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Commémoration du 60è anniversaire de la république, dites-vous ?

  • Commémoration du 60è anniversaire de la république, dites-vous ?

 
Je vous avoue que je suis choquée par la manière dont le pays commémore aujourd’hui le 60ème anniversaire du 25 juillet 1957. Pour certains, ce quasi silence sur un événement historique de taille s’expliquerait par le fait qu’il s’agit de la république de Bourguiba et que, depuis ces toutes dernières années, nous vivons l’ère d’une 2ème République. Cet argument n’est, en aucun cas, justifié. 
Le 25 juillet 1957 a vu, en Tunisie, la naissance et la consécration du régime républicain et la fin du régime monarchique. Et cela est, en soi, un évènement historique important et qu’il ne s’agit pas de marginaliser.
Certes, l’histoire a retenu de nombreuses dérives durant les premières années de cette jeune république. J’y ai consacré un ouvrage (en français) que j’ai intitulé « Bourguiba à l’épreuve de la démocratie » et dont la traduction en arabe, après ajouts, a vu le jour fin 2016 : »بورقيبة والمسألة الديمقراطية ».
Le 25 juillet 2017 consacrant le 60è anniversaire de ce fait historique, à savoir la naissance de la première république tunisienne, est terne et triste. Des journaux, en dehors des deux quotidiens de « La Presse » qui y ont consacré des dossiers (certes modestes), ont évoqué le 60ème anniversaire sur le bout des lèvres ou ne lui ont consacré aucune manchette à la une de leurs éditions de ce jour. Les chaînes télévisées, en dehors de « Nessma » qui a tenté tout modestement de ne pas ignorer l’évènement, l’ont éludé durant toute la journée jusqu’à en faire un non évènement. Ce qui est le cas d’el wataniya 1et 2 qui n’ont fait que passer, comme l’exige ce qui est devenu leur tradition, des documentaires et feuilletons.
En gros, le 60è anniversaire du 25 juillet est réduit à une cérémonie officielle sans grand éclat et à la libération de plus de 1000 détenus.
La commémoration, si commémoration il y a, n’a pas été, avouons-le, à la hauteur de cet événement. Quelles en sont les raisons ? Dieu seul le sait !
Certes, la commémoration de l’assassinat de Brahmi a été le seul événement à considérer.
Pourtant, le 60ème anniversaire aurait dû être une occasion pour faire connaître l’histoire du pays à nos jeunes qui l’ignorent ainsi que les vertus du régime républicain quand s’y mêlent le respect de ses principes fondateurs et celui du régime démocratique. Et ce pour cesser de réduire la république aux tentations monarchiques et héréditaires.
Le 60è anniversaire aurait pu être également l’occasion de dresser le bilan de 60 ans de régime républicain : Qu’est, en effet, devenue la république en Tunisie depuis sa proclamation et jusqu’après le 14 janvier 2011?
Peut-être aurait-il pu être encore une opportunité à saisir pour réhabiliter tous ceux qui ont oeuvré pour que naisse cette république et aussi tous ceux qui ont été victimes de l’autoritarisme républicain de nos premières années d’indépendance ainsi que des dérives de ce qui est communément appelé « la deuxième république ».
C’est un devoir patriotique et national que de conférer à cet événement sa juste mesure et de pallier cette discontinuité historique dont le pays a souffert…
Qu’arrive-t-il à notre pays pour que nous soyons continuellement en proie à des régressions et à des retours aux politiques des anciens régimes ? Dans ce 60è anniversaire, je retrouve la politique de Ben Ali et de Marzouki qui lui aussi, rappelons-le, a tenté d’éluder une telle commémoration. Contre cela, et à cette époque, des protestations s’étaient élevées, contrairement à aujourd’hui où s’est installé un silence complice et inacceptable…
Oui inacceptable parce qu’on n’a pas le droit de badiner avec l’histoire d’un pays…
Et puis, on n’a pas cessé, depuis 2014, d’annoncer le retour de Bourguiba. De quel retour de Bourguiba (certes sans le bourguibisme dont on se prévaut pourtant) peut-on parler ? On s’est évertué à réduire autant d’années d’histoire à des statuts de marbre glaciales et sans âme… Des pierres peuvent-elles se substituer à une part importante de l’histoire nationale ? En les érigeant, peut-être voulait-on se donner bonne conscience d’avoir réhabilité une ombre de Bourguiba mais en oubliant que, par la même occasion, on a enterré des décennies d’histoire faite de constructions positives mais aussi -hélas !- de nombreuses dérives… Cette commémoration de ce 60è 25 juillet 1957 est là pour le démontrer…
Par Noura Borsali

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