Par Dr RejebHaji*
« Il y a deux manières de conquérir et d’asservir une nation, l’une est par les armes, l’autre par la dette. » John ADAMS.
Une question reste posée pour les dirigeants politiques quelle que soit leur idéologie: Le développement économique est-il inséparable de l’endettement ? Peut-on concevoir de nouveaux progrès économiques sans recourir de façon massive à de nouvelles dettes ? A quel niveau de PIB peut-on les admettre ? Existe-t-il des liaisons entre taux de croissance et taux d’endettement? En d’autres termes, peut-on être indépendant, sur le plan économique, des bailleurs de fonds ?
A ces sujets les économistes divergent et leur littérature demeure plus qu’abondante. Mais quelle que soient leurs obédiences, ils s’accordent sur deux conditions de ce qu’ils appellent la « rentabilité économique ». La première est l’équilibre entre les capacités et les besoins de financement. La deuxième est l’orientation des fonds empruntés vers des emplois productifs.
A l’heure actuelle, les deux conditions ne sont pas vérifiées dans notre pays. La mécanique d’endettement repose de plus en plus sur la faible croissance qui perdure et sur un taux d’épargne des ménages qui fléchit sous l’effet de la chute de leur revenu et de la montée de leur endettement. Alors que l’Etat et les entreprises publiques ont vu leurs besoins de financement s’accentuer. L’urgence d’une remise en ordre financière de l’économie tunisienne pour trouver le chemin de la croissance est devenue une évidence. Sans oublier une économie parallèle qui prospère depuis la révolution et à laquelle il faut chercher une limitation saine et efficace, afin de limiter les dégâts.
Croissance et endettement, sont en liaisons dangereuses puisque corrélés et en équilibre instable. Tout gouvernement doit les maîtriser dans le court et le long terme. La solution de sauver le pays est-elle encore entre les mains de ses responsables qui sont comptables de l’échec et de la réussite de leur feuille de route ombrageuse et peu quantifiée ? Pourtant ils avaient eu le temps, au fil des années, d’affiner et de préciser leurs objectifs. Tout en ménageant les susceptibilités et mobilisant les élites, ils auraient parlé le langage de la vérité et rappelé les conditions exigées aussi bien pour la poursuite de la croissance économique que des réformes. Le pays dispose pourtant d’atouts considérables pour moderniser sa coopération et resserrer ses liens abîmés par des politiques rétrogrades.
Des plans de développement, le pays en a conçus et mis en exécution sans passer par des appels d’offres, aux conséquences morales et politiques désastreuses. Il faut veiller à ne pas tomber dans la facilité et dans l’illusion de détenteurs de « bonnes cartes », souvent au service d’intelligences non avouées. Les dérives continueront à s’accentuer, si on entretient à grands frais des médias peu orthodoxes et sans contrôle. Force est de constater qu’après l’ordre public, le redressement économique constitue une tâche très rude. Il faut chercher à sensibiliser sur le devoir de chacun, pour être à la hauteur des nouveaux enjeux et des attentes de la société tunisienne.
La saison touristique non encore revenue à son niveau d’antan, les nouvelles formes de grèves et de contestations constatées freinent encore plus la production ou son acheminement, pourtant la résurgence de nouvelles préoccupations légitimes comme la lutte contre le terrorisme et la corruption mobilisent des énergies et embaument les cœurs. Malheureusement, le pays réel, après des décades de mauvaises gestions, se trouve dans l’impasse économique, sociale et même environnementale. Le politique a desséché les caisses et semé le désarroi. La situation exige de trouver les moyens de survivre au prix de la souveraineté, chèrement payée par des générations de martyrs. Le besoin de financement de tous les secteurs ne pouvant être comblé que par une aide budgétaire ou par un recours au marché. Or les fonds manquent et rendent le recours à l’endettement la seule issue.
