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Trois conclusions: échec, tristesse et regret !

  • Trois conclusions: échec, tristesse  et regret !

 
Par Dr  RejebHaji*

« Il existe un doux euphémisme pour l’autosatisfaction : on nomme cela une autobiographie, et l’auteur y insiste souvent sur les défauts des autres pour souligner combien ses propres réussites sont dignes d’éloges. »
Nelson Mandela -Conversations avec moi-même (2010).

De tout temps, les politiques, en mal de pouvoir, se sont réfugiés dans l’écriture. Ceux qui ne le pouvaient pas, se sont retournés, pour rattraper le temps perdu, à chercher un « prête-plume ». Ce dernier est allé à leur place à la besogne, en contrepartie, il est vrai, d’être chèrement récompensé (un ouvrage de 180 pages est facturé en France jusqu’à 2000 euros !).C’est une vague déferlante d’autobiographie, qui s’est abattue,ces derniers temps, sur  l’histoire de notre  pays.

Chacun des auteurs y allant de son récit, croyant détenir une parcelle de sa vérité. Il veut donc nous l’ingurgiter. A sa guise, la dernière en date, celle d’un ancien Premier Ministre celui issu de la dictature du complot militaire. Il nous livre le récit d’une vie qui a tournée au pitoyable. De prime abord, une couverture à laquelle il vaut mieux en rire qu’en pleurer. Une photographie, cherchée par l’auteur, dans les décombres où apparaît le Président Bourguiba  , à l’apogée de sa gloire, maîtrisant son pas, escaladant les marches,et regardant vers l’avant, ignorant le marcheur d’à côté, un gouverneur, mal au point, les mains derrière le dos, semblant l’écouter attentivement, sous l’œil avisé d’un garde qui ferme le cortège. Faut-il se rappeler à ce sujet, celle choisie par les comploteurs pour orner nos ambassades, le Président,un vieux et en piteux état. C’est une vérité vérifiable dont l’auteur ne dit pas un mot.Il faut du courage pour lire attentivement quelques quatre cent soixante-quatorze pages. Avec patience et curiosité, je l’ai fait.
A priori, le narrateur n’est pas le même que l’écrivain, souvent des redites, sans fin, pour redorer le blason. L’objectif était comme  dans la citation de Mandela, il  faut « souligner les défauts des autres pour souligner ses propres réussites ». De ce côté, le lecteur est royalement servi. Tous les politiques du temps du narrateur sont passés au crible et nul n’est épargné même pas Bourguiba pour lequel dixit il voue une admiration sans fin « un homme cultivé, généreux, affable, bon toujours au service d’autrui ».Il le vénère tellement, qu’il a eu l’intention, avec ses acolytes du complot médical, de l’empoisonner. Cette révélation qu’il a faite dans l’un de ces espaces médiatiques, en mal de publicité et de zoom, qui lui a ouvert le bras pour se disculper. Une péripétie qui a été occultée dans le livre et qui demeure une énigme. Peut-être,  leur chef,  fuyant la justice de notre pays, nous dira-t-il un jour la vérité ? Encore la sienne !  Il faut le souhaiter. Mais revenons à ces centaines de page, sans références crédibles.
A leur lecture, le lecteur est  abasourdie ce qu’il découvre. C’est ce narrateur qui se proclame comme le véritable héros de l’indépendance et c’est par lui que la résistance tirait sa force et son unité.Il va même plus loin, tous les mouvements de libération lui demandaient conseil et toutes les portes des grands de ce monde lui étaient ouvertes,là où la chance lui a souri pour lui permettre d’avoir une responsabilité, alors qu’il n’a jamais été élu  pour elle.Il a été au courant de sa carrière informé de tout et il avait l’accès facile aux dirigeants pour proposer ses solutions et distribuer ses conseils. Sur sa formation et ses diplômes, il n’en parle pas. Même du doctorat honoris -causa qui lui a été octroyé par l’Université de Sousse et qui est demeuré une honte. Un scandale même que les universitaires n’ont jamais admis.« Cette marque de distinction offerte par une université à une personnalité dans un domaine particulier ». Je ne trouve ce domaine nulle part !
