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Adieu Fadhel

  • Adieu Fadhel

Par Dr Haji Rejeb*
Ma tristesse est immense ! Elle est partagée par tous ceux qui t’ont connu et admiré ton amabilité et tes gentillesses. Tu étais, une icône rare parce que tu étais de la lignée des grands. Fonctionnaire de l’Etat, tu étais son serviteur  à la perfection. Président directeur général de Sfax Gafsa, tu as assumé la charge avec efficacité et grandeur de vue. Ministre des affaires sociales de 1992 à 1996, tu étais un homme de dialogue et de compromis. Ambassadeur à Damas, à Vienne, tu as su imposer le respect en devenant un diplomate de renom.Ton passage comme Ambassadeur à Alger, pendant une dizaine d’années, a noué des relations solides avec les hauts cadres algériens et avec le président Bouteflika en particulier.

 
Gouverneur au Kef (1981-1982), à Jendouba (1987-1988) et à Sfax (1988-1990), tu étais l’homme des situations difficiles. Tes administrés se souviendront de tes multiples interventions pour leur faciliter la vie, dans le respect de la loi. Pour le pays, tu avais un amour sans fin. Toujours prêt à servir dans la dignité et dans le respect d’autrui. Tu mettais ton talent et ton savoir dans les missions que tu assumais. Il est vrai que tu avais plusieurs cordes à ton arc, administratif, gestionnaire, politicien, mais également et surtout père de famille ! Tu t’acquittais de chaque  tâche avec responsabilité, hauteur de vue et abnégation.
Fadhel, l’ami de toujours, repose en Paix ! Tu as toujours tendu la main à tes amis. A la mort de ta belle-mère, je suis venu présenter mes condoléances, tu étais alors le Ministre des affaires sociales, recevant les visiteurs avec ton affection coutumière. D’un coup tu me pris par la main et tu m’as demandé avec insistance de mes nouvelles. Je t’ai informé que j’étais toujours harcelé par le pouvoir et ses acolytes, qu’on ne m’a  pas m’octroyé le Diplôme de l’Institut de Défense Nationale, qu’on a refusé de me renouveler mon passeport…Avec une pointe d’humour dont tu avais le secret et le geste qui dit long de notre amitié, tu m’as reproché mon silence. Souriant comme à l’accoutumée et me saluant comme à ton habitude, tu me glissas à l’oreille, je connais les raisons. Je m’en occupe.
Quelle fut ma surprise, lorsque dans la semaine qui suit, mon passeport me fut livré à mon adresse et mon diplôme de l’Institut également, même s’il était sans paraphe… Je savais qu’il avait bataillé dur pour les avoir et qu’il n’a pas lésiné à parler haut et fort à qui de droit qui a beaucoup de respect pour lui. Mais Fadhel qui n’en a pas du respect pour toi ? Brillant et d’une trempe exceptionnelle, il l’était. Il sera toujours présent auprès de ses amis et dans leur mémoire. Qu’ils se rappellent de ses anecdotes admirables, de son vocabulaire chatoyant et toujours feutré, de ses taquineries malicieuses et toujours à bon escient.
Son amour de vivre n’avait d’égal que sa passion de servir et d’être utile, là où le devoir l’appelait. Fadhel a été en fait un modèle du genre. Fier d’être de Gafsa, il faisait partie de son élite. Polyglotte, il maîtrisait  la langue de Rabelais mais aussi celle du Coran. Il fut le disciple de ceux qui ont été élevé dans l’amour de la patrie. Ses compagnons de route, sans doute, sont mieux placés que moi pour témoigner de ses qualités et de ses exigences.
A ma connaissance, par sa gentillesse, il avait vocation d’écouter et de convaincre. Tout le monde reconnaît aujourd’hui qu’il avait assumé les responsabilités qui lui ont été confiées avec son sérieux légendaire et son air narquois. Le sort du pays après la révolution et l’engagement des politiques à sa construction le préoccupaient. Il me taquinait souvent à propos de mes articles. Gentiment, il appréciait, disait-il, leurs profondeurs. Il me prêtait souvent ses conseils judicieux. Plus que d’autres, il a travaillé dans l’ombre et n’a jamais renié ses amitiés multiples et controversées. Il a même subi des revers de ses engagements. Ordonné dans sa vie, fidèle à l’amitié, il cultivait l’esprit de méthode et du travail bien accompli. Il donnait, en cela, l’exemple
D’une très grande  culture, il brillait dans les cérémonies auxquelles il participait, comme dans les réunions qu’il présidait,  par sa finesse d’esprit et son humour inégalé. Au cours de son itinéraire, il voulait bousculer bien des habitudes : restituer au travail, bien fait, sa noblesse et aux valeurs morales, leur signification. Il portait en lui tout ce que l’histoire du pays avait accumulé de sagesse et d’humilité. Ses qualités intrinsèques lui ont assuré sa liberté de parole et son indépendance d’esprit. Il a marqué son temps par ses empreintes. Il espérait que la Tunisie qu’il aimait renaisse de ses cendres. Proposé pour être à la tête du gouvernement, il était prêt à répondre présent et prendre la part de responsabilité qui lui revient pour sauver le pays.
 

La démocratie pour lui n’était pas un vœu pieux mais une issue certaine, il y croyait. Il avait une grande idée de la souveraineté de la Tunisie, une souveraineté qui ne se marchande pas d’après lui et son parcours comme ambassadeur en témoigne. La maladie a fait profondément dévier son parcours.
Comment exprimer toute la tristesse de celles et de ceux qui l’ont connu? Les mots diront à peine leur souffrance. Ils  ne consoleront jamais les siens qui devront être fiers de ses multiples facettes et de son itinéraire jamais égalé.
Que tes amis Fadhel que et tous ceux à qui tu es venu en aide se souviennent de toi. Que Dieu te bénisse, t’accorde Son infinie Miséricorde et t’accueille dans Son éternel Paradis.
 Un ami de longue date 
Dr Haji Rejeb
 
 

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