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Une loi de moralisation de la vie publique, pourquoi pas ?

  • Une loi de moralisation de la vie publique, pourquoi pas ?

Par Rejeb Haji-

« Ceux qui exercent le pouvoir sont tenus de rendre des comptes quelles que soient leurs qualités.»

Béji Caïd Essebsi avec Arlette Chabot,Tunisie la démocratie en terre d’Islam, Plon, 2016.

 
Des nouvelles peu réjouissantes  pour l’économie tunisienne : Le FMI révise le taux de croissance à la baisse 1,5% en 2016, un taux de chômage de 14%, une inflation de 3,7% et un déficit courant de 8% du PIB. Ces chiffres ne font qu’altérer une situation économique et sociale déjà dégradée.
C’est un échec patent de la voie économique adoptée. Rien d’étonnant, ceux qui avaient mené le pays à la crise sont encore aux commandes. Des mauvais conseillers « thatchériens » libéraux qui échouent à nouveau dans leurs prévisions. Pourtant leur incapacité a été démontrée  puisqu’ils avaient pignon sur rue et occupaient les mêmes postes dans  des gouvernements précédents. On prend les mêmes et on recommence ! Telle est une autre  spécificité tunisienne.  A l’heure des bilans des gouvernants, le nôtre est absent. Aucune institution  n’a procédé à une autocritique pour conduire le changement et ne pas le subir. Une gouvernance à vue, sans ligne directrice claire en matière économique et sociale, qui ne fait que  répondre à l’évènement.
Le retour à l’économique est devenu l’urgence du moment. Il faut donc un diagnostic actualisé de la situation du pays et un nouvel inventaire de  ses ressources. Les mensonges, à ce sujet, ont fait ravage dans la population et ceux qui étaient à l’origine de leurs propagations sont encore des prétendants à la direction du pays.  Miser sur des partis politiques sans programmes pour sortir le pays de cette crise s’est révélé incongru. Aujourd’hui, après avoir traité de l’économie sociale de marché et de l’open and go, dans nos précédentes contributions, nous allons signaler une composante économique du modèle de développement qui pourrait être celui de l’avenir. Pour simplifier, l’économie  repose sur l’entreprise d’un côté  et  sur l’Etat de l’autre. L’une a pour vocation de faire des profits et de créer des richesses, l’autre a pour mission de redistribuer les richesses produites et de préserver un pacte social de stabilité. Mais la crise est venue bouleverser la donne.
D’autant plus que l’économie sociale de marché, source d’inspiration plausible,  exige  en premier lieu une constitution,  ce qui a été réalisé et même  pour faire plaisir à des mentors, considérée  comme « la meilleure du monde » ; une politique structurelle à définir encore, en mettant l’accent sur la formation; une  politique  conjoncturelle en collaboration avec la Banque centrale, dont le rôle a été clarifié et dont l’indépendance a été reconnue et enfin une politique sociale à plusieurs facettes où la dialogue doit être la base et le respect de l’engagement, le devoir. La mission de l’Etat consisterait alors  à définir le cadre économique et social sans pour autant interférer sur l’autorégulation du marché. Telles sont les bases de l’économie de marché, à l’allemande, dont l’homme est le centre avec ses droits et ses devoirs.
Par des impôts rendus progressifs, échelonnés dans le temps et non découverts à la veille du vote d’une loi de finances,  ces impôts seraient assignés à financer les services publics (infrastructure, développement des régions, renforcement des prestations sociales…). L’Etat jouerait alors son rôle, participerait activement à la création des richesses en leur assurant  la garantie de sûreté. Il sera  le bénéficiaire de la prospérité qui en résulte. Seul responsable de ses actes à l’égard d’autrui et envers la société vis-à-vis de la paix civile et c’est à lui de trouver les solutions qui s’imposent. Il faut revoir à la base l’investissement dans les connaissances, dans les compétences et dans le savoir-faire pour préparer un autre modèle de développement.
