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Certaines femmes maghrébines légitiment la violence de crainte de perdre leurs maris. D’autres sacrifient leur joie de vivre pour leurs enfants. D’autres en souffrent mais ne savent pas qu’il existe une loi les protégeant de toute forme de violence. En Tunisie «transitionnelle», le débat actuel tourne autour d’une stratégie d’adoption d’une loi cadre en ce sens. Et l’action passe par l’info.
« La Tunisie a connu la propagation d’une violence silencieuse. Les femmes violentées et torturées ne pouvaient pas parler à l’époque de Ben Ali. Certes la Tunisie est avancée en matière de protection des femmes mais entre la théorie et la pratique, il existe un grand écart. Actuellement, il nous faut une loi claire susceptible de protéger effectivement la femme contre toute violence», nous a affirmé Neila Zoghlami, membre de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), chargée d’information.
Penser une stratégie de prévention et de lutte contre la violence à l’encontre de la femme par la loi fut l’objet d’une table ronde organisée, à l’initiative du ministère des Affaires de la femme et de la famille, réunissant experts, journalistes, parlementaires et composantes de la société civile, et ce le 9 et le 10 décembre. La stratégie de communication sociale du modèle Learn-Feel-Do a été privilégiée. Cette stratégie vise à modifier le comportement par le biais de l’information. La spirale de silence et de résistance s’est finalement diluée. Toutefois, au problème juridique s’ajoute un problème de mentalité.
«Nous allons essayer de voir les femmes dans les régions enclavées afin de tenter de changer leurs mentalités et les sensibiliser autour de cette question portant sur la violence », a ajouté Neila Zoghlami.
La femme subit plusieurs formes de violence dont la violence sexuelle, matérielle, psychologique, politique etc. «Pour nous, la femme violentée politiquement le paye encore beaucoup plus cher, car elle la subit à deux niveaux. D’abord, la politique est considérée dans la société comme étant le propre de l’homme. Par conséquent, mener un acte de violence à son égard est considéré comme évident, voire justifié. Ensuite, elle doit assumer la responsabilité de toute une famille quand son mari (ou un autre membre de sa famille) est en prison ou en exil », nous a affirmé Neila Zoghlami, membre de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), chargée d’information. Certains journalistes biaisent également la réalité de la femme. Dans ce sens, la journaliste algérienne Ghania Mouffok expose d’emblée dans son article «Les femmes algériennes dans la presse écrite» son hypothèse :
« Quand les médias s’intéressent aux ‘’femmes algériennes’’, c’est le plus souvent sous l’angle des violences qu’elles subissent : ‘’femmes victimes du terrorisme’’, ‘’mères de disparus’’, ‘’femmes victimes du Code de la famille’’».
En effet, la stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard de la femme s’est vue orienter vers un modèle de type «Learn-feel-do». Cette stratégie vise à modifier le comportement par le biais de l’information. Dans ce cadre, les organisateurs se sont proposés de conscientiser le public des femmes (mais aussi les hommes) autour de l’existence d’un cadre juridique international bannissant la violence. Les femmes maghrébines, notamment tunisiennes, n’en sont pas toutes conscientes. Or, avant même que ces femmes ne soient sensibilisées autour de cette question, le texte doit d’abord expliquer ce qu’est la violence, qui reste non mesurable. «En cette période de transition, l’adoption d’une loi cadre en vue de protéger la femme contre toute forme de violence est essentielle», nous a fait savoir Laila Joudane, représentante assistante du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) en Tunisie. En Tunisie, le projet actuel de la constitution contient des articles stipulant l’élimination de tout acte de violence et de violation des droits des femmes, mais il reste moins clair au niveau des définitions.
La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée le 18 décembre 1979 par l’Assemblée générale des Nations Unies définit clairement la violence. Entrée en vigueur en tant que traits international en 1981, cette convention envoie la violence à la «discrimination», à la « distinction », « l’exclusion » ou la « restriction » fondée sur le sexe. Violenter c’est aussi «compromettre» ou «détruire» «la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes». La convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard de la femme, plus connue sous l’appellation «La convention d’Istanbul» est également considérée comme étant l’un des instruments juridiques les plus efficaces, une convention qui a été saluée par plusieurs participants.
«Nous avons déjà commencé à travailler sur l’aspect juridique de cette stratégie début 2013 et qui constitue le quatrième axe du processus lancé depuis 2008», nous a affirmé Imen Zahouani Houimel, directrice générale des affaires de la femme et de la famille (relevant du ministère des affaires de la femme et de la famille). Avant d’ajouter : «Nous allons nous inspirer de la Convention d’Istanbul, des expériences occidentales en la matière mais également et surtout celle du Maroc qui a été très avancée dans ce domaine portant sur le projet loi Hakkaoui», qui porte le nom de la ministre marocaine de la femme et de la famille et du développement social Bassima El Hakkaoui.
Ce dernier projet de loi, présenté lors du Conseil de gouvernement du 7 du mois dernier, par la ministre, a toutefois, suscité la réaction des uns et des autres au Maroc. Une manifestation a été organisée dans ce sens samedi 14 décembre à Rabat, par la Coalition du printemps et de la dignité, appelant à tracer les frontières sur le texte entre la violence à l’égard de la femme et la violence à l’égard de l’enfant. Dans le même temps, le projet de loi proposé par la ministre est contraignant. Le projet de loi prévoit que les dragueurs peuvent même écoper 4 ans de prison. Dans le même temps, la ministre a même affirmé au journal Al Akhbar samedi 14 décembre en marge de la campagne nationale de la lutte contre la violence que les violeurs récidivistes devraient être castrés et que ce serait la « bonne solution ».
Chaïmae Bouazzaoui