Peut-être à posteriori,où il a accaparé, avec son complice Ben Ali,  le pouvoir sur l’ensemble des structures  d’autorité de l’Etat et du parti préparant ainsi leur coup d’Etat médical, ou encore lorsqu’il a manœuvré au congrès du PSD de 1979 pour satisfaire son ambition d’occuper un rang dans la succession. Toujours le même qui d’après lui, celui qui lui barrait la route : Mohamed Sayah. Ce patriote d’envergure, normalien de surcroit, proche de Bourguiba, ayant laissé son empreinte là où Bourguiba le désignait à la besogne. Il est toujours sorti vainqueur même ses ennemis lui valent respect et considération.  Sauf un, toujours le même Hédi Baccouche.
Ce dernier va jusqu’à prétendre que Sayah était « sponsorisé » par Laouiti, que lui-même a « appuyé sa promotion » à la direction du PSD. « Au congrès de Bizerte, il est sorti avec Ben Salah, grand vainqueur. » Il ajoute que « Tant que Ben Salah était puissant, il était son allié voire son complice. Il s’arrangeait toujours pour lui plaire. Et il exagérait ».
« Un jour écrit-il, « il s’est mis à vanter ses mérites par des propos dithyrambiques et à insister sur l’admiration qu’il lui vouait ».  Il affirme  que « Dans sa disgrâce, il a été son pourfendeur zélé et nocif.» Des propos indignes pour ceux qui connaissent de près Mohamed Sayah et je peux en témoigner. Il a toujours eu du respect pour Ahmed Ben Salah. Le fait même de me choisir comme son plus proche collaborateur est un signe fort que Ben Salah lui-même me l’a confirmé. C’était en novembre 1969. J’étais le premier à prendre la défense de Si Ahmed, au nom de l’UGET où j’étais élu trois fois de suite à la commission administrative, chargé des étudiants en Europe.
Je ne voudrai pas polémiquer sur différents sujets dont j’étais à la fois témoin et acteur. Ma carte d’élève au Lycée de Sousse 1958-1959 portant le N°000292,  mon correspondant n’était autre que feu Mohamed Osman et mon engagement dans les scouts musulmans tunisiens était connu…Dans ses mémoires sélectives des contre- vérités à la pelle, J’en cite   la page 418 où il fantasme sur « un  séjour d’un mois de Wassila à Alger où elle aurait plaidé pour aider Sayah à devenir Premier Ministre. Elle l’aurait dit à Mohamed Sayah à Paris, quelques jours avant le changement. » Or Sayah n’a jamais été  à Paris en cette période et en plus l’auteur,lui-même,écrit en parlant de Wassila : « Elle me reçoit avec des égards, beaucoup d’amabilités, une grande affection. Nous sommes restés ensemble trois heures… Je combats Mohamed Sayah et Allala Laouiti qui sont dangereux.»
Il avoue que lorsqu’il était au Parti, nommé par Mohamed Mzali, «  j’avais, écrivait-il, poursuivi la politique d’ouverture que  Mohamed Mzali, Secrétaire général du Parti, avait initiée avec Madame Wassila Bourguiba en 1980. » En reconnaissance, il attribue la réalisation du lac de Tunis à Mohamed Mzali parce qu’il ignore    l’histoire du lac. J’étais en ces temps directeur des études et de la planification au Ministère de l’Equipement et j’ai vécu ses péripéties. Ce fut la première réalisation  d’un projet Public Privé, initié par MohmedSayahen tant que Ministre de l’Equipement et le privé Cheikh Salah Ekamel avec une participation égalitaire.
Quant à la tragédie du 26 janvier 1978, Sayah a répondu par avance, aux interminables élucubrations contenues dans le livre, de son vivant, dans un article publié dansle livre de AdnenMnasser où il explique la relation UGTT – PSD.
