme. « Il est plus difficile pour une femme que pour un homme d’être chef d’entreprise car à de rares exceptions près, elles ont la charge mentale et la gestion du quotidien ».
Quatre sur dix ont remis en question leur façon de gérer l’entreprise
La naissance des enfants est un vrai point de basculement. 39 % des dirigeantes estiment que la naissance des enfants a « remis en question » leur manière de piloter l’entreprise, contre 27 % pour les hommes. Pour huit femmes sur dix, la maternité les a conduites à réadapter leur agenda, contre six hommes sur dix.
Un écart qui agace les femmes à la tête de leurs boîtes qui sont régulièrement renvoyées à ce rôle de mère alors que peu d’hommes y sont confrontés. « Les femmes sont sans cesse ramenées à cette question sur la gestion familiale, alors que ce devrait être aussi un sujet pour les hommes » regrette ainsi Marie Eloy, présidente du réseau d’entrepreneuses Bouge ta Boîte.
70% sollicitent l’avis de leur entourage pour le pilotage de l’entreprise
C’est la proportion des dirigeantes de PME-ETI, qui s’appuient sur leurs proches pour piloter le quotidien de leur entreprise. 70 % des femmes sollicitent l’avis des membres de leurs familles pour enrichir leurs décisions professionnelles, contre 55 % pour les hommes. « Les femmes sollicitent plus souvent les avis, elles parlent plus facilement et régulièrement de leur travail à la maison, leur conjoint est donc plus au courant », argumente Elise Tissier, directrice de Bpifrance Le Lab.
Parallèlement, seulement 6 % des femmes estiment que leur conjoint ne saisit pas leurs enjeux de chefs d’entreprise. Ce chiffre est doublé (12 %) quand on interroge les hommes ! Mais la famille peut aussi être un amortisseur en cas de passage difficile. « Nous avons la chance que notre société tourne bien, et dans les périodes plus tendues de l’entreprise, la famille apporte un équilibre majeur qui aide à prendre du recul », estime Anne Bochard, directrice générale de Design Bois.
36 % ont déjà envisagé tout arrêter
C’est le pourcentage des femmes dirigeantes qui ont déjà imaginé quitter l’entrepreneuriat pour une vie de famille plus adaptée, contre 28 % des dirigeants hommes. « C’est une conséquence directe de cette conciliation plus difficile pour elles entre vie professionnelle et vie privée », souligne Elise Tissier.
Leur équilibre avait d’ailleurs été particulièrement mis à mal pendant les confinements dus au Covid. Pour autant, dans les faits, peu lâchent leur boîte. « Cette période a été très dure pour elles, mais au final elles se sont remises, et très peu de femmes ont jeté l’éponge après, les femmes qui ont osé devenir dirigeantes, il en faut plus pour les faire douter », estime Carine Rouvier, à la tête du réseau Femmes chefs d’entreprise (FCE).
76 % sont satisfaites
Au final, cette difficulté à tout gérer n’entache pas leur enthousiasme. 76 % des femmes dirigeantes sont satisfaites de la manière dont elles concilient vies familiale et entrepreneuriale. Un chiffre étonnant. C’est d’ailleurs le seul point où elles rejoignent à un tel niveau leurs homologues masculins (qui sont à 79 %). « Ce niveau de contentement élevé nous a d’abord surpris de leur part », reconnaît Elise Tissier « mais en fait, il ne nous dit pas que tout est simple ou rose. Bien sûr il y a des difficultés, mais c’est une vie choisie et qui leur va ».
En comparaison, Bpifrance rappelle que « seuls 12 % des salariés se déclarent satisfaits de leur équilibre entre leur travail et les autres aspects de leur vie ». Pour Sophie Weber, cela se comprend : « comparées aux salariées, les femmes dirigeantes ont une certaine liberté pour s’organiser à leur convenance ».