Nous savons depuis longtemps que toute vérité n’est pas bonne à dire ou qu’il vaut mieux parfois « fermer sa gueule ». Il existe d’innombrables cas de figure mais l’idée principale est de ne pas heurter ou froisser son interlocuteur dans le premier cas ; de ne pas passer pour un imbécile ou un rustre dans le second.
Côté bien-être, on nous parle fréquemment de « communication non violente » et du respect dû à l’autre sans parler de l’improbable commandement « Que ta parole soit impeccable » des fameux accords toltèques. Un « Excusez-moi Monsieur mais il me semble que vous êtes en train de très malhonnêtement subtiliser mon portefeuille » sera en effet bien plus courtois qu’un « Sale voleur! »…
Il m’a toujours semblé quelque peu sidérant de suggérer des règles précises de communication alors que de plus en plus de monde semble déjà avoir du mal à s’exprimer. L’idée de ne pas froisser l’autre est généreuse mais dans quelle mesure suis-je responsable de la susceptibilité de mon interlocuteur ou de ses possibles interprétations ? L’idée de mieux faire passer mes idées est intelligente mais dans quelle mesure ne relève-t-elle pas alors de la manipulation, à l’instar de toutes ces techniques pour se rendre sympathique ?
Plutôt que de placer l’entière responsabilité sur celui qui parle, ne conviendrait-il pas plutôt d’enseigner aux enfants et grands adultes infantiles à prendre du recul par rapport aux mots, à accepter ce qui ne fait pas plaisir, à mieux gérer leurs émotions, ceci afin de flexibiliser la parole et la communication ?
Les thérapeutes considèrent en effet que de nombreuses maladies « mal à dit » viennent de difficulté à communiquer et il apparait évident que nous ne serions pas dans un système aussi violent et injuste si davantage de personnes avaient osé « ouvrir leur gueule ».
Dans une optique de mieux-être, il conviendrait ainsi de passer d’une pseudo « bonne communication » à une communication naturelle ou « juste ». Quand une communication est-elle juste ? Simplement quand j’ai l’envie ou le besoin de m’exprimer!
L’idée ici n’est pas de faire l’apologie de la discussion sur tout et n’importe quoi. Le silence est certainement préférable à l’habitude de « parler pour ne rien dire », de la pluie et du beau temps, des mauvaises nouvelles ou des derniers scandales people. « Le trop parler n’est pas marque d’esprit » disait Thalès de Milet et celui qui n’a rien à dire ferait effectivement mieux de se taire.
Mais lorsqu’on se trouve confronté à une injustice, à une stupidité administrative ou à un abus, lorsque l’on en a marre d’être pris pour un mouton, un pigeon ou un dindon (avec ou sans farce), lorsque l’on est surpris, choqué ou simplement curieux, pourquoi devrait-on « garder sa réflexion pour soi » et continuer comme si de rien n’était ?
Autorisons-nous donc plutôt à prendre la parole et laissons à d’autres la responsabilité éventuelle de penser si c’est bien ou mal, opportun ou inopportun, agréable ou désagréable à entendre, vrai ou faux.