Quand son rôle au Parti, il n’a fait que détruire ce qui a été construit pendant des années : un parti moderne, géré d’une manière rigoureuse et ouvert aux jeunes générations. Il oublie que c’est Sayah qui a préparé et présidé la conférence des partis africains en 1975 où 31 partis et organisations ont discuté pendant une semaine du développement planifié en Afrique. De cette rencontre est née l’Internationale socialiste africaine avant qu’il ne soit lui-même directeur du Parti.Lionel Jospin et la délégation de l’internationale socialiste c’est moi qui leur est servi d’accompagnateur jusqu’à leur départ. Il n’est pas au courant que j’ai passé deux semaines au parti socialiste français pour s’initier à leur méthode de travail et à leur financement.
L’auteur a choisi un moment propice pour la publication de ses mémoires. La plupart de ceux qui l’ont connu ne sont plus de ce monde.Que Dieu les bénisse !
D’autres encore en vie peuvent relever ses mensonges. Je fais partie de ceux-là et je ferais son procès avec documents à l’appui. Il a détruit ma carrière et celle de ma femme. Ne pouvant atteindre Sayah bien protégé par Bourguiba, c’est à moi qu’il s’est attaqué déversant sa rancune et sa haine. A l’exemple de «  la vérité dévoilée »c’est le Professeur Amor Chadli qui a donné le signal.
L’auteur devrait répondre aux accusations du professeur en toute franchise ! Il a mis à nu la préparation du putsch du 7 novembre et le rôle joué par Mohamed Mzali. En 1984 des troubles graves éclataient à l’université, le doyen était séquestré, à la faculté des lettres des batailles rangées entre des groupuscules extrémistes, une passivité caractéristique  du pouvoir. Plus grave encore le directeur du PSD dans une position d’attentisme jouait au pourrissement. Cette attitude a été dénoncée dans un manifeste diffusé par les étudiants destouriens.
Des troubles entretenus pour mettre en relief qu’il est le seul avec son clan, le sauveur du pays. Il n’en parle pas et aucune allusion à ces évènements dans son livre. Quant « à l’appel aux nouvelles compétences », ils sont à son image sans curriculum- vitae et viennent tard dans la hiérarchie  des défenseurs de Ben Salah à Paris. Ce sont les étudiants d’après 1970. Le congrès de l’UGET de Mahdia , il n’en parle pas. je l’invite à lire « la Tunisie et le tournant de 1969 à la lumière des archives de la police politique » publié par la fondation Temimi. Il contredira beaucoup de ses propos.
En guise de conclusion un autre sujet celui de la milice du Parti, pour laquelle nous étions traduit devant la justice.C’est l’occasion rêvée pour nous éliminer de la scène politique.Elle favorisait laconquête du pouvoir de son clan.Par un témoignage,en tant que responsables par deux fois à la tête du Parti, Baccouche, aurait pu éviter la prison à des innocents et à d’authentiques destouriens qui le connaissent parfaitement bien et qui sont aux  faits,  de son double langage.
Quant à ses mémoires, il reconnait lui -même à la page que je livre au lecteur et qui justifie le titre « En toute franchise ». « Je m’étais investi dans l’expérience du socialisme animée par Ahmed Ben Salah qui s’était mal terminé, ce fut un échec ; j’avais collaboré à l’expérience d’ouverture de Hédi Nuira que je n’ai pu poursuivre, ce fut un autre échec. J’avais pensé qu’en m’associant au changement du 7 novembre j’avais les moyens de compenser les échecs passés…et ce fut avec mon départ du gouvernement un autre et dernier échec.  D’où ma tristesse et mes regrets. »
En guise de conclusion, certains politiciens, veulent nous faire douter de ce que nous sommes, alors qu’ils ont pris le pouvoir  pour mener le pays là où il est, proche de la déshérence !
R.H.
*Dr d’Etat en économie, Dr en statistique, Diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris, Diplômé de l’Institut de Défense Nationale (4ième promotion), Chef de cabinet de Mohamed Sayah, Premier maire de Melloulèche …
 
 

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