Pour mieux peser le danger que court le pays, il nous a semblé utile, pour comprendre les mécanismes de l’endettement et ses conséquences néfastes, de rappeler certaines contraintes, parfois évidentes. Souvenons-nous qu’une dette est une opération contractuelle conclue entre un prêteur et un emprunteur. Une période de grâce est généralement accordée, en début de période, pour repousser d’autant la première échéance. Tout est négociable au sein du « club de Paris » pour les dettes publiques, le « club de Londres » pour les dettes privées. Les opérations sont conclues en présence du FMI qui veille à ce que les programmes d’ajustement structurels (PAS) soient confirmés, avant la signature. Les politiques d’ajustement sont donc considérées comme un passage obligé pour créer des conditions favorables à une croissance soutenue et espérée. Pour l’ensemble des pays endettés, ce sont les mêmes recettes qui sont appliquées. Elles se résument en gros dans quatre directives que nous résumons brièvement comme suit : le pays endetté doit mobiliser des ressources intérieures par une politique fiscale, monétaire et financière ; Il doit assumer une restriction des dépenses publiques et chercher la meilleure allocation des ressources pour une plus grande efficacité ; Il doit mettre fin aux subventions des produits de grande consommation et supprimer les subventions aux entreprises publiques ; il doit aller vers la privatisation des entreprises publiques pour affronter la concurrence sur le marché.
« Le conseil d’administration du Fonds Monétaire International (FMI) a approuvé le décaissement de la 2ème tranche du prêt de 2,9 milliards accordé l’année dernière à la Tunisie (12 juin 2017). » Une tranche équivalente à 900 millions de dinars mise à la disposition de la BCT. Il est à noter également que le Conseil « s’est accordé à aider la Tunisie pour exécuter une série de réformes dans les secteurs économiques, financiers et de développement régional. » On ne nous dit pas tout! Notre pays est dans un moment de vérité.Cette politique d’essence libérale concoctée par le FMI vient d’être mise à nu dans « 9 Questions- clés sur la Tunisie » (14 juin 217). En les passant en revue au plus près, on constate malheureusement que c’est la feuille de route de ce pouvoir. Comme les mêmes causes produisent les mêmes effets, le pays n’est pas loin de sa situationde 1986 où le FMI est intervenu avec le PAS dont on a mesuré,par la suite, les conséquences sociales désastreuses. Il se caractérise et nous n’avons pas attendu le FMI pour identifier le mal, nous l’avons signalé, comme d’autres, dans les différents écrits depuis la révolution, mais sans répondant. Tout le monde a conclu au ralentissement de la croissance, à l’augmentation du chômage et au dérapage de la dette .Nous n’avons nullement besoin de « son assistance technique et ses services de formation pour améliorer le fonctionnement de son économie dans l’intérêt de tous les Tunisiens ».Pour preuve qu’on se rappelle que son rapport « La révolution inachevée » a été par moitié la contribution de tunisiens « payés par la Banque mondiale ». Les pouvoirs publics n’ont pas levé le petit doigt car certains auteurs appartiennent aux structures de l’Etat et étaient soumis au droit de réserve. Une enquête aurait dû être diligentée contre eux. Mais ils sont hautement protégés et le problème de la corruption n’était pas à l’ordre du jour. Le salut de cette « gouvernance»
va-t-il encore venir comme pour les précédentes, du Fonds Monétaire International (FMI) qui va leur accorder un certificat de bonne conduite pour l’exécution des recommandations conclues. Va-t-on réentendre que le FMI déclare que « la Tunisie a honoré ses engagements de réformes structurelles, et ce, malgré la situation économique difficile qu’elle traverse. »
Ces institutions financières, sont-elles, en fait, logées dans nos institutions parce que les pourvoyeurs de fonds qui couvrent nos dépenses, contrôlent au plus près nos activités? Et les lois dont on se gargarise, ne sont-elles pas au fait dictées par le FMI. Ces questions réponses qui ne sont pas à la portée du citoyen lambda, en sont une preuve, si besoin est. Mais que faire nous dira-t-on ? La solution est entre nos mains. Il suffit de faire une révolution à la Macron et dénicher des cadres qui ont réussi et non des chargés de mission qui ont échoué et dont les connaissancesen l’économie sont superficielles voire douteuses. Tout cela est comptabilisé par certains sur la spécificité de la période de transition par laquelle est passé le pays. Alors que c’est un signe d’échec patent des gouvernants successifs.
En conséquence, on devrait revenir au peuple souverain et l’appeler à nouveau pour choisir une nouvelle recomposition de l’échiquier politique. Une clarification apparaît nécessaire. Le curseur politique, on ne sait plus où le placer, depuis la révolution. On ne sait plus qui règle les horloges. Les vrais professionnels de la communication et il en existe encore, doivent, par loyauté à la révolution, instaurer dans leurs colonnes un véritable débat politique. Le drame est que les moyens de communication s’intéressent beaucoup plus aux éphémères qui nous racontent leur vie sans référence, ou encore aux résultats sportifs et à leur désolation sinon aux drames de la société et à leurs amertumes…