Dans un environnement apaisé avec une justice sereine et indépendante, l’individu, ensuite la famille et enfin toute la collectivité peuvent participer,  avec ferveur, à la création des conditions de vie meilleures. Une telle orientation implique la vérité des chiffres. Le dernier recensement général de la population et de l’habitat 2014  pourrait constituer une référence dont la validité est vérifiable à tout moment.
Pour mieux apprécier les remèdes proposés ou dictés par les bailleurs de fonds, une feuille de route, traitant de l’origine et de la nature des obstacles à rencontrer et de leurs effets à court, moyen et long terme, s’avère  nécessaire. Pourquoi ne pas  impliquer toutes les intelligences du pays et tous les acteurs économiques, pour en définir ses contours et fixer ses échéances ? L’exemple des programmes élaborés en France, lors des dernières élections, peut être une méthode à suivre et une source de réflexion à approfondir. Des volontaires de toutes obédiences et de toutes formations, se sont attelés à la tâche, pour imaginer l’avenir de leur pays et son devenir. Il en est résulté de ce mouvement d’idées d’une part l’effritement des partis classiques ont la disparition est programmée à moyen terme. D’autre part, l’apparition d’une  équipe gouvernementale jeune et ambitieuse, repérée par le plus jeune Président des pays du monde et choisie, non en fonction de leur appartenance idéologique, mais de leurs notoriétés, dans leur domaine de prédilection respectif.
Quant à notre pays, la priorité devrait être la diminution du chômage. Un regroupement de toutes les structures existantes et la création d’un guichet unique, un ministère par exemple  aurait en charge des pôles d’emploi. Il s’agirait  en quelque sorte d’une météo de l’emploi dans toutes les régions de la République.  Seul un recours aux hommes d’action et à l’intelligence des tunisiens par-delà les égoïsmes, les haines ancestrales et  les faux calculs populistes sordides, pourrait remettre le pays en mouvement. L’histoire est là pour donner une assise à la conscience collective de la société. Un dénominateur commun nous unit et il mérite d’être renforcé, en cette période de crise, c’est notre contribution à tous, sans exclusive, à   « rendre notre révolution crédible, notre pays viable et agréablement vivable ». Pour l’asseoir faut-il, comme en France, légiférer par une loi de moralisation de la vie publique où on pourrait y inscrire comme marqueurs : la probité, l’obligation de l’exemplarité et de l’éthique. Les affaires de corruption de ces derniers jours et leurs conséquences sur le monde politique prennent de l’ampleur. Ils sont suivisde près et nul ne pourrait les occulter sous une forme ou une autre. Cette vague d’arrestations  ne doit pas voiler une réalité profonde. La justice doit passer et les coupables condamnés.Et si le journal  « Belmakchouf », que  le PSD (Parti socialiste destourien) voulait en ses temps, durant les années soixante-dix, comparable au « Canard Enchaîné » avait survécu, il aurait débusqué la corruption et ses sbires qui font prospérer,ces dernières années, l’économie parallèle.
A la veille des élections municipales à venir qui vont polariser les attentes, il ne faut pas hésiter à aller tout de suite très loin. Pourquoi le gouvernement ne propose-t-il pas une loi de moralisation de la vie publique ?  L’occasion lui est propice. En attendant, il faut qu’il vérifie la situation fiscale, patrimoniale et judiciaire des hauts responsables. Il doit exiger de tous les partis davantage de respect du principe de parité, de limitation du cumul des mandats et de déclaration du patrimoine dans les élections futures. Il est temps également que le gouvernement s’engage à mettre en place des institutions d’évaluation et de surveillance. Ces institutions, mêmes si elles existent en théorie, dans la pratique, leurs mécanismes ne sont pas mis en œuvre. Au mensonge politique qui se propage, allons-nous se résigner à  conclure  qu’ « on a les dirigeants et les médias que l’on mérite et ils ne changeront de politique que si nous changeons d’attentes et de comportements. »
 